Géologie de la région du lac la Trêve, Sous-province de l’Abitibi, Eeyou Istchee Baie-James, Québec, Canada

Projet visant les feuillets 32G13-200-0201, 32G13-200-0202, 32J04-200-0101, 32J04-200-0102
Yannick Daoudene et Mélanie Beaudette
BG 2022-04
Publié le  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À la UNE

L’Essentiel

Ce levé géologique préliminaire de la région du lac la Trêve (feuillets 32G13-NE et 32J04-SE) vise à raffiner la stratigraphie de cette région. Ce secteur est situé à la limite des sous-provinces d’Opatica au nord et de l’Abitibi au sud. Dans la moitié sud de la carte, la séquence de roches volcaniques et sédimentaires de l’Abitibi débute avec le Groupe de Roy. Celui-ci se compose principalement de basaltes coussinés et massifs appartenant aux formations d’Obatogamau et de Bruneau ainsi que de filons-couches de gabbro. Il présente aussi des ensembles de roches volcaniques felsiques ou intermédiaires et de roches sédimentaires attribués aux formations de Waconichi et de Blondeau; la première surmonte localement la Formation d’Obatogamau alors que la seconde marque le sommet du Groupe de Roy. Le Groupe d’Opémisca sus-jacent est composé essentiellement des roches sédimentaires détritiques. À la base du Groupe d’Opémisca, la Formation de la Trêve présente des interstratifications de conglomérat polygénique et de grès. Au sommet, la Formation de Daubrée se compose de bancs de grès (arénite et wacke) et de mudstone. La plupart des polarités observées dans les groupes de Roy et d’Opémisca indiquent des sommets stratigraphiques vers le SE. Des plutons arrondis de syénite et de granite d’envergure kilométrique, peu ou non déformés, coupent l’ensemble volcano-sédimentaire. Bien que les roches présentent généralement un métamorphisme au faciès des schistes verts, elles montrent en bordure des plutons des assemblages minéralogiques typiques du faciès des amphibolites, voire des évidences de fusion partielle. Des dykes de diabase orientés NE-SW, d’épaisseur décamétrique et d’extension kilométrique, coupent l’ensemble des unités décrites précédemment. D’un point de vue métallogénique, plusieurs environnements géologiques favorables méritent d’être soulignés : 1) les roches volcanoclastiques des formations de Blondeau et de Waconichi pour les métaux usuels et précieux associés aux minéralisations de type SMV; 2) le gabbro de l’un des Dykes de l’Abitibi et de la bordure du Stock de Mildred pour les minéralisations magmatiques de Ni-Cu (± EGP); 3) la syénite du Stock de Saussure pour les minéralisations d’or et d’ETR.

 

Méthode de travail

La région a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés effectués dans les zones forestières desservies par un réseau de chemins secondaires. Les travaux de cartographie géologique ont été réalisés par une équipe composée d’un géologue, de deux stagiaires en géologie et de trois étudiants, entre le 26 mai et le 13 août 2021. La cartographie a permis de produire et de mettre à jour les éléments d’information présentés dans le tableau ci-contre.

 

Laboratoire de terrain

La prise de mesures sur les échantillons de roche en cassure fraîche et en face sciée a été effectuée en continu durant le programme de cartographie. Les différentes mesures recueillies sont la densité, la susceptibilité magnétique et la photographie systématique (tableau ci-contre). Des étudiants préalablement formés ont réalisé, sous la supervision du géologue responsable, la prise de mesures sur la majorité des lithologies principales observées en affleurement et sur certaines lithologies secondaires jugées significatives, comme celles d’origine volcanique ou minéralisées. Les mesures de propriétés physiques ont été acquises selon les protocoles établis par Christian Dupuis (Université Laval), en particulier celles pour la susceptibilité magnétique et la densité.

 

Données et analyses
Élément Nombre
Affleurement décrit (géofiche) 413 affleurements
Analyse lithogéochimique totale 201 échantillons
Analyse lithogéochimique des métaux d’intérêt économique 37 échantillons
Analyse géochronologique 7 échantillons
Lame mince standard 224
Lame mince polie 39
Fiche stratigraphique 15
Fiche structurale 5
Fiche de zone minéralisée 7
Mesure de susceptibilité magnétique 632
Mesure de densité 421
Photo d’échantillon 734

 

 

Travaux antérieurs

 

Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux réalisés dans le secteur à l’étude depuis 1900. Il inclut aussi certaines des références citées dans le rapport. Une liste plus exhaustive peut être trouvée dans la base de données documentaire EXAMINE.

 

Travaux antérieurs dans la région d’étude
Auteur(s) Type de travaux Contribution
Bell, 1903; Retty et Norman, 1938; Dunbar, 1927; Shaw, 1940 Reconnaissance géologique Premiers travaux d’inventaire géologique dans la région du bassin de la rivière Nottaway et des lacs Opawica et Assinica

Gilbert, 1949; Gilbert, 1955; Charbonneau, 1981a; 1981b; Dubé, 1981a; Dubé, 1981b; Hébert, 1981; Charbonneau et al., 1983; Dubé, 1983Hébert, 1983;

Cartographie géologique dans la zone d’étude aux échelles 1/50 000 et 1/63 360 Géologie des feuillets 32G13-NE et 32J04-SE

Charbonneau et Dupuis-Hébert, 1983; Charbonneau et al., 1991

Synthèses Géologie des feuillets 23P, 24A, 24J, 24G et 24H

Legault et Lalonde, 2009; Legault et Goutier, 2014

Compilations et synthèses métallogéniques

Discrimination et évaluation du potentiel aurifère des intrusions alcalines du sud-est de la Province du Supérieur

Krogh et al., 1987; Mortensen, 1993; David et al., 2007 ; Leclerc et al., 2012; Davis et al., 2014; David et al., 2018

Géochronologie, synthèse et divisions lithotectoniques Études géochronologiques ayant permis de préciser l’âge de certaines unités stratigraphiques et lithodémiques discutées dans cette étude

 

Daoudene et al., 2014; Daoudene et al., 2016

 

Acquisition de données thermochronologiques
40Ar/39Ar
Comparaison de l’évolution tectonométamorphique des sous-provinces de l’Abitibi et d’Opatica
Money, 1957; Essop, 1970a; Essop, 1970b; Beauregard et al., 1980; Gauthier et al., 1980; Kelly, 1981; Cornet et Girard, 1981; Vachon, 1981; Cornet et Girard, 1982; Borduas, 1988; Galarneau et Miron, 1989; Corbeil et Villeneuve, 1994; Cloutier, 2006Cloutier et Lefebvre, 2006 Campagnes de forage au diamant Sondages dans le feuillet 32G13-NE
Relevés Géohysiques Inc., 1981; Dion et Lefebvre, 1997; Dion et Loncol-Daigneault, 2006; Keating et D’Amours, 2010 Levés géophysiques aéroportés Couverture complète de la région par des levés aéromagnétiques de haute résolution

 

Solgadi, 2017

Levé géochimique de sédiments de fond de lac Secteur du lac Assinica (portion nord des feuillets 22M, 23D, 32P et 33A)

Lithostratigraphie

 

Le schéma lithostratigraphique et la frise chronologique ci-contre présentent les unités lithostratigraphiques et lithodémiques de la région du lac la Trêve insérées dans un cadre spatiotemporel. Une description détaillée des unités est disponible dans la fiche stratigraphique correspondante accessible en cliquant sur l’hyperlien associé.

La région cartographiée est située à cheval entre deux sous-provinces archéennes du Supérieur. Dans le coin NE, la Sous-province d’Opatica est principalement composée de roches gneisso-plutoniques felsiques. Au sud, la Sous-province de l’Abitibi est composée d’un ensemble de roches volcaniques et sédimentaires coupé par des roches plutoniques. Le contact entre les deux sous-provinces n’a pas été observé dans le secteur, car il est en majeure partie masqué par la Granodiorite de Berey. Nous pensons toutefois qu’il est situé au nord de cette intrusion, étant donné la présence de lentilles kilométriques d’amphibolite.

 

SOUS-PROVINCE D’OPATICA

La base de l’empilement lithologique de la région est constituée de la Suite de Chensagi (Leclerc et Caron-Côté, 2017), laquelle est présente à l’est du lac Caupichigau. Elle n’a cependant pas été observée dans le cadre de nos travaux. Elle est composée de gneiss dioritique à tonalitique et de tonalite foliée dont les âges de mise en place sont répartis sur une longue période, soit de ~2773 Ma à ~2722 Ma (Davis et al., 1995; David, 2018b).

 

SOUS-PROVINCE DE L’ABITIBI

L’ensemble volcano-sédimentaire

La moitié de la région cartographiée présente des roches volcaniques et sédimentaires associées aux groupes de Roy, à la base, et d’Opémisca, au sommet.

 

Le Groupe de Roy

Le Groupe de Roy comprend essentiellement des roches volcaniques mafiques à intermédiaires. Il s’étend approximativement entre la rivière la Trêve et le lac Mildred, au nord, et la partie centrale du lac la Trêve, au sud. Avant nos travaux, on croyait que ce secteur ne contenait que les formations d’Obatogamau et de Bruneau, les unités basales du premier et du second cycle volcanique (Allard et al., 1979), respectivement. Notre campagne de cartographie et nos analyses chimiques ont permis d’ajouter les formations de Waconichi et de Blondeau à la région, les unités sommitales des deux cycles volcaniques.

La Formation d’Obatogamau s’est mise en place dans un intervalle de temps encore mal précisé, s’étendant de ~2791 Ma à ~2729 Ma. Les lithologies rencontrées sont d’aspect monotone et principalement composées de basalte et de basalte andésitique coussinés et massifs (voir p. ex. l’affleurement 21-YD-2084). Nos analyses géochimiques ont toutefois permis de faire une subdivision inédite. Deux sous-unités comprennent des roches d’affinité tholéiitique; la première est ferrifère (nAob1b) et domine, alors que la seconde (nAob1a) est magnésienne et forme trois lentilles kilométriques plus ou moins étroites dans la première. Une troisième sous-unité géochimique (nAob1c) distincte, comprenant du basalte calco-alcalin, se présente en une fine lentille d’extension kilométrique surmontant la séquence tholéiitique dans le coin SW du levé géologique. Une bande d’extension kilométrique de roches volcanoclastiques mafiques à intermédiaires (nAob2) a aussi été révélée. Cette bande dessine une courbe convexe vers le sud, du SW de la baie Gilbert jusqu’à la bordure ouest de la région cartographiée. Elle est interdigitée dans le basalte tholéiitique ferrifère.

La Formation de Waconichi (nAwa), datée entre ~2736 Ma et ~2723 Ma (Mortensen, 1993; Legault, 2003; Leclerc et al., 2011; David et al., 2012; David, 2018a; David et al., 2018), coiffe le premier cycle du Groupe de Roy. Elle forme une unité nouvellement reconnue dans le secteur. Elle se présente en une étroite bande de ~10 km de longueur, orientée NE-SW du NE, au SW de la baie Gilbert. La majeure partie de cette bande est immergée sous les eaux du lac la Trêve; peu d’affleurements ont donc pu être observés. Les deux seuls affleurements étudiés (21-YD-2094 et 21-MB-3112) montrent du tuf intermédiaire à lapillis, localement fortement altéré. Des forages indiquent aussi la présence de niveaux de roche volcanoclastique felsique, de mudstone graphiteux et de sulfures massifs (Essop, 1970a; Galarneau et Miron, 1989).

Le second cycle volcanique du Groupe de Roy débute avec la Formation de Bruneau, datée à ~2724 Ma (Davis et al., 2014). Elle forme une bande curviligne qui s’étend du coin SW du levé géologique jusqu’au nord de la partie principale du lac la Trêve, où elle est délimitée par la Zone de cisaillement de Dussault. La Formation de Bruneau est ici uniquement composée de basalte d’affinité tholéiitique. Cependant, nos analyses géochimiques ont permis de créer une subdivision. En effet, la base de l’unité apparaît plutôt magnésienne (nAbnu1a), alors que le sommet est de composition ferrifère (nAbnu1b). Cette caractéristique rejoint les observations de Leclerc et al. (2011) dans le secteur de Chibougamau (feuillet 32G16). Cette formation forme une bande curviligne et continue, qui s’étend du coin SW du levé géologique jusqu’au nord de la partie centrale du lac la Trêve.

La Formation de Blondeau représente également une unité nouvellement reconnue dans la région. Elle constitue le sommet du second cycle volcanique du Groupe de Roy et se serait mise en place après 2721 Ma (Leclerc et al., 2012). Elle forme une bande de ~14 km de longueur et d’une largeur maximale de1,7 km, depuis l’est du lac Gisèle, au NE, jusqu’au nord du lac la Ribourde, au SW. Dans la région, la Formation de Blondeau est principalement composée de roche volcanoclastique de composition andésitique et d’affinité calco-alcaline (nAbl2; affleurements 21-MB-3095 et 21-YD-2082).

 

Le Groupe d’Opémisca

Le Groupe d’Opémisca représente un peu moins du quart de notre levé en superficie et affleure dès la moitié sud du lac la Trêve. Il possède un âge maximal de dépôt de ~2704 Ma (Leclerc et al., 2011). Dans la région à l’étude, il est principalement représenté par la Formation de la Trêve, au nord, et la Formation de Daubrée, au sud. Il est en contact de faille avec le Groupe de Roy.

La Formation de la Trêve forme une bande continue, orientée NE-SW, dont la largeur varie de 400 m à 1,8 km. Cette unité passe au centre du lac la Trêve. La formation montre une alternance de niveaux de conglomérat polygénique à clastes arrondis, couramment jointifs, et de niveaux plus fins d’arénite et de wacke (nAlt).

La Formation de Daubrée, qui constitue la majeure partie des roches dans la moitié sud du lac la Trêve, est dominée par de l’arénite et du mudstone, mais présente aussi des niveaux métriques de conglomérat polygénique (nAda). En bordure du Pluton de Saussure, cette formation est fortement métamorphisée. Ici, la Suite métamorphique de Dome, une unité nouvellement créée, comprend des paragneiss à biotite ± andalousite ± cordiérite dérivés d’arénite, de wacke et de mudrock (nAdoe1) et, localement, de la métatexite, de la diatexite et de la migmatite indifférenciée de paragneiss (nAdoe2).

Du basalte et du tuf à lapillis du Membre de Christian, appartenant à la Formation de Haüy, affleurent à l’est du lac la Trêve. Ces lithologies n’ont toutefois pas été observées dans le cadre de nos travaux.

 

Les roches intrusives archéennes

Les roches intrusives sont nombreuses et variées autour du lac la Trêve. En surface, elles représentent plus de la moitié de la région cartographiée.

De nombreux filons-couches métriques à décimétriques de gabbro (I3A) et de gabbronorite (I3Q) coupent l’ensemble volcanique du Groupe de Roy. Ils ont été uniquement cartographiés dans les formations d’Obatogamau et de Bruneau. Leur affinité tholéiitique laisse penser que ce sont des intrusions synvolcaniques.

Le Pluton de Rita (nArit) a été peu observé dans le cadre de nos travaux. Il s’injecte dans la Formation de Daubrée dans les environs de la baie Rita, au sud du lac la Trêve. Il se compose d’une diorite à biotite. Aucune donnée géochronologique n’existe pour cette intrusion.

Au nord de la zone cartographiée, la Granodiorite de Berey (nAber) forme une vaste intrusion en contact cisaillé avec la Formation d’Obatogamau. Elle se compose d’une granodiorite calco-alcaline, très homogène, généralement peu ou pas déformée. Sa mise en place est datée à ~2692 Ma (Davis et al., 2018).

La Suite intrusive de Daine est une unité qui a été créée dans le cadre de nos travaux pour regrouper cinq intrusions distribuées autour du lac la Trêve, principalement composées de roches intermédiaires ou mafiques, d’affinité alcaline ou calco-alcaline. Du nord au sud, il s’agit du Pluton de Mildred (nAmdr), du Pluton de Gilbert (nAglb), du Pluton de Huguette (nAhuu), du Pluton de Gisèle (nAgis) et Pluton de Saussure (nAsau). Ces intrusions coupent tout l’assemblage volcanique et sédimentaire et sont peu affleurantes. Néanmoins, elles se démarquent sur la carte du champ magnétique (Keating et D’Amours, 2010) par de fortes anomalies positives plus ou moins circulaires. À ce jour, il n’existe aucune donnée géochronologique permettant de préciser l’âge de leur mise en place. Cependant, le Pluton de Mildred coupe la Granodiorite de Berey, ce qui semble indiquer que la Suite intrusive de Daine soit plus jeune que 2692 Ma.

Deux autres plutons montrant des formes arrondies auraient pu être intégrés à la Suite intrusive de Daine. Il s’agit du Pluton de Jean-Denis (nAjde), au SE du lac la Trêve, et du Pluton de Gillian (nAgil), situé dans la baie Rita. Cependant, la composition granitique du premier est différente des autres intrusions de la Suite intrusive de Daine, et le deuxième n’a pas été observé ni échantillonné durant nos travaux.

 

DYKES MAFIQUES MÉSOPROTÉROZOÏQUES

Trois dykes gabbroïques associés au réseau de Dykes de l’Abitibi (mPabi) coupent les roches archéennes de la région. Ils sont orientés NE-SW. Deux d’entre eux traversent le lac la Trêve et sont relativement continus. Leur épaisseur varie d’une dizaine à une centaine de mètres. Il s’agit du dyke du Poing au nord, et du dyke de Geneviève au sud (Charbonneau et al., 1991). Ils sont constitués de gabbro à olivine et montrent une forte anomalie positive sur la carte du champ magnétique (Keating et D’Amours, 2010). Les Dykes de l’Abitibi sont datés à ~1140 Ma (Krogh et al., 1987).

 

Lithogéochimie

La lithogéochimie des unités de la région du lac la Trêve est présentée séparément sous forme de tableaux.

 

Géologie structurale

DOMAINES STRUCTURAUX ET ZONES DE CISAILLEMENT

Des critères lithologiques, structuraux, métamorphiques et géophysiques nous ont amenés à subdiviser la région cartographiée en trois domaines structuraux séparés par deux zones de cisaillement régionales. Leur description détaillée est disponible en cliquant sur l’hyperlien correspondant. La carte structurale ci-dessus montre la répartition des différents domaines, alors que la coupe ci-dessous présente une interprétation de la disposition en profondeur des unités stratigraphiques et lithodémiques qui les composent.

Les domaines structuraux de Gilbert (DSgil) et de Daine (DSdai) sont principalement composés de roches supracrustales. Le premier comprend des unités volcaniques rattachées au Groupe de Roy, alors que le deuxième présente des unités sédimentaires appartenant au Groupe d’Opémisca. Les deux ensembles sont coupés par des roches intrusives synvolcaniques et syntectoniques à post-tectoniques. Au nord, le Domaine structural de Dinosaure (DSdin) se superpose à la Granodiorite de Berey.

Les zones de cisaillement de Dussault (ZCdus) et de Mildred (ZCmil) séparent du NE au SW les domaines structuraux.

 

CHRONOLOGIE DES PHASES DE DÉFORMATION

Depuis le début des années 1990, les fabriques régionales de la partie NE de la Sous-province d’Abitibi et de la partie occidentale de la Sous-province d’Opatica, au nord, ont été attribuées principalement à trois phases de déformation D1, D2 et D3, (voir Daigneault et al., 1990; Benn et al., 1992; Sawyer et Benn, 1993; Daoudene et al., 2016), mais seules les deux dernières sont régulièrement mentionnées.

Dans le Lexique structural, la fabrique principale (c’est-à-dire, celle qui domine) d’un domaine est, par définition, associée à la phase Dn. Les phases antérieures sont désignées Dn-1, Dn-2, etc., et les phases postérieures Dn+1, Dn+2, etc. Il est aussi important de rappeler que, dans le lexique, la phase Dn d’un domaine ne correspond pas nécessairement à celle des domaines voisins.

Dans le cadre de la région cartographiée, nous corrélons les phases de déformation décrites dans les fiches du lexique des domaines structuraux et des zones de cisaillement de la façon suivante :

  • la phase Dn-1 du Domaine structural de Gilbert et de la Zone de cisaillement de Mildred correspond à D1;
  • la phase Dn des domaines structuraux de Daine, de Dinosaure et de Gilbert et des zones de cisaillement de Dussault et de Mildred se rapporte à D2;
  • la phase Dn+1 du Domaine structural de Gilbert est rattachée à D3.

STRATIFICATION S0 ET POLARITÉ

La stratification S0 peut être régulièrement observée dans les séquences volcaniques et sédimentaires du Groupe de Roy, dans le Domaine structural de Gilbert, et du Groupe d’Opémisca, dans le Domaine structural de Daine. La majorité de nos mesures montre que S0 est globalement NE-SW, mais qu’elle varie localement, car sa trajectoire épouse la forme des plutons. Son pendage est globalement fort vers le nord.

Plusieurs affleurements des groupes de Roy et d’Opémisca présentent des indicateurs de polarité. Ces derniers correspondent principalement à des bancs gréseux granoclassés et à des coulées basaltiques peu déformées dont les coussins possèdent des pédoncules nets et des chambres de quartz droites. Tous les indicateurs de polarité observés durant nos travaux indiquent que le sommet de l’ensemble de la séquence volcano-sédimentaire de la région est dirigé vers le sud et, donc, que cette séquence est renversée.

 

PHASE DE DÉFORMATION D1

Le Domaine structural de Gilbert et la Zone de cisaillement de Mildred montrent localement une fabrique associée à une phase de déformation précoce D1. La fabrique S1 s’observe au niveau d’affleurements de la Formation d’Obatogamau localisés au voisinage de la Granodiorite de Berey, c’est-à-dire dans la section profonde de l’empilement volcano-sédimentaire régional (voir la coupe). Cette fabrique se manifeste par un rubanement millimétrique à centimétrique et une foliation diffuse, soulignée par l’orientation préférentielle des cristaux de hornblende.

La S1 est reprise par la fabrique immédiatement postérieure S2 et dessine ainsi des plis serrés de longueur d’onde centimétrique à décimétrique. Les axes de ces plis semblent généralement subhorizontaux et orientés NE-SW.

Aucune fabrique comparable à S1 n’a été observée dans la Granodiorite de Berey; la mise en place de l’intrusion est donc postérieure à la phase de déformation D1.

 

PHASE DE DÉFORMATION D2

Les fabriques associées à la phase de déformation D2 sont omniprésentes à l’échelle de la région cartographiée. Elles affectent toutes les unités archéennes de la région, mais elles sont variablement développées. Elles sont bien exprimées dans les roches volcaniques et sédimentaires des groupes de Roy et d’Opémisca, et peu marquées dans les roches plutoniques de la Granodiorite de Berey, de la Suite intrusive de Daine et du Pluton de Jean-Denis.

Les caractéristiques géométriques des fabriques associées à la phase D2 (voir ci-dessous) sont compatibles avec un épisode de raccourcissement crustal horizontal nord-sud (voir Daigneault et al., 1990; Daoudene et al., 2014).

 

Unités volcaniques et sédimentaires

Étant donné la variabilité des conditions métamorphiques dans la région cartographiée (voir ci-dessous la section « Métamorphisme »), la fabrique planaire S2 se matérialise différemment d’un endroit à l’autre. Dans le Domaine structural de Daine, en dehors des auréoles métamorphiques des plutons, S2 s’exprime dans les roches sédimentaires de la Formation de Daubrée par des surfaces de dissolution sous pression (stylolithiques) montrant des plans espacés de quelques millimètres à un centimètre. Vers le nord, au voisinage de la Zone de cisaillement de Dussault, les roches de la Formation de la Trêve dévoilent au microscope une foliation plus diffuse, soulignée par l’orientation préférentielle de la biotite. Dans le Domaine structural de Gilbert, la foliation S2 dans les roches volcaniques du Groupe de Roy est encore plus pénétrative. Elle est marquée par les amphiboles, la chlorite, la biotite et la séricite.

La fabrique S2 est globalement orientée NE-SW et présente des pendages majoritairement abrupts vers le nord. Toutefois, considérant que sa trajectoire tend à épouser la forme des plutons, elle montre ponctuellement une direction à tendance nord-sud sur de courts segments.

La surface S2 porte une linéation minérale et d’étirement L2 généralement peu développée. Cette linéation montre une plongée variant de modérée à forte, ce qui indique que les mouvements verticaux ont plutôt prévalu durant D2.

 

Granodiorite de Berey

 La Granodiorite de Berey, située dans le Domaine structural de Dinosaure, s’avère peu ou pas déformée. Aux endroits où elle est présente, la foliation S2 est soulignée par la biotite et l’aplatissement plus ou moins prononcé des grains de quartz. Cette foliation s’intensifie vers la bordure de la granodiorite, notamment en direction de la Zone de cisaillement de Mildred. Ces caractéristiques indiqueraient que la Granodiorite de Berey est une intrusion syntectonique qui se serait mise en place durant la phase de déformation D2, estimée aux alentours de 2692 Ma (Davis et al., 2018).

Les trajectoires de la foliation dans la Granodiorite de Berey semblent dessiner un pli antiforme grossièrement orienté NE-SW. L’orientation grossièrement E-W du plan axial est compatible avec un régime compressif nord-sud. La granodiorite se serait mise en place durant la formation du Dôme. 

 

Zones de cisaillement inverses

La région cartographiée est coupée par deux zones de cisaillement régionales orientées NE-SW : la Zone de cisaillement de Dussault, au sud, et la Zone de cisaillement de Mildred, au nord. Celles-ci séparent les différents domaines structuraux et, par conséquent, les grandes unités stratigraphiques et lithodémiques de la région. En raison de l’attitude de leurs fabriques (foliation et linéation), nous attribuons ces zones de cisaillement à la phase de déformation D2. Il est important de signaler que le contact entre les roches des groupes de Roy et d’Opémisca avait été interprété comme une discordance angulaire (Charbonneau et al., 1991), ce que nos observations ne confirment pas. Au contraire, bien qu’ils soient rares, les affleurements situés le long du contact montrent communément des roches très déformées.

Les deux zones de cisaillement montrent communément un pendage vers le nord et des linéations minérales et d’étirement à plongée variant de modérées à fortes. Même en l’absence d’indicateurs cinématiques, notre interprétation montre que ces zones de cisaillement ont une cinématique inverse. En effet, leur toit expose des roches appartenant à des niveaux crustaux plus profonds et qui sont affectées par un grade métamorphique plus élevé que celles de leur mur. Ainsi, ces zones de déformation ont accommodé une partie du raccourcissement N-S régional. La Zone de cisaillement de Mildred a permis la remontée de la Granodiorite de Berey sur le Groupe de Roy, alors que la Zone de cisaillement de Dussault a entrainé le chevauchement du Groupe de Roy sur celui d’Opémisca (voir la coupe).

 

PHASE DE DÉFORMATION D3

Entre les plutons de Huguette et de Gilbert, le Domaine structural de Gilbert est coupé par une zone de cisaillement rectiligne orientée NW-SE. Cette zone de cisaillement a été peu observée sur le terrain. Cependant, à son voisinage, la foliation S2 dans les roches volcaniques de la Formation d’Obatogamau est reprise par une schistosité de crénulation subverticale S3.

Le long du tracé de la zone de cisaillement, un affleurement de roche mafique mylonitisée (21-YD-2095) révèle une linéation d’étirement faiblement plongeante. La composante principale du mouvement semble donc décrochante. Par ailleurs, les trajectoires de la foliation régionale S2 et celles des linéaments magnétiques, de part et d’autre de la zone de cisaillement, semblent indiquer un mouvement apparent dextre.

Les caractéristiques structurales et géométriques de la zone de cisaillement sont donc approximativement les mêmes que celle de la Zone de cisaillement de Nottaway, située à une trentaine de kilomètres à l’ouest (voir Daoudene et al., 2016).

 

Métamorphisme

La carte ci-contre présente les assemblages de minéraux représentatifs de conditions métamorphiques particulières, observés dans des échantillons de roches volcaniques et sédimentaires de la région du lac la Trêve. Elle montre aussi la répartition régionale des faciès métamorphiques estimés à partir de ces assemblages et des microstructures de déformation dans des roches intrusives quartzo-feldspathiques.

La région montre de nombreux domaines métamorphiques associés à des conditions variant du faciès des schistes verts à celui des amphibolites. L’empreinte métamorphique est à la fois associée à un épisode tectonique régional et à la mise en place de plutons tarditectoniques. Les caractéristiques métamorphiques de ces deux événements sont successivement décrites dans les parties qui suivent.

 

MÉTAMORPHISME RÉGIONAL

La région du lac la Trêve se caractérise par un accroissement progressif des conditions de température du sud vers le nord.

A sud, dans le Domaine structural de Daine, les roches des formations de Daubrée et de la Trêve possèdent des assemblages à chlorite-biotite ± trémolite ± séricite ± épidote ± carbonate. La foliation S2 s’exprime couramment par un clivage de pression-dissolution ou une foliation pénétrative peu développée et les roches montrent peu d’évidence de recristallisation dynamique. Les structures primaires, en particulier le litage et le granoclassement au sein des séquences gréseuses et conglomératiques, sont très bien préservées. Ces caractéristiques minéralogiques et structurales indiquent que les roches de ce secteur ont enregistré des conditions métamorphiques de faible température, de toute évidence au faciès inférieur des schistes verts.

Les assemblages minéralogiques des roches de la Formation de Blondeau localisées au sein de la Zone de cisaillement de Mildred sont à biotite-séricite ± chlorite. La biotite et la séricite soulignent la foliation S2 et le plagioclase montre une réduction de la taille des grains par un mécanisme de déformation fragile. Ceci semble indiquer des conditions métamorphiques associées au faciès inférieur des schistes verts. La présence locale de bandes de cataclasite coupant la foliation S2 laisse penser que la déformation dans la zone de cisaillement s’est poursuivie dans le domaine fragile.

Dans le Domaine structural de Gilbert, les conditions métamorphiques évoluent progressivement du sud vers le nord, depuis le faciès inférieur des schistes verts jusqu’au faciès inférieur des amphibolites. Dans les roches volcaniques mafiques de la Formation de Bruneau, au sud, les compositions minéralogiques comprennent un assemblage à actinote/trémolite ± chlorite ± épidote ± carbonate, alors que vers la base de la Formation d’Obatagamau, au nord, les assemblages sont à hornblende ± biotite ± épidote. La biotite est relativement rare dans les roches volcaniques mafiques, mais nos observations pétrologiques semblent indiquer qu’elle est présente dans ce type de roche dès la base de l’unité nAbnu1a. Plus précisément, l’apparition de la biotite indique le passage dans le faciès supérieur des schistes verts (~400 °C).

La foliation S2 observée dans la Granodiorite de Berey s’est développée dans des conditions de température typiques du faciès supérieur des amphibolites. Aux endroits où les roches quartzo-feldspathiques sont les plus déformées, les cristaux de quartz et de feldspath présentent des bordures arrondies, ce qui indique une recristallisation dynamique à haute température par migration des joints de grains (Gower et Simpson, 1992). Des grains de quartz présentent aussi une microstructure en échiquier, ceci impliquant du glissement intracristallin combiné le long des directions cristallographiques < a > et < c > durant un processus de déformation à haute température (600 °C; Blumenfeld et al., 1986; Gapais et Barbarin, 1986).

 

MÉTAMORPHISME DE CONTACT

Plusieurs plutons de la région se démarquent par une auréole métamorphique qui se superpose à l’empreinte métamorphique régionale. En carte, les auréoles possèdent une largeur comprise entre 500 m et 1 km.

L’auréole métamorphique la plus spectaculaire est celle située sur le flanc nord du Pluton de Saussure. Elle correspond à la Suite métamorphique de Dome et englobe aussi les roches sédimentaires de la Formation de Daubrée situées autour du Pluton de Jean-Denis. En se rapprochant des intrusions, la biotite est omniprésente et les porphyroblastes de cordiérite sont localement abondants dans certains bancs de wacke. Au voisinage immédiat du Pluton de Saussure, les paragneiss sont migmatitisés et couramment coupés par des dykes de granite ou de syénite.

Le Pluton de Huguette présente aussi une auréole métamorphique. Cependant, elle s’avère plus difficile à mettre en évidence, puisque les roches encaissantes ont auparavant atteint des conditions de températures relativement importantes (variant du faciès supérieur des schistes verts au faciès inférieur des amphibolites). Les roches volcaniques mafiques au sein de l’auréole présentent une patine d’altération très sombre de teinte bleu-vert. Les roches sont généralement très déformées et les structures primaires mal préservées. Au microscope, la hornblende est l’amphibole dominante.

 

Géologie économique

Le tableau des analyses lithogéochimiques des métaux d’intérêt économique donne la localisation, la description et les résultats d’analyse pour 37 échantillons choisis dans le but d’évaluer le potentiel économique de la région.

Minéralisations connues de la région d’étude

Le tableau des zones minéralisées ci-dessous présente la compilation et les résultats d’analyse pour les sept zones minéralisées répertoriées dans le secteur du lac la Trêve.

 

Zones minéralisées dans la région du lac la Trêve


Connues
Nom Teneurs
Minéralisation de type veine aurifère mésothermale, à gangue de quartz et de carbonates
80-DAN-D-3 1746 ppb Au sur 1,2 m (D)
Minéralisation magmatique de type Ni-Cu dominants (± Co ± EGP)
Lac La Trève-Centre 2960 ppm Ni (G); 246 ppb EGP (G)
Minéralisation magmatique de type Ni-Cu dominants (± Co ± EGP) associée aux roches intrusives mafiques à ultramafiques diverses
Baie Pelette 3500 ppm Ni sur 4,5 m (D); 2100 ppm Cu sur 4,5 m (D); 700 ppm Co sur 4,5 m (D)
La Trève 4 5121 ppm Ni sur 0,3 m (R); 7582 ppm Cu sur 0,3 m (R); 1822 ppb EGP sur 0,3 m (R); 582 ppb Au sur 0,4 m (R)
Lac La Trève-Nord 14 530 ppm Ni (G); 4100 ppm Cu sur 1,5 m (D); 600 ppm Co sur 1,5 m (D)
Minéralisation de type sulfures massifs de métaux usuels associée aux roches volcaniques (SMV)
80-DAN-F-1 33,6 ppm Ag sur 0,2 m (D)
A-88 12 170 ppm Zn sur 1,5 m (D)

(D) : Forage au diamant; (G) : Échantillon choisi; (R) : Rainure – échantillon en éclats

Minéralisations méconnues et découvertes lors des présents travaux

La région du lac la Trêve présente des zones favorables pour trois types de minéralisation :

  • minéralisation de métaux de base et précieux (Au-Ag ± Cu ± Zn) associée à des altérations volcanogènes;
  • minéralisation de Ni-Cu-EGP (± Co) associée à des roches intrusives mafiques et ultramafiques; 
  • minéralisation en Au ± ETR associée à une intrusion porphyrique intermédiaire.

 

Minéralisation en Au-Ag (± Cu ± Zn) associée à des altérations volcanogènes

Avant nos travaux, les roches volcaniques de la région appartenaient uniquement aux formations d’Obatogamau ou de Bruneau. Nos travaux soulignent également la présence de roches appartenant aux formations de Waconichi et de Blondeau, qui sont considérées comme des zones favorables pour les minéralisations en métaux de base et précieux pour les raisons suivantes :

  • leurs caractéristiques lithologiques impliquent des périodes d’accalmie de l’activité magmatique, favorisant le développement d’altérations volcanogènes;
  • les minéralisations volcanogènes qu’elles contiennent ailleurs dans le camp minier de Chapais-Chibougamau sont parmi les plus importantes de la région.

Les formations de Waconichi et de Blondeau forment respectivement les zones favorables de Gilbert et de Gisèle.

 

La Zone favorable de Gilbert : un potentiel intéressant pour les SMV aurifères

Un enrichissement en grenat et en chlorite a été observé dans la Formation de Waconichi (affleurement 21-YD-2094). Un tel enrichissement signale généralement des zones d’altérations volcanogènes. Certaines d’entre elles s’accompagneraient de niveaux de sulfures massifs volcanogènes (SMV), comme le montrent plusieurs forages. Par exemple, le forage W-89, au sud de la baie Gilbert, intercepte des niveaux métriques de sulfures massifs à pyrrhotite, pyrite et magnétite, intercalés dans des roches volcanoclastiques siliceuses (Essops, 1970a). Les forages 89-01 et 89-02, à l’est de la baie Gilbert, présentent également des roches volcanoclastiques felsiques et des mudstones graphiteux minéralisés en sulfures (Galarneau et Miron, 1989). Notamment, le forage 89-02 coupe un niveau de sulfures massifs à pyrite-pyrrhotite de ~7 m d’épaisseur. Un échantillon de ce niveau a donné une teneur de 115 ppb Au.

La Formation de Waconichi abriterait donc des minéralisations aurifères associées à des SMV ou à des zones d’altération riches en sulfures. Il est pertinent de rappeler que cette formation comprend d’importantes minéralisations de type SMV riches en Cu-Zn-Au-Ag dans la région de Chapais-Chibougamau, comme à la Mine Lemoine et au gisement Selco-Scott (Gobeil et Racicot, 1984; Mercier Langevin et al., 2014a,b; Roscoe et Masun, 2017). 

 

La Zone favorable de Gisèle : un site prospectif pour les minéralisations en Au-Ag ± Cu ± Zn

Dans un tuf à lapillis de la Formation Blondeau (affleurement 21-MB-3125), nous avons noté la présence de quelques fragments de sulfures massifs et de 2 % à 3 % de sulfures en amas disséminés. Malgré la rareté des minéralisations en surface, plusieurs forages confirment leurs présences dans la Formation de Blondeau. Les forages 80-Dan-D-5 et DA-93-01 ont exposé des roches volcaniques intermédiaires contenant de nombreuses veinules de quartz-calcite ± pyrite (Cornet et Girard, 1981 et 1982; Corbeil et Villeneuve, 1994). Les niveaux minéralisés observés dans les forages 80-Dan-D-3, 80-Dan-D-4 et 80-Dan-F-1 ont une épaisseur apparente de 0,2 m à 1,2 m. Les grains millimétriques de sulfures sont disséminés ou disposés dans les plans de la schistosité. Les sulfures dominants sont la pyrite et la pyrrhotite. Des traces de chalcopyrite ont également été notées. Des échantillons issus de zones minéralisées ont retourné des valeurs indicielles jusqu’à 1,764 g/t Au (zone minéralisée 80-DAN-D-3) et 33,6 g/t Ag (zone minéralisée 80-DAN-F-1) ainsi que des concentrations anormales en Cu-Zn (≥500 ppm Cu et ≥2000 ppm Zn; Cornet et Girard, 1981).

La Formation de Blondeau contient donc des minéralisations en Au-Ag ± Cu ± Zn associées à des zones riches en sulfures. Ailleurs dans la région de Chapais-Chibougamau, cette formation comprend la zone « 8-5 » de la Mine Cooke (Bélanger et al., 1984; Leclerc et al., 2011) et la zone minéralisée UMEX-2, située à 15 km au sud de la zone d’étude. Ainsi, la Formation de Blondeau se révèle être une cible incontournable pour la découverte de nouvelles minéralisations de métaux usuels et précieux.

 

Minéralisation de Ni-Cu-EGP (± Co) associée à des roches intrusives mafiques et ultramafiques

Deux secteurs se distinguent pour la découverte de nouvelles zones minéralisées en Ni-Cu-EGP (± Co) : les zones favorables de Berey-Bordure et de Geneviève.

BG 2022-04 – Lac La Trêve   La Zone favorable de Berey-Bordure : la bordure d’une intrusion gabbroïque peu travaillée, mais significative

 

La zone favorable de Berey-Bordure expose des roches intrusives intermédiaires et mafiques du Pluton de Mildred qui coupent et bréchifient des roches de la Formation d’Obatogamau. Deux zones minéralisées de Ni-Cu-EGP sont connues : La Trève 1 (Beauregard et Gaudreault, 2000; Savard, 2001), localisée en dehors du secteur cartographié, et La Trève 4, examinée dans le cadre de la présente étude.

À la zone minéralisée de La Trève 4, deux décapages montrent des zones rouillées et minéralisées. Le décapage de l’affleurement 21-MB-3086 exhibe la principale zone minéralisée (~16 m2). Elle est encaissée dans un gabbro à structure variable, généralement à grain fin, parsemé d’amas centimétriques à décimétriques de gabbro plus grossièrement grenu, hétérogranulaires et aux contacts diffus. Au sein de la zone minéralisée, la concentration en sulfures oscille entre 10 % et 75 %. Les proportions relatives en pyrrhotite, en pyrite et en chalcopyrite sont variables. Les deux échantillons prélevés dans cette zone ont fourni des teneurs allant jusqu’à 4150 ppm Ni, 7740 ppm Cu, 1230 ppb Pd et 557 ppb Pt (21-MB-3086-C1 [2021080435] et 21-MB-3086-C2 [2021080436]). Les résultats sont comparables à ceux de Banas (2003) qui et atteignent 5121 ppm Ni, 7582 ppm Cu et 1822 ppb EGP. Des bandes de cataclasites d’épaisseur décimétrique limitent la zone minéralisée au NW et au SE. À l’est, elle est en contact avec une gabbronorite à grain grossier, porphyroïde, peu déformée et non minéralisée.

À une centaine de mètres vers l’ouest, un deuxième décapage (affleurement 21-AB-1102) montre une brèche d’intrusion gabbroïque minéralisée. La matrice de gabbro, à grain moyen à grossier, entoure des clastes centimétriques à décimétriques de gabbro à structure variable, comparable à celui du décapage précédent. La brèche d’intrusion contient aussi des amas de sulfures semi-massifs de 0,6 à 1 m de diamètre. La brèche présente également jusqu’à 20 % de sulfures en grains disséminés, en filonnets et en veinules. Une zone rouillée de ~6 m2 présente de la pyrite et de la pyrrhotite associées à des traces de chalcopyrite et de bornite.

La minéralisation de la zone favorable de Berey-Bordure est vraisemblablement d’origine magmatique, comme l’indiquent les teneurs élevées en EGP. La minéralisation pourrait être liée à la dynamique de mise en place du Pluton de Mildred. Dans la région cartographiée, plusieurs phases de gabbro/gabbronorite caractérisent la bordure du pluton. Même si la minéralisation est associée à l’une de ces phases, il serait prématuré de préciser laquelle à ce stade de nos connaissances. Malgré tout, l’identification d’une minéralisation d’origine magmatique signifie que le Pluton de Mildred pourrait abriter d’autres zones minéralisées en Ni-Cu-EGP (± Co). De plus, la bordure de l’intrusion est encore sous-explorée; d’autres minéralisations du même style pourraient y être découvertes.
 

La Zone favorable de Geneviève : des ressources en EGP méconnues

La zone favorable de Geneviève se superpose à un segment du dyke de Geneviève (Charbonneau et al., 1991), ce dernier étant associé aux des Dykes de l’Abitibi réputés depuis les années 1950 pour ses minéralisations riches en Ni-Cu (Latulippe et al., 1956). En revanche, le potentiel en EGP des minéralisations est méconnu; même si nos observations ne permettent pas de le préciser, l’importance de la zone pour ces métaux est non négligeable.

Une dizaine de sites enrichis en Ni-Cu ont été recensés dans différents secteurs du dyke de Geneviève à la suite de travaux menés par New Jersey Zinc Exploration Co. et Empire Oil and Minerals Inc. (voir Latulippe et al., 1956). Par exemple, la zone minéralisée du Lac La Trève-Nord, au SW de la baie Geneviève, a été découverte lors d’une campagne de terrain (Cunningham, 1957a). Des échantillons choisis ont révélé des concentrations indicielles jusqu’à 1,45 % Ni et une vingtaine de valeurs anomales atteignant 0,41 % Cu. La campagne de forage suivante a fait ressortir une zone minéralisée de forme lenticulaire située à proximité du contact sud du dyke (Cunningham, 1957b). Cette zone présente 0,46 % Ni, 0,41 % Cu et 0,06 % Co sur 1,5 m d’épaisseur. Parallèlement, les analyses d’échantillons provenant du forage 57-3D (Money, 1957) sur la zone minéralisée de la Baie Pelette ont révélé des valeurs moyennes de 0,35 % Ni, 0,21 % Cu et 0,07 % Co sur ~5 m (Duquette, 1968). Toutes les études soulignent une minéralisation de sulfures principalement en amas, en traînées millimétriques à centimétriques ou en grains disséminés. Localement, celle-ci forme des lentilles métriques de sulfures massifs, lesquelles sont localisées préférentiellement le long du contact sud du dyke. La pyrrhotite et la chalcopyrite sont communes, alors que la pentlandite et la pyrite sont plus rares.

Malgré la présence de Ni et de Cu, seules deux études menées à la fin des années 1980 par Bitech Energy Resources Limited ont examiné le potentiel en EGP du dyke. Sur la zone minéralisée de Lac La Trève-Centre, un échantillon de surface a fourni de concentrations élevées de 106 ppb Pd et de 140 ppb Pt, en plus de 0,29 % Ni et de 0,33 % Cu (Anderson, 1988). Un échantillon issu de carottes de forage prélevé à l’extérieur des zones minéralisées du Lac La Trève-Nord et de la Baie Pelette présente aussi des concentrations significatives de 84 ppb Pd, 105 ppb Pt et de 182 ppb Au (Petite et Paltser, 1988). Même si ces études estiment que le dyke n’a aucun potentiel pour les EGP, les valeurs obtenues devraient inciter à un nouvel échantillonnage et à une réanalyse des zones minéralisées connues.
 

 

Minéralisations en Au et en ETR associée à une intrusion porphyroïde intermédiaire

 La Zone favorable de Saussure : un contexte aurifère et un potentiel à déterminer

Même si aucune de nos observations ne confirme un potentiel pour l’Au, le Pluton de Saussure présente néanmoins un contexte favorable. L’intrusion montre des caractéristiques pétrographiques et géochimiques qui, selon les compilations de Legault et Lalonde (2009) et de Legault et Goutier (2014), sont associées aux intrusions alcalines, felsiques ou intermédiaires fertiles. Parmi, ces caractéristiques, les plus importantes sont :

  • la structure majoritairement porphyroïde de la roche;
  • la proximité de zones de déformation régionale (la Zone de cisaillement de Dussault, au nord; la Faille de Kapunapotagen et la Zone de cisaillement de Lamarck, au sud);
  • la forme ovale de l’intrusion (les intrusions fertiles ont tendance à être allongées plutôt que circulaires);
  • la distribution dans les champs fertiles d’indicateurs géochimiques discutés par Legault et Goutier (2014).

De plus, le Pluton de Saussure est principalement encaissé dans les roches métasédimentaires de la Formation de Daubrée. Le lien entre ce type d’intrusion, les roches sédimentaires de type Témiscamingue et les minéralisations aurifères a déjà été souligné (voir p. ex. Robert et al., 2005).

Malgré l’ensemble des caractéristiques décrites précédemment, le potentiel en minéralisation aurifère du Pluton de Saussure reste à évaluer. Il est à noter que ce secteur est facilement accessible par la route 113, entre Waswanipi et Chapais. Ce pluton est également parcouru par de nombreux chemins forestiers accessibles en VTT.

En plus du potentiel en Au, certaines de nos analyses montrent que l’intrusion présente un intérêt pour les ETR. Des échantillons de syénite ont donné des valeurs relativement élevées entre 350 et 785 ppm ETR (21-AB-1066-A1 [2021080429]; 21-YD-2060-B1 [2021080367]; 21-YD-2063-A1 [2021080368]; 21-YD-2064-C1 [2021080371]; 21-YD-2072-A1 [2021080431]; et 21-YD-2073-C1 [2021080419]).

 

 

Problématiques à aborder dans le cadre de futurs travaux

Notre levé améliore significativement les connaissances géologiques de la région du lac la Trêve. Parmi les points saillants de nos travaux, on peut retenir :

  • la nouvelle subdvision du Groupe de Roy dans la région à l’étude, sur la base de critères pétrologiques et géochimiques;
  • le regroupement de plutons tarditectoniques, d’affinité principalement alcaline, dans de la Suite intrusive de Daine nouvellement définie;
  • la création de la Suite métamorphique de Dome, une unité qui rassemble des paragneiss dérivés de roches sédimentaires et des migmatites localisés autour du Pluton de Saussure;
  • l’histoire structurale polyphasée de la région;
  • l’empreinte métamorphique associée à la fois à un épisode tectonique régional et à la mise en place de plutons tardifs;
  • la variété d’environnements géologiques favorables à la découverte de nouvelles minéralisations.

Malgré tout, des interrogations demeurent et plusieurs pistes de recherche pour améliorer la compréhension géologique de la région sont à explorer.

Même si notre nouvelle subdivision du Groupe de Roy correspond bien mieux à l’empilement volcanique régional, l’âge des unités dans la région du lac la Trêve doit être confirmé.

Nos analyses géochimiques des formations d’Obatogamau et de Bruneau nous ont permis d’introduire des sous-unités inédites de roches volcaniques sur la base de leur affinité magmatique. Cette subdivision affine nettement la stratigraphie autour du lac la Trêve. Ainsi, le même type d’exercice devrait être réalisé dans les régions avoisinantes afin de mieux définir l’empilement volcanique de ces formations, qui sont généralement perçues comme d’épaisses unités monotones de basaltes coussinés ou massifs.

La Suite intrusive de Daine regroupe des plutons localisés autour du lac la Trêve possédant des similitudes géométriques, géochimiques et structurales. Ce sont des plutons ovoïdes, d’affinité généralement alcaline et peu ou pas déformés. Toutefois, aucune donnée géochronologique ne permet actuellement de montrer qu’ils ont des âges de mise en place comparables. Pourtant, de telles données sont essentielles pour légitimer pleinement leur appartenance à une même suite intrusive.

De nombreux plutons similaires à ceux déjà inclus dans la Suite intrusive de Daine sont distribués dans toute la région comprise approximativement entre Chibougamau, à l’est, et Waswanipi, à l’ouest. Ainsi, le nombre de plutons associés à cette suite devrait croître au fur et à mesure des nouveaux levés géologiques dans la région.

Même si la Suite métamorphique de Dome, qui comprend des migmatites, semble correspondre à une auréole métamorphique autour du Pluton de Saussure, l’âge de la migmatisation et celui de la mise en place de l’intrusion doivent être comparés.

Les analyses géochronologiques en cours à partir d’échantillons représentatifs d’unités de la région du lac la Trêve devraient apporter des éléments de réponse à ces questions.

 

Collaborateurs
 
Auteurs Yannick Daoudene, géo., Ph. D., yannick.daoudene@mern.gouv.qc.ca
Mélanie Beaudette, géo., M. Sc., melanie.beaudette@mern.gouv.qc.ca
Géochimie Fabien Solgadi, géo., Ph. D.
Géophysique Siham Benahmed, géo. stag., M. Sc.
Rachid Intissar, géo., M.Sc.
Évaluation de potentiel Virginie Daubois, géo., M. Sc.
Logistique Marie Dussault, coordonnatrice
Géomatique Karine Allard
Dominique Plante
Conformité du gabarit et du contenu François Leclerc, géo., Ph. D.
Accompagnement/mentorat et lecture critique James Moorhead, géo., M. Sc.
Organisme Direction générale de Géologie Québec, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Gouvernement du Québec

Remerciements :

Ce Bulletin GéologiQUE est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes qui ont activement pris part aux différentes étapes de la réalisation du projet. Nous tenons à remercier les membres de l’équipe géologique, Antoine Brochu, Laura Vachon, Améliane Girard et Benjamin Leclerc. Nous aimerions également souligner l’excellent travail du cuisinier Frédérick Tremblay. Finalement, les discussions avec les géologues François Leclerc et Pierre-Simon Ross ont été très profitables.

 

Références

Publications du gouvernement du Québec

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17 octobre 2022