Levé géologique dans la Sous-province d’Opatica au nord-est de Matagami (région du lac Amisquioumisca)
Projet visant les feuillets 32K01, 32K02, 32K07, 32K08, 32K09
François Leclerc et Emmanuel Caron-Côté
BG 2017-01
Publié le
Une nouvelle carte géologique de la région du lac Amisquioumisca (Sous-province d’Opatica) a été produite à l’échelle 1/50 000 à la suite d’un levé réalisé au cours de l’été 2016. La cartographie de ce secteur a permis de mettre au jour quatre intrusions de composition mafique à ultramafique (Suite intrusive de Poncheville) présentant des caractéristiques similaires à l’Intrusion de Rocher, connue pour être l’hôte du gisement du lac Rocher (10,8 % Ni sur 3,2 m, 2,34 % Ni et 1,15 % Cu sur 14,5 m ; Jones et Pitman, 1999). Deux nouveaux indices présentent les caractéristiques des minéralisations à Mo-W associées aux intrusions porphyriques. Nos travaux ont également permis de mieux définir le contexte des minéralisations stratiformes d’origine exhalative encaissées dans les amphibolites, les paragneiss et les formations de fer du Complexe de Rocher.
Méthode de travail
La région a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés effectués dans les zones forestières desservies par un réseau de chemins secondaires. Les travaux de cartographie géologique ont été réalisés par une équipe de deux géologues, trois géologues-stagiaires et cinq étudiants entre le 10 juin et le 24 août 2016.
La cartographie du secteur à l’étude a permis de produire et de mettre à jour les éléments d’information présentés dans le tableau ci-dessous :
Éléments | Nombre |
---|---|
Affleurements décrits (géofiches) | 1174 |
Analyses lithogéochimiques totales | 244 |
Analyses lithogéochimiques des métaux d’intérêt économique | 54 |
Analyses géochronologiques | 5 |
Lames minces standards | 174 |
Lames minces polies | 51 |
Colorations au cobaltinitrite de sodium | 121 |
Fiches du lexique stratigraphique | 17 |
Fiches de gîtes | 8 |
Travaux antérieurs
Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux réalisés dans le secteur à l’étude depuis 1935. Il inclut aussi les références citées dans le rapport.
Auteur(s) | Type de travaux | Contribution |
---|---|---|
Geoffroy et Koulomzine, 1935 | Cartographie de la région de la rivière Broadback. | Première carte géologique et travaux géophysiques dans la zone d’étude. |
Gaudet et Ingham, 1961; Ingham, 1961 et 1962 |
Levé magnétique au sol et forages. | Identification d’un indice de nickel à l’est du lac Rocher par Osisko Lake Mines. |
Cartographie de la ceinture de Frotet-Evans par le Ministère. | Reconnaissance des minéralisations polymétalliques stratiformes dans les amphibolites, les paragneiss et les formations de fer du Complexe de Rocher. | |
Franconi, 1971; Beaumier et Kirouac, 1996 |
Levés de sédiments de lacs et de ruisseaux par le Ministère. | Cartes d’anomalies géochimiques. |
Benn et al., 1992; Sawyer et Benn, 1993; Sawyer, 1998; Benn, 2006; Benn et Moyen, 2008 |
Reconnaissance géologique effectuée le long de coupes routières. | Identification du contexte lithotectonique à l’échelle de la Sous-province d’Opatica. |
Levés sismiques. | Identification du contexte lithotectonique à l’échelle de la Sous-province d’Opatica. | |
Davis et al., 1995 | Datations U-Pb. | Identification du contexte lithotectonique à l’échelle de la Sous-province d’Opatica. |
Gosselin, 1996; Brisson et al., 1997a, 1997b, 1998a,1998b, 1998c; Morin, 1998a, 1998b, 1998c |
Cartographie systématique de la ceinture de Frotet-Evans par le Ministère. | Finalisation de la cartographie géologique de la région du lac Rocher. |
Cartographie détaillée, levé magnétique au sol, forages. | Découverte du gisement de Ni-Cu du lac Rocher. | |
Bandyayera et Morin, 1999; Bandyayera et Sharma, 2001 |
Étude métallogénique et datations U-Pb. | Études détaillées des minéralisations en Ni-Cu de la région du lac Rocher. |
Goutier, 2006 | Cartographie, compilation géologique. | Géologie de la région du lac au Goéland (32F/15). |
Dion et Lefebvre, 1998; Keating et D’Amours, 2010; D’Amours et Intissar, 2012 |
Levés aéromagnétiques. | La région est entièrement couverte par des levés aéromagnétiques. |
Daoudene et al., 2014; 2016 | Datations 40Ar/39Ar et étude thermochronologique. | Comparaison de l’évolution tectonométamorphique des sous-provinces d’Abitibi et d’Opatica. |
Vérification d’anomalies électromagnétiques par SOQUEM. | Découverte de nouveaux indices de minéralisation polymétallique stratiforme associée aux amphibolites et aux paragneiss du Complexe de Rocher. |
Lithostratigraphie
La région d’étude est située dans la partie sud-ouest de la Sous-province d’Opatica, qui désigne un assemblage de roches volcano-plutoniques et gneissiques d’âge mésoarchéen à néoarchéen du sud-est de la Province du Supérieur (Benn et al., 1992; Sawyer et Benn, 1993; Davis et al., 1995; Benn et Moyen, 2008; Percival et al., 2012). Les unités consolidées de la région du lac Amisquioumisca sont divisées en trois ensembles définis en fonction d’une chronologie relative par rapport à la déformation régionale:
- les unités précinématiques à syncinématiques;
- les unités tardicinématiques à postcinématiques;
- les dykes paléoprotérozoïques.
La chronologie relative de mise en place de ces unités est illustrée dans ce schéma stratigraphique qui tient compte des relations de recoupement décrites sur le terrain. Ces observations sont supportées par les données géochronologiques U-Pb de huit échantillons prélevés dans le secteur. Ce schéma constitue une section très idéalisée de la géologie de la région étudiée montrant les relations de recoupement des unités ainsi que leurs positions relatives. La dimension des unités représentées sur le schéma respecte les superficies cartographiées en surface.
Unités précinématiques à syncinématiques
Roches supracrustales
Le Complexe de Rocher (Brisson et al., 1998a), regroupe les plus vieilles roches de la région d’étude. Il est composé de paragneiss (nAroc1) et d’amphibolites (nAroc2) en proportions égales, ainsi que de quelques lentilles d’extension décamétrique de formation de fer (nAroc3) et de petites intrusions de diorite nodulaire (nAroc4).
Roches gneissiques
Le Complexe de Rocher est injecté par les tonalites et les diorites foliées à gneissiques de la Suite de Chensagi (nAcng). Cette dernière unité, reconnue à l’échelle de la Sous-province d’Opatica, correspond aux « gneiss gris » de Sawyer et Benn (1993) et s’avère l’une des plus vieilles et volumineuse de la région.
Le Complexe de la Bétulaie (nAbtu) représente une nouvelle unité composée de gneiss migmatitiques de composition tonalitique et dioritique. Aucune relation de recoupement n’a pu être observée sur le terrain avec les roches foliées à gneissiques de la Suite de Chensagi. Ces deux unités pourraient donc être contemporaines.
Une unité de migmatite à structure nébulitique (M22), cartographiée par Ahmedali et Remick (1974) dans la région du lac Soscumisca, affleure dans la région sud-ouest du secteur d’étude. Nous n’avons pas visité d’affleurement de ces migmatites qui pourraient être contemporaines à celles du Complexe de la Bétulaie.
Roches intrusives
La Suite intrusive de Salamandre (Morin, 1998b) est composée de granodiorite (nAsam1), de tonalite à biotite (nAsam2a), de tonalite à hornblende rubanée (nAsam2c), de diorite et de diorite quartzifère (nAsam2) qui coupent les roches de la Suite de Chensagi et du Complexe de Rocher.
La Suite intrusive de Rocher-Quénonisca (Brisson et al., 1998b) comprend plusieurs intrusions de péridotite (nArok) de 0,5 à 1 km de diamètre ainsi que les intrusions de Whitefish (nAwf) et de Rocher (nAlrc). L’Intrusion de Whitefish, composée de gabbro pourpre (nAwf1), est injectée entre les tonalites de la Suite intrusive de Salamandre et des paragneiss du Complexe de Rocher. L’Intrusion de Rocher (nAlrc) forme une petite intrusion circulaire qui constitue l’unité hôte de la minéralisation de Ni-Cu du lac Rocher. Elle est composée de gabbro pourpre (nAlrc1), de pyroxénite (nAlrc2), de péridotite (nAlrc3) et de péridotite à plagioclase (nAlrc3a). Cette intrusion mafique-ultramafique coupe les gneiss migmatitiques du Complexe de la Bétulaie.
La Suite intrusive de Poncheville (nApcv) représente une nouvelle unité introduite ici pour désigner quatre intrusions foliées composées de pyroxénite, de diorite, de gabbro pourpre et de granitoïde riche en quartz. Ces intrusions sont injectées dans les roches de la Suite de Chensagi et de la Suite intrusive de Salamandre.
Localisé à la bordure entre les sous-provinces d’Abitibi et d’Opatica, le Pluton d’Ouescapis (nAoue; Ahmedali et Remick, 1974) est formé de diorites foliées à gneissiques. Il coupe les gneiss de la Suite de Chensagi et contient des enclaves de cette unité. La partie nord du pluton est encaissée dans l’unité de migmatite à structure nébulitique (M22).
Le Pluton de Nottaway (nAntw) désigne une nouvelle unité de granite à biotite et magnétite. Les granites foliés à gneissiques coupent les gneiss de la Suite de Chensagi, l’unité de migmatite à structure nébulitique (M22), le Pluton d’Ouescapis ainsi que les roches intermédiaires à felsiques de la Suite intrusive de Salamandre.
Unités tardicinématiques à postcinématiques
Roches intrusives
L’Intrusion de Frédéric (nAfrd) est une nouvelle unité correspondant à l’unité informelle «Aopa3» définie dans la région du lac au Goéland par Goutier (2006). Dans la région d’étude, elle est composée principalement de diorite et de diorite quartzifère et comprend également une certaine proportion de tonalite. Cette intrusion coupe les gneiss de la Suite de Chensagi.
Le Pluton de la Pinède Grise (nApg) désigne une nouvelle unité composée de granite et de proportions mineures de monzonite et de monzodiorite. Elle coupe les gneiss de la Suite de Chensagi.
Le Massif de Nipukatasi (nAnip; Brisson et al., 1998b) est une intrusion de granite associée à des quantités moindres de monzonite et de monzonite quartzifère. Le massif coupe les roches foliées à gneissiques du Complexe de Rocher, de la Suite de Chensagi et du Complexe de la Bétulaie.
La Suite d’Amisquioumisca représente une nouvelle unité incluant une intrusion plus importante composée de syénite, de monzonite et de monzonite quartzifère (nAamq1) ainsi que deux intrusions de taille plus modeste formées de roches de composition intermédiaire (nAamq2). L’intrusion principale coupe les roches de la Suite de Chensagi, du Complexe de la Bétulaie, ainsi que les roches massives du Massif de Nipukatasi et du Pluton de la Pinède Grise. Les deux intrusions de composition intermédiaire coupent les roches de la Suite de Chensagi et viennent aussi s’injecter dans l’intrusion principale. Il s’agit donc des intrusions néoarchéennes les plus tardives du secteur à l’étude.
Dykes paléoprotérozoïques
La région d’étude est traversée par trois essaims de dykes d’âge paléoprotérozoïque.
Les Dykes de Senneterre regroupent des diabases NE-SW qui coupent les gneiss de la Suite de Chensagi et les granites du Pluton de Nottaway.
Les Dykes de Biscotasing sont des filons de gabbros à microstructure subophitique orientés ENE-WSW. Ils coupent les Dykes de Senneterre au sud du lac Rocher.
Les Dykes du lac Esprit sont des diabases d’orientation NW-SE qui coupent à la fois les dykes de Senneterre et de Biscotasing.
Géologie structurale
La région du lac Amisquioumisca est caractérisée par trois événements de déformation ductile néoarchéenne nommés D1, D2 et D3.
Phase de déformation (D1)
La première phase de déformation D1, perceptible à l’échelle de l’affleurement, correspond à une foliation ou à une gneissosité pénétratives (S1) associées à des plis P1 ouverts à isoclinaux orientés NW-SE à N-S. Ces éléments structuraux sont particulièrement visibles dans les unités les plus anciennes du Complexe de Rocher, de la Suite de Chensagi, du Complexe de la Bétulaie et de la Suite intrusive de Salamandre. Ils sont visibles dans les zones de charnière des plis serrés à isoclinaux P2, mais sont complètement transposées dans les flancs des plis (Affleurements 16-FG-5274, 16-EC-2108 et 16-EC-2115). Aucun pli régional ni aucune faille ou zone de cisaillement associés à la déformation D1 n’ont été identifiés.
Phase de déformation (D2)
L’épisode de déformation régionale principale D2 se manifeste par une foliation à fort pendage S2 de plan axial aux plis isoclinaux régionaux P2 d’orientation E-W à ENE-WSW (carte du champ magnétique).
Plis régionaux P2
La région à l’étude est affectée par trois plis P2 d’amplitude kilométrique (carte du champ magnétique). Ces plis isoclinaux à double plongée présentent des plans axiaux subverticaux orientés grossièrement E-W, mais qui s’infléchissent localement en raison des mouvements en coulissage caractérisant les zones de cisaillement majeures NW-SE de Nottaway et Lucky Strike. L’anticlinal P2 situé dans la partie nord de la zone d’étude montre ainsi une orientation ENE-WSW compatible avec une rotation anti-horaire du secteur compris entre ces deux zones de cisaillement. La forme sigmoïdale des deux autres axes de plis de la partie sud de la zone d’étude révèle des crochons de failles compatibles avec le mouvement dextre le long de la Zone de cisaillement de Nottaway.
À l’échelle de l’affleurement, la foliation S2 à fort pendage est axiale aux plis isoclinaux P2 et contient une linéation à plongement modéré à subvertical (Stéréogramme A; carte du champ magnétique). Au sud-ouest du lac Amisquioumisca, les amphibolites du Complexe de Rocher (Affleurement 16-FG-5274) sont caractérisées par un rubanement S1 affecté par des plis serrés à isoclinaux P2 plongeant faiblement à modérément vers l’est (26°/N082°). Ces plis P2 sont associés à une schistosité S2 de plan axial E-W subverticale (N099°/89°). Au sud-ouest du lac Chensagi, les gneiss tonalitiques à dioritiques de la Suite de Chensagi présentent un rubanement gneissique S1 matérialisé par l’alternance de bandes leucocrates quartzofeldpathiques grossièrement grenues et de bandes mélanocrates foliées de composition dioritique. Ces bandes sont plissées isoclinalement (P2), puis transposées dans la schistosité régionale S2 ENE – WSW (Affleurement 16-EC-2108).
Zone de cisaillement de Chensagi
Dans le coin sud-ouest de la région, l’intensification de la schistosité S2 définit une zone de cisaillement à mouvement inverse-dextre et à pendage vers le SE que nous désignons comme la Zone de cisaillement de Chensagi (carte du champ magnétique). Les fabriques asymétriques qu’on y observe (fabriques S-C et bandes de cisaillement C’) sont également attribuées à l’événement D2. Aucune minéralisation connue n’est associée à cette zone de cisaillement.
Phase de déformation (D3)
La phase de déformation D3 se traduit par un clivage espacé S3 de plan axial aux plis P3 régionaux d’orientation NW-SE dans les diorites et les tonalites fortement foliées de la Suite de Chensagi, du Complexe de la Bétulaie et de la Suite intrusive de Salamandre).
Plis régionaux P3
La région étudiée recèle quatre grands plis régionaux P3 à traces axiales orientées NW-SE. Ces plis sont ouverts avec des plans axiaux subverticaux et des axes de plis plongeant faiblement vers le SE. Le dôme du lac Rocher dans la partie est de la région d’étude (carte du champ magnétique) résulte de l’interaction des antiformes P2 et P3 régionaux et de la mise en place d’une intrusion dioritique de la Suite de Salamandre dans les métavolcanites du Complexe de Rocher. À l’échelle de l’affleurement, les diorites de la Suite intrusive de Salamandre montrent une schistosité S2 crénulée par un clivage S3 NW-SE. Au nord du lac Amisquioumisca, les schémas d’interférence de plis de type 1 et de type 2 (Ramsay, 1967) entre les plis P2 à trace axiale ENE-WSW et des plis P3 à trace axiale NW-SE observés dans les gneiss migmatitiques du Complexe de la Bétulaie semblent indiquer que l’épisode de migmatisation est contemporain de la phase de déformation D3.
Zone de cisaillement de Nottaway
La phase de déformation D3 est aussi associée aux failles et aux zones de cisaillement de direction NW à fort pendage désignées comme la Zone de cisaillement de Nottaway (Stéréogramme B ; carte du champ magnétique), une structure majeure qui traverse l’ensemble de la Sous-province d’Opatica et se prolonge vers le SE dans la Sous-province de l’Abitibi. Dans la région d’étude, les linéaments qui bordent l’anomalie magnétique positive qui caractérise le granite du Pluton de Nottaway permettent d’apprécier la largeur du Couloir de déformation de Nottaway qui atteint une dizaine de kilomètres de largeur. À proximité des zones de cisaillement, une fabrique mylonitique montre des indicateurs cinématiques (ombres oméga et S-C-C’) témoignant d’un mouvement oblique-dextre (Affleurement 16-KG-4125 et Affleurement 16-JV-3106). Les linéations à très faible plongement confirment le mouvement essentiellement en décrochement le long de ce couloir de déformation (Stéréogramme C; carte du champ magnétique). À l’échelle régionale, la carte du champ magnétique total résiduel montre le développement de crochons de failles compatibles avec le mouvement oblique dextre reconnu sur le terrain. Ces structures témoignent de l’entraînement et de la transposition des fabriques antérieures D1 et D2. Malgré sa dimension imposante, aucune minéralisation n’a été identifiée jusqu’à maintenant au sein de la Zone de cisaillement de Nottaway.
Métamorphisme
Dans la région étudiée, les gneiss de composition tonalitique et dioritique de la Suite de Chensagi (nAcng), du Complexe de la Bétulaie (nAbtu) et de l’unité à structure nébulitique (M22) montrent des évidences de fusion partielle indiquant que les roches ont atteint au moins le faciès supérieur des amphibolites. Pour les autres unités, sauf les dykes protérozoïques, les minéraux observés en lames minces sont plutôt compatibles avec le faciès inférieur des amphibolites.
Géologie économique
La région du lac Amisquioumisca présente des zones favorables pour trois types de minéralisation :
- Minéralisations magmatiques de nickel-cuivre (±cobalt ± éléments du groupe du platine) associées aux intrusions mafiques à ultramafiques;
- Minéralisations stratiformes d’origine exhalative;
- Minéralisations de molybdène-tungstène associées aux intrusions porphyriques.
Le tableau des indices ci-dessous présente les résultats d’analyses pour les dix indices connus dans le secteur, incluant deux nouveaux indices découverts dans le cadre de nos travaux et huit indices connus.
(E) : Échantillon choisi; (R) : rainure; (F) : forage
Le tableau des analyses lithogéochimiques des métaux d’intérêt économique donne la localisation, la description et les résultats d’analyse pour 54 échantillons choisis dans le but d’évaluer le potentiel économique de la région.
Les minéralisations à Ni-Cu-ÉGP associées aux intrusions de composition ultramafique au nord-est de Matagami
Des zones favorables pour la recherche de minéralisations à nickel-cuivre (± cobalt ± éléments du groupe du platine) sont connues au nord du lac Amisquioumisca (localisation sur la carte interactive). Le gisement du lac Rocher ainsi que les zones favorables Huskies et Tigres sont encaissés dans trois petites intrusions de composition essentiellement ultramafique (péridotite, pyroxénite et une proportion moindre de gabbro). Ces intrusions de 0,5 à 1 km de diamètre correspondent sur la carte du champ magnétique à des anomalies magnétiques positives circulaires espacées d’environ 10 km le long d’un alignement E-W (Dion et Lefebvre, 1998; Keating et d’Amours, 2010; D’Amours et Intissar, 2012). Le meilleur exemple est le gisement du lac Rocher caractérisé par une minéralisation disséminée, semi-massive et massive de pyrrhotite, pentlandite et chalcopyrite. Les meilleures valeurs (10,8 % Ni et 0,6 ppm Pt sur 3,2 m) ont été obtenues dans une zone de sulfures massifs localisée à la base de l’Intrusion de Rocher (Suite intrusive de Rocher-Quénonisca; Jones et Pitman, 1999). L’unité encaissante de cette intrusion, composée des gneiss tonalitiques de la Suite de Chensagi et d’enclaves métriques de paragneiss du Complexe de Rocher, a pu jouer un rôle important dans la saturation des sulfures (Bandyayera et Sharma, 2001). Selon Bandyayera et Morin (1999), les évidences microstructurales semblent indiquer que la mise en place de la minéralisation résulte du phénomène de ségrégation des sulfures et de la cristallisation fractionnée d’un liquide monosulfuré.
NOUVELLES ZONES FAVORABLES À EXPLORER POUR LES MINÉRALISATIONS DE NI-CU-EGP AU NORD-EST DE MATAGAMI
La cartographie du secteur à l’étude nous a permis de définir de nouvelles zones favorables pour la recherche de minéralisations à nickel-cuivre (± cobalt ± éléments du groupe du platine) (localisation sur la carte interactive). Ces secteurs caractérisés par de fortes anomalies magnétiques positives comprennent quatre intrusions différenciées (pyroxénite, gabbronorite, gabbro pourpre, diorite, granitoïde riche en quartz), que nous avons assignées à la Suite intrusive de Poncheville. Ces intrusions s’alignent selon un axe NE-SW depuis le sud du lac Rocher jusqu’au sud du lac Poncheville et coupent les gneiss dioritiques à tonalitiques de la Suite de Chensagi. Tout comme les intrusions de la Suite intrusive de Rocher-Quénonisca situées à l’ouest du lac Rocher, le gabbro pourpre constitue le faciès dominant du Poncheville. La comparaison de la géochimie des éléments majeurs des roches du Poncheville et du Rocher-Quénonisca semble démontrer une évolution par cristallisation fractionnée d’un magma similaire de composition tholéiitique. Considérant que la minéralisation magmatique Ni-Cu (± Co± EGP) du gisement du lac Rocher est située dans la pyroxénite inférieure et à la base de l’unité gabbroïque médiane de l’Intrusion de Rocher (Bandyayera et Sharma, 2001), les pyroxénites et les mélagabbros du Poncheville constituent des zones favorables à investiguer pour ce type de minéralisation.
Zone favorable pour les minéralisations stratiformes d’origine exhalative au nord-est de Matagami
Les amphibolites, les paragneiss et les formations de fer du Complexe de Rocher constituent des zones favorables pour la recherche de minéralisations stratiformes d’origine exhalative composées de pyrrhotine et de pyrite accompagnées de traces de chalcopyrite et de sphalérite (localisation sur la carte interactive). La minéralisation disséminée ou en lentilles semi-massives à massives est transposée dans la foliation S1, et remobilisée dans les charnières de plis P2 fermés à serrés (Affleurement 16-FG-5274). Lors de la cartographie du lac Rocher, Franconi (1974) a noté que cette minéralisation était localisée préférentiellement au contact des basaltes amphibolitisés avec les roches volcanoclastiques de composition mafique à intermédiaire ou les paragneiss. Les indices Chensagi-Grille A et Julian-Ouest appartiennent à ce type de minéralisation. Le contraste rhéologique entre les enclaves composées d’amphibolites et de paragneiss (Complexe de Rocher) et l’encaissant formé de roches intrusives foliées à gneissiques (Suite de Chensagi, Complexe de la Bétulaie, Pluton de Nottaway) ou de roches intrusives massives (Massif de Nipukatasi) a favorisé le développement d’un réseau de fractures et de failles. Ces structures communément injectées d’intrusions felsiques syncinématiques ont permis la remobilisation de la minéralisation stratiforme disséminée (Affleurement 16-FL-1017). Les indices JFO, Julian et Nottaway-Bloc Ouest présentent une minéralisation remobilisée mise en place dans ce contexte. Dans le cas de l’indice JFO, les échantillons recueillis dans les zones de failles présentent par endroits des valeurs aurifères (Perreault et al., 2014).
Nouvel indice de molybdène-tungstène au nord-est de Matagami
Le Pluton de la Pinède Grise, hôte du nouvel indice Lac Moquachea, constitue une zone favorable pour la recherche de minéralisations à molybdène-tungstène associées aux intrusions porphyriques (localisation sur la carte interactive). L’analyse d’échantillons de cet indice par diffraction des rayons X a permis de confirmer une minéralisation de tungstène composée de scheelite (cristaux de 80 à 100 µm) et d’une quantité moindre de wolframite (cristaux de 10 à 50 µm). L’affleurement montre également une minéralisation en argent sous la forme de veines ou veinules de sulfures disséminés à semi-massifs coupant un granite (Affleurement 16-EC-2229). De la molybdénite disséminée a été reconnue à proximité sur un affleurement exposant un faciès monzonitique. Les roches hôtes de l’indice sont massives, ce qui semble indiquer un âge tardi- à postcinématique. Les analyses géochimiques du granite et de la monzonite indiquent que l’intrusion est peralumineuse. Ces caractéristiques rappellent le modèle des gîtes filoniens à tungstène développés dans les granites anorogéniques peralumineux (Jébrak et Marcoux, 2008). Le Pluton de la Pinède Grise constitue donc une unité favorable à la mise en place de minéralisations de molybdène-tungstène. La scheelite, la wolframite et la molybdénite disséminées spatialement associées à des veines de quartz correspond à la minéralisation de type 1a du gisement de Bergslagen en Suède qui constitue la plus grande ressource de W et Mo des pays scandinaves (Hellingwerf et Baker, 1985; Sundblad et al., 1993). Le granite de l’indice Lac Moquachea montre également des rubans de biotite altérés en hématite qui pourraient correspondre à la minéralisation de type 3 du gîte de Bergslagen (schistes à biotite et magnétite avec veines de quartz-hématite et quartz-pyrite).
Ce Bulletin GéologiQUE est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes qui ont activement pris part aux différentes étapes de la réalisation du projet.
Auteurs | François Leclerc, géologue, Ph.D. francois.leclerc@mern.gouv.qc.ca Emmanuel Caron-Côté, géologue-stagiaire, M.Sc. emmanuel.caron-cote@mern.gouv.qc.ca |
Organisme | Direction générale de Géologie Québec, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Gouvernement du Québec |
Collaboration – Travaux de terrain | |
Cartographie |
Karl Gibbs, géologue-stagiaire; Francis Guay, géologue-stagiaire et Julie Vallières, géologue Étudiants: Thomas Debruyne, Maxym-Karl Hamel-Hébert, Julie Perreault, Karim Simard et Ronnie Sinclair Junior Trapper |
Cuisinier | Daniel Crépeau |
Homme de camp | Alexandre Leduc |
Logistique | Marie-France Beaulieu, géologue-stagiaire, B.Sc. |
Montage du camp | Stéphane Carignan, superviseur du MERN et l’équipe de la compagnie CIVILCO |
Transport | Compagnie Wendake Hélicoptère Inc.: Richard Brunet, pilote, Éric Lacasse, mécanicien et Steve Bellefeuille, mécanicien |
Collaboration – Bulletin géologiQUE | |
Consultation et discussion |
Daniel Bandyayera, géologue, Ph.D. Jean Goutier, géologue, M.Sc. |
Coordination | Marie-Andrée Vézina, géologue |
Édition | Claude Dion, ing., M.Sc. |
Évaluation de potentiel | Hanafi Hammouche, géologue, M.Sc. |
Géochimie | Fabien Solgadi, géologue, Ph.D. |
Géomatique | Karine Allard, Kathleen O’Brien et Julie Sauvageau |
Géophysique | Siham Benahmed, géologue-stagiaire, M.Sc. Rachid Intissar, géologue, M.Sc. |
Gestion Web | Caroline Thorn |
Lecture critique | James Moorhead, géologue, M.Sc. Patrice Roy, géologue, M.Sc. |
Références
Publications du gouvernement du Québec
Autres publications