Géologie de la région de la baie Déception, Orogène de l’Ungava, Nunavik, Québec, Canada
Projet visant les feuillets 35G14, 35G15, 35J02, 35J03, 35J06 et 35J07
Marc-Antoine Vanier et Carl Bilodeau
BG 2023-09
Publié le
Un nouveau levé géologique et la carte associée à l’échelle 1/85 000 ont été réalisés à l’été 2023 dans la région de baie Déception (feuillets SNRC 35G14-E, 35G15-N, 35J02, 35J03-E, 35J06-S et 35J07-S), située à ∼50 km au SE du village de Salluit, au Nunavik. Le projet avait pour objectif l’acquisition de nouvelles connaissances géologiques dans l’Orogène de l’Ungava (Province de Churchill), segment associé à l’Orogenèse trans-hudsonienne du Paléoprotérozoïque.
La région cartographiée comprend le contact entre deux des principaux domaines lithotectoniques de l’Orogène de l’Ungava : le Domaine de Kovik, principalement composé d’un socle archéen, et le Domaine Nord regroupant des roches sédimentaires, volcaniques et intrusives datant du Paléoprotérozoïque. Le Domaine Nord surmonte structuralement le Domaine de Kovik et est principalement constitué dans le secteur cartographié de roches intrusives mafiques à ultramafiques, auxquelles s’ajoutent une plus faible proportion de roches métavolcaniques et métasédimentaires. Ces roches supracrustales ceinturent le socle archéen du Kovik et reposent en discordance sur celui-ci. Ce dernier représente un socle gneissique archéen affecté par des épisodes magmatiques et tectonométamorphiques au Paléoprotérozoïque.
L’ensemble de la région est touché par une déformation polyphasée qui s’exprime par plusieurs phases de plissement à l’échelle locale et régionale. L’analyse structurale met en évidence des schémas d’interférence de plis qui contrôlent l’architecture globale de la région de la baie Déception et, plus spécifiquement, la continuité des bandes de roches supracrustales qui occupent des fenêtres structurales à travers le socle archéen. La déformation est associée à un métamorphisme régional de type moyenne température et moyenne pression qui évolue du faciès des schistes verts au sud à celui des granulites au nord. L’évolution tectonométamorphique de la région est à prendre en compte dans l’exploration minérale de la région; les structures précoces en extension et les limites entre les domaines lithotectoniques pourraient être favorables à la mise en place de magmas d’intérêt pour des minéralisations de métaux critiques.
Méthode de travail
La région de la baie Déception a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés effectués dans les milieux isolés sans accès routier. Les travaux de cartographie géologique ont été réalisés par une équipe composée d’un géologue, d’une stagiaire en géologie, d’un ingénieur en géologie et d’un candidat à la profession d’ingénieur en géologie. Les opérations ont eu lieu entre le 10 juillet et le 28 août 2023. La cartographie entreprise dans le cadre du projet baie Déception a permis de produire et de mettre à jour les éléments d’information présentés dans le tableau suivant.
Élément | Nombre |
---|---|
Affleurement décrit (géofiche) | 783 affleurements |
Analyse lithogéochimique totale | 290 échantillons |
Analyse lithogéochimique des métaux d’intérêt économique | 5 échantillons |
Analyse géochronologique | 12 échantillons |
Lame mince standard | 291 |
Lame mince polie | 18 |
Photo d’échantillon | 2202 |
Travaux antérieurs
Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux réalisés dans le secteur à l’étude depuis 1960. Il inclut aussi les références citées dans le rapport. Une liste plus exhaustive est disponible dans la base de données documentaire EXAMINE.
Auteur(s) | Type de travaux | Contribution |
---|---|---|
Kretz, 1960 | Cartographie régionale à l’échelle 1/1 013 760 | Première carte géologique de la péninsule d’Ungava |
Taylor, 1982 | Cartographie géologique régionale à l’échelle 1/250 000 | Cartographie géologique, identification de deux provinces structurales distinctes (Supérieur et Churchill) et de roches métamorphiques au faciès des amphibolites et des granulites au nord de la ceinture de Cape Smith |
Lamothe et al., 1984 | Cartographie géologique à l’échelle 1/50 000 | Cartographie d’une partie du feuillet SNRC 35G15 (région du lac Beauparlant, bande de Cape Smith-Maricourt) |
Hervet, 1984 | Cartographie géologique à l’échelle1/50 000 | Cartographie d’une partie des feuillets 35G14 et 35G15 (région de la vallée de Narsajuaq) |
St-Onge et Lucas. 1990 | Cartographie géologique à l’échelle 1/50 000 | Rapport accompagnant les travaux de cartographie entrepris par la Commission géologique du Canada (feuillets 35J et 35G) |
MER, 1986 | Cartographie, géochimie et étude métallogénique | Recueil de textes concernant les travaux du Ministère et de ses collaborateurs dans l’Orogène de l’Ungava |
Lamothe, 2007 | Stratigraphie et carte de compilation | Définition de la stratigraphie pour l’ensemble de l’Orogène de l’Ungava et production d’une carte de compilation |
Synthèse géologique et interprétation de données géophysiques | Proposition d’un modèle tectonique pour la ceinture de Cape Smith | |
Doig, 1987 | Géochronologie Rb/Sr | Datation de gneiss archéens et de roches métasédimentaires de la région de la baie Déception ainsi que de dykes granitiques tardifs |
Synthèse et interprétations régionales | Modèle d’évolution tectonique | |
Étude structurale | Analyse structurale, détermination des phases de déformation et proposition d’un modèle tectonique, construction de coupes structurales de l’est de la ceinture de Cape Smith | |
Étude métamorphique | Relation entre le métamorphisme archéen et paléoprotérozoïque dans l’Orogène de l’Ungava | |
Études structurales et métamorphiques | Identification des isogrades métamorphiques et relations avec la géologie structurale |
Stratigraphie
Cette section présente une description sommaire des unités lithodémiques cartographiées dans la région de la baie Déception et des relations entre elles. Les unités ont été définies à partir des descriptions de terrain, des résultats d’analyses géochimiques et des données géochronologiques. Plusieurs unités mentionnées dans ce rapport ont d’abord été reconnues lors de levés géologiques antérieurs (Vanier et Lafrance, 2020; Lafrance et al., 2023 ; Mathieu et al., 2023). Les étiquettes stratigraphiques présentées entre parenthèses dans les descriptions ci-dessous correspondent aux étiquettes de la légende de la carte géologique qui accompagnent ce Bulletin.
Le schéma stratigraphique présente la stratigraphie et la nature des relations entre les principales unités du secteur. Certaines unités restreintes à la partie sud de la carte ont été ignorées dans ce schéma; il s’agit des suites intrusives de Serpentine (pPsrt), de Qikirtaliapik (pPqkp), de Niqituraaqiaruk (pPnqk), de Qaaneq (pPqaa) et d’Illuinaqtuut (pPiqt) ainsi que du Groupe de Parent (pPpa). Les âges de mise en place et de métamorphisme sont illustrés dans la frise chronologique accompagnant le schéma stratigraphique. Les relations entre les unités ont été déterminées à partir des observations de terrain et des données géochronologiques disponibles. La région de la baie Déception comprend deux domaines lithotectoniques : 1) le Domaine de Kovik, composé d’un socle gneissique archéen coupé par différentes unités de granitoïdes, et 2) le Domaine Nord, formé de roches volcano-sédimentaires métamorphisées coupées par des unités intrusives majoritairement de composition mafique, toutes d’âge paléoprotérozoïque.
Domaine de Kovik
Unités gneissiques
Le Domaine de Kovik comprend des roches plutoniques gneissiques subdivisées en deux principales unités lithodémiques d’âge archéen : le Complexe de Nanuk (Anuk), dans la moitié ouest de la région de la baie Déception, et le Complexe de Déception (Adec) dans la moitié est. Bien que ces deux complexes se composent de lithologies similaires, elles se distinguent l’une de l’autre par leurs signatures géochimiques. Les deux unités renferment des lambeaux plus anciens de roches métasédimentaires et métavolcaniques ainsi que des boudins métriques à décamétriques de roches plutoniques mafiques à ultramafiques.
Le Complexe de Nanuk (Anuk; 2831 ±11 Ma [Davis, 2022] à 2700 ±5 Ma [Davis, 2023]) est formé de tonalites gneissiques et rubanées à tendance sanukitoïde. Les tonalites du Nanuk (Anuk1a) présentent des rubans de composition mafique à felsique, ainsi que des injections granitiques transposées dans la gneissosité. Les rubans et les injections granitiques représentent plus de 20 % des affleurements dans la sous-unité Anuk1c. Ils sont plus abondants à proximité du Granite de Maurepas (mAmrp), et ont donc probablement une origine commune avec celui-ci. Le Complexe de Nanuk présente des zones caractérisées par une abondance de rubans de composition intermédiaire (Anuk1b). Une unité de granodiorite rubanée montrant localement un aspect porphyroïde ou moucheté (Anuk2) occupe les cœurs des structures en dômes et bassins de le coin NW de la carte. L’âge de mise en place des unités du Nanuk est indéterminé. Les contacts étant transposés par la déformation, il est très difficile de déterminer la séquence de mise en place.
Le Complexe de Déception (Adec) est constitué d’unités granitoïdes de type TTG largement dominées par des tonalites (Adec1) à biotite ± hornblende qui renferment une faible proportion de rubans intermédiaires à mafiques, de rubans ou d’injections granitiques et de boudins décamétriques de métagabbro. L’unité Adec1a regroupe les roches renfermant >20 % de rubans de composition granitique. Ces rubans représentent des ségrégations minérales d’origine métamorphique ou des injections subparallèles à la foliation. Les fabriques planaires et linéaires liées aux épisodes successifs de déformation ont affecté la morphologie initiale des rubans, leur donnant une structure porphyroïde diffuse. L’unité Adec1b est située en marge du contact avec la Suite métamorphique de Crony (pPcry) et se compose d’une tonalite à patine d’altération beige blanchâtre exceptionnellement riche en muscovite (≥1 %) et qui contient des niveaux centimétriques riches en biotite et en carbonate. Cette unité tonalitique pourrait être confondue avec une roche métasédimentaire riche en feldspath. Sa signature géochimique s’apparente toutefois à une tonalite de composition similaire à celle de l’unité Adec1. Un calcul sommaire de bilan de masses laisse supposer que l’unité Adec1b a été partiellement lessivé à la suite d’une altération par métasomatisme ou météorisation dans ce secteur. En raison de leur position structurale sous-jacente aux roches supracrustales du Domaine Nord, ces tonalites pourraient également représenter un régolite associé à une discordance entre le Domaine de Kovik et le Domaine Nord représenté ici par la Suite métamorphique de Crony. Le Complexe de Déception inclut également des granodiorites rubanées, porphyroïdes ou mouchetées à biotite ± magnétite (Adec2) et, en moindre proportion, des granites hétérogènes à biotite ± hornblende et à schlierens de biotite (Adec3). Les observations de terrain démontrent que les tonalites (Adec1) sont coupées par l’unité granitique (Adec3). Cependant, la chronologie entre les unités Adec1 et Adec2 reste à déterminer.
Unités intrusives
Le Granite de Maurepas (mAmrp) se situe essentiellement près de la côte du détroit d’Hudson. Elle est formée de granite à biotite et magnétite rose, folié et homogène. La présence de près d’un 1 % de magnétite et la faible proportion de biotite sont des caractéristiques permettant de distinguer le Granite Maurepas des autres unités intrusives du secteur. Son âge de cristallisation est présumément archéen étant donné les plis qui l’affectent. Il coupe le Complexe de Nanuk, également d’âge archéen.
La Suite d’Arviq (pPavi) (1854 ±1 Ma; Davis, 2023) a été définie dans la région du lac Sirmiq pour regrouper les roches felsiques potassiques synorogéniques à tardi-orogéniques (Vanier et Lafrance, 2020). Seule l’unité de monzogranite folié à phénocristaux de feldspath potassique rose (pPavi3) a été reconnue dans la région de la baie Déception. Les affleurements de cette unité sont essentiellement situés à proximité du contact entre les complexes de Nanuk et de Déception. Elle coupe les roches gneissiques.
Domaine Nord
La région cartographiée couvre uniquement la portion septentrionale du Domaine Nord. Nous ne décrirons pas ici certaines unités comme le Groupe de Parent (pPpa) et la Suite de Qaaneq (pPqaa), puisque ces dernières sont principalement présentes au sud du secteur à l’étude. Le Domaine Nord est composé de roches supracrustales métamorphisées et intrusives exclusivement d’âge paléoprotérozoïque. À l’échelle régionale, les domaines Nord et de Kovik présentent un fort contraste de susceptibilité magnétique et spectrométrique (Intissar et al., 2014). Dans le Domaine Nord, les anomalies magnétiques négatives correspondent généralement aux intrusions mafiques, alors que les anomalies positives coïncident avec les roches métavolcaniques.
Unités supracrustales
Les roches supracrustales du Domaine Nord adjacentes au Domaine de Kovik ont été assignées à la Suite métamorphique de Crony (pPcry) introduite plus à l’ouest (Vanier et Lafrance 2020 ; Lafrance et al., 2023) pour regrouper les roches métasédimentaires et les amphibolites du Domaine de Kovik. Dans le présent bulletin, nous modifions cette définition de façon à n’inclure dans la Suite métamorphique de Crony que les roches supracrustales sus-jacentes aux complexes gneissiques de Nanuk et de Déception. De plus, la présence d’une discordance à la base du Crony justifie pour le moment d’exclure cette unité du Domaine de Kovik. Cette discordance a été transposée par la déformation et est affectée par des plis, de sorte que le Crony occupe trois fenêtres structurales correspondant à des synformes au sein du Domaine de Kovik.
Dans la région de la baie Déception, le Crony est surtout composé d’amphibolite (pPcry6 et pPcry6a) et de niveaux de paragneiss à biotite et aluminosilicates variés (pPcry3), localement migmatitisés (pPcry1). Des paragneiss et des paraschistes contenant des niveaux de conglomérat sont observés directement au-dessus de la discordance (pPcry4a). Des niveaux de quartzite ont aussi été reconnus dans le même contexte, mais leur épaisseur généralement inférieure à 50 m explique leur absence sur la carte géologique. Le quartzite est exposé sur les affleurements suivants : 23-MV-1004, 24-MV-1045 et 24-MV-1084. On trouve des amphibolites interstratifiées avec des paragneiss au-dessus de ces quartzites. Les roches métasédimentaires deviennent progressivement dominantes vers le sommet de la séquence (pPcry3). L’épaisseur apparente totale du Crony varie de quelques centaines de mètres à deux kilomètres, notamment en raison de la déformation.
Des dykes de granite blanc à biotite, muscovite et grenat coupent les paragneiss et les amphibolites. Ce granite, assigné à la Suite de Guichaud (pPgch), est interprété comme étant dérivé de la fusion partielle des roches métasédimentaires du Crony (Lafrance et al., 2023).
Unités intrusives
La partie méridionale de la carte est constituée essentiellement de roches intrusives mafiques et d’une proportion mineure de roches ultramafiques, d’intrusions intermédiaires à felsiques et de lambeaux de roches supracrustales.
La Suite de Serpentine (pPsrt) est une nouvelle unité lithodémique créée pour regrouper les gabbros mésocrates mouchetés occupant la majorité du territoire du Domaine Nord dans la région de la baie Déception (Mathieu et Debruyne, en préparation). L’unité renferme également plusieurs faciès de gabbros leucocrates à mélanocrates à textures variées. Toutes les roches du Serpentine analysées partagent la même signature géochimique. Une partie des affleurements attribués à la Suite de Vanasse (pPvas) dans la moitié sud du feuillet 35G15 (Mathieu et al., 2023) ont été incorporés à la Suite de Serpentine (Mathieu et Debruyne, en préparation). Un échantillon prélevé dans ce secteur permet d’estimer l’âge de l’unité à 1862 ±7 Ma (Davis et Rochìn-Banaga, 2023). Les lambeaux de roches supracrustales cartographiés à l’intérieur du Serpentine sont attribués respectivement au Complexe de Qaaneq (pPqaa) pour les roches métasédimentaires et au Groupe de Parent (pPpa) pour les amphibolites dérivées de basalte (Beaudette et al., 2020; Mathieu et Debruyne, en préparation).
D’autres unités intrusives définies lors de campagnes de cartographies antérieures (Mathieu et Beaudette, 2019 ; Beaudette et al., 2020 ; Mathieu et al., 2022) se poursuivent également dans le secteur cartographié. Parmi ces unités déjà connues, on trouve le granite blanc et massif à biotite, muscovite et grenat le Granite de Qikirtaliapik (pPqkp) (1861 ±15 Ma; Davis, 2022) la monzodiorite quartzifère porphyroïde (pPnqk1) et le granite massif à grain grossier (pPnqk2) de la Suite de Niqituraaqiaruk (pPnqk; 1848 +6/-4 Ma; Parrish, 1989), ainsi que les intrusions plus tardives de pyroxénite et de péridotite (pPiqt1), de hornblendite, de gabbro et de gabbronorite (pPiqt2) de la Suite d’Illuinaqtuut.
Les affleurements de la Suite de Gastrin (pPgan) (1834 ±4 Ma; Davis, 2022), l’unité la plus jeune de la région, se concentrent à proximité de la Suite métamorphique de Crony, à la fois au cœur des fenêtres structurales situées dans le Kovik, qu’à l’intérieur du Domaine Nord. Cette suite intrusive était originalement incluse dans le Domaine de Kovik (Vanier et Lafrance, 2020), mais son âge et son association étroite avec le Crony semblent davantage l’associer au Domaine Nord. La lithologie principale de cette unité consiste en un gabbro ou une diorite leucocrate à mésocrate, généralement hétérogène et hétérogranulaire. Elle comporte aussi un faciès caractérisé par une alternance de rubans leucocrates et mésocrates (pPgan1). Le reste de l’unité comprend différents faciès de composition potassique, tels des monzogabbros et des monzodiorites (pPgan2), et dans une moindre mesure, des monzonites à phénocristaux de feldspath potassique (pPgan3) et des tonalites (pPgan4).
Lithogéochimie
La lithogéochimie des unités de la région de la baie Déception est présentée séparément sous forme de tableaux.
Géologie structurale
La région cartographiée est subdivisée en six domaines structuraux et une zone de cisaillement. Ces domaines ont été définis par l’analyse des mesures structurales réalisées sur le terrain et l’interprétation des cartes aéromagnétiques (Intissar et al., 2014) et du modèle d’élévation numérique de terrain (Ressources naturelles Canada, 2019). La carte des linéaments structuraux met en évidence les plis régionaux et les relations entre les fabriques principales des domaines structuraux, chacun caractérisé par des attributs particuliers.
Les domaines définis sont, du nord au sud, les domaines structuraux de Ponchartrin (DSpon), de la Table (DStab), de Careenage (DScar), de Sitjaruluit (DSsit), de Niqituravialuk (DSniq) et d’Imnaq (DSima) et la Zone de cisaillement de Gatin. Celle-ci constitue la limite entre le DSsit et le DSniq. La fabrique principale de chacun des domaines est associée à la foliation de seconde génération, de sorte que la nomenclature n’est cohérente qu’à l’intérieur d’un même domaine. La section qui suit a pour objectif de décrire les éléments tectoniques et d’établir la chronologie de la déformation dans chacun des domaines structuraux.
D1 (avant 2500 Ma)
La phase de déformation D1 est reconnue principalement dans le Domaine structural de la Table. Ce domaine est caractérisé par une foliation subhorizontale accentuée par une ségrégation minérale et un rubanement de composition répandus au sein des unités métaplutoniques des complexes de Nanuk et de Déception. Cette fabrique principale est interprétée comme d’âge archéen, puisqu’elle ne semble pas être réorientée parallèlement aux structures paléoprotérozoïques de l’Orogène transhudsonnien, contrairement à celles observées dans les domaines structuraux adjacents de Ponchartrin, de Careenage et de Sitjaruluit. Ces derniers ont probablement enregistré une déformation archéenne reprise ultérieurement au Paléoprotérozoïque. La fabrique associée à l’épisode D1 ne constitue donc pas une caractéristique structurale dominante dans ces domaines.
D2 (∼1890 Ma)
Des plis d’axe N-S (P1) généralement droits, mais localement déversés, sont présents dans les domaines structuraux de Ponchartrin, de Careenage et de Sijaruluit. Ils sont liés à la fabrique principale dans les domaines structuraux de Careenage et de Sitjaruluit. Ces domaines sont particulièrement associés à la Suite métamorphique de Crony et aux suites intrusives de Serpentine et de Gastrin qui occupent le cœur des plis. On interprète cette phase de plissement comme l’amorce de la réactivation tectonique de la région au Paléoprotérozoïque. L’analyse structurale à l’échelle des domaines structuraux permet de situer chronologiquement cette phase de déformation qui précède le paroxysme de la collision associée à l’Orogenèse trans-hudsonienne. Ainsi, la fabrique structurale N-S des P1 dans le DSpon est reprise par la fabrique E-W des P2. De plus, une synforme P1 du Domaine structural de Sitjaruluit présente une double plongée, indiquant qu’elle est affectée par un plissement plus récent P2.
La phase de déformation D2 peut être corrélée avec l’activité magmatique circum-supérieure à environ 1880 Ma (Bleeker et Kamo, 2018 et références citées). Au moins une partie du Domaine de Kovik est touchée par un évènement métamorphique synchrone marqué par la cristallisation de la titanite autour de 1890 Ma (Gélinas, 2022). Les plis P1 pourraient être associés à un régime régional en extension, ce qui serait cohérent avec la mise en place de la ceinture magmatique circum-supérieure.
D3 (1830 à 1800 Ma)
Durant la phase de déformation D3, des plis P2 E-W reprennent les plis P1 d’orientation N-S. Ce phénomène correspond à la phase de déformation dominante dans le Domaine structural de Ponchartrin. Dans ce domaine, les plis déversés et légèrement réclinés P2 ont un plan axial moyen de 240°/27° et un axe moyen de 355°/24°. Combinés aux P1, ils causent un schéma d’interférence de plis de type 3 (Ramsay et Huber, 1987). La transposition des fabriques associées à D2 est particulièrement intense dans la moitié nord du Domaine structural de Ponchartrin, ce qui explique que les fabriques D3 soient considérées comme étant les principales dans ce domaine.
Au sein du Domaine structural de Sitjaruluit, la phase D3 est aussi associée à des plis E-W. Ceux-ci sont toutefois droits et causent une réorientation des structures préexistantes sans entraîner de transposition intense. Il ne s’agit donc pas ici de la phase de déformation principale. Les schémas d’interférence présents sont variables : en dômes et bassins (type 1) à l’est et plutôt en crochet à l’ouest (type 3). La géométrie à vergence vers l’est du P1 à l’ouest est responsable de cette variation des schémas d’interférence, les P2 ayant les mêmes caractéristiques à l’échelle du DSsit.
Les plis P2 du Domaine structural de Careenage sont couchés et postérieurs au paroxysme métamorphique comme le suggère la foliation de plan axial qui est sécante au rubanement migmatitique. Ces plis sont associés à des fabriques linéaires intenses dans le DScar marquées par l’étirement des amas quartzo-feldspathiques, l’alignement des minéraux et les linéations d’intersection entre les fabriques S1 et S2. Toutes ces fabriques linéaires convergent dans l’axe des plis couchés P2 orienté 242°/10°. Ces plis pourraient témoigner d’un phénomène d’extension (Harris et al., 2002) qui, dans ce cas-ci, serait E-W à la faveur d’un détachement à faible pendage. Cette extension dans le DScar pourrait marquer la transition entre le paroxysme de la collision et la relaxation tardi-orogénique ou bien un étalement latéral durant la collision.
D4 (1800 à 1740 Ma)
Les fabriques les plus récentes sont associées à des zones de cisaillement sécantes par rapport aux fabriques préexistantes. Ces zones de cisaillement sont subverticales et portent également des linéations d’étirement subverticales. La plus importante de ces structures est la Zone de cisaillement de Gatin. Elle se trouve dans le secteur sud du présent levé et affecte la Suite intrusive de Serpentine. Les fabriques dans cette zone sont hétérogènes et comprennent des crénulations, des tectonites en « L », des bandes mylonitiques ainsi que des foliations et des linéations d’attitude variable. Cette hétérogénéité au sein de cette zone de cisaillement suggère qu’il s’agit d’une zone en transtension dont le mouvement général est senestre normal.
Dans le Domaine structural de Ponchartrin, des zones de cisaillement normales ont aussi été reconnues, surtout le long du littoral où la qualité des affleurements favorise leur observation. Ces zones de cisaillement sont associées à la présence de granite rose pegmatitique et représentent vraisemblablement la dernière phase d’activité tectonique dans le secteur. Leur mise en place est peut-être reliée à une relaxation tardive de l’orogène. Un âge de titanite dans le Domaine de Kovik à 1740 Ma permet de dater les mouvements normaux le long des détachements (Gélinas, 2022); ceux-ci pourraient être synchrones à la Zone de cisaillement de Gatin et aux zones de cisaillement locales du Domaine structural de Ponchartrin.
Métamorphisme
L’étude des minéraux métamorphiques en affleurement et en lames minces permet d’identifier quatre isogrades délimitant des zones marquées par un métamorphisme compris entre le faciès des schistes verts et celui des granulites. La répartition de la plupart des minéraux métamorphiques est illustrée sur la carte des faciès métamorphiques. Les occurrences de biotite et de hornblende ne sont pas indiquées, puisque ces minéraux sont présents dans la totalité de la zone cartographiée. La présence d’épidote n’est pas indiquée non plus parce que sa répartition est semblable à celle de l’actinote et de la trémolite.
La portion sud de la carte se caractérise par des assemblages à GR + BO + MV dans les roches métasédimentaires et à GR +CL + AC/TM + EP dans les roches volcaniques mafiques. Cette zone a été métamorphisée au faciès des schistes verts.
L’isograde 1 marque le passage au faciès des amphibolites. Il correspond à l’apparition de staurotide et de kyanite dans les roches métasédimentaires de la Suite métamorphique de Crony (pPcry). L’assemblage observé comprend GR + BO + MV ± KN ± SU. C’est aussi approximativement le long de ce même isograde que la hornblende devient progressivement plus importante dans les roches métavolcaniques mafiques et que la chlorite disparaît, pour former l’assemblage HB + GR + AC/TM + EP.
L’isograde 2 apparaît à deux endroits. Il coïncide avec le début de la fusion partielle dans les roches métasédimentaires de la Suite métamorphique de Crony (pPcry3) où l’on observe l’assemblage MV + AB + QZ = SM + FK + liquide. Au-delà de cet isograde, la proportion de sillimanite augmente, alors que celle de muscovite diminue. Le segment sud de cet isograde correspond à la discordance entre le Complexe de Nanuk et les roches de couverture de la Suite métamorphique de Crony. Comme les protolites quartzo-feldspathiques présents au nord de la discordance ne montrent pas une diversité suffisante de minéraux métamorphiques, la zone au nord de l’isograde est définie comme étant au faciès des amphibolites indéterminé. Dans cette zone, les roches ont une microstructure granoblastique indiquant un métamorphisme intense généralisé, mais les assemblages de minéraux sont monotones et peu diversifiés, soit QZ + PG + BO ± HB. Seule la marge sud du Complexe de Nanuk représentée par l’unité Anuk1b contient des assemblages plus diversifiés avec de la sillimanite et de la cordiérite présentes uniquement en traces. Plus au nord, l’isograde 2 se distingue par son orientation N-S parallèle au grain structural et aux contacts géologiques. Ce tracé est bien défini par les observations dans trois localités où les roches montrent des feuillets de muscovite corrodée ainsi que des pseudomorphes de liquide associés à des aiguilles de sillimanite. La zone à l’ouest de l’isograde 2 est métamorphisée au faciès supérieur des amphibolites. On y observe les assemblages métamorphiques GR + SM + BO + liquide dans les roches métasédimentaires et GR + HB dans les roches métavolcaniques mafiques.
L’isograde 3 marque le faciès des granulites et l’apparition de la cordiérite. L’assemblage métamorphique des roches métasédimentaires de cette zone est GR + BO + SM + CD + liquide. L’assemblage dans les roches métavolcaniques est le même (GR + HB) que dans les roches du même type de la zone au faciès supérieur des amphibolites.
De la cordiérite est observée dans plusieurs échantillons de roches métasédimentaires. Celle-ci est reconnue pour se former dans les pélites lors de la décompression isothermale au faciès des amphibolites ou bien au faciès des granulites (Winter, 2001; Spear, 1999). La seconde option est la plus vraisemblable, puisque la zone à cordiérite s’insère entre la zone du faciès supérieur des amphibolites et celle des granulites à orthopyroxène.
L’isograde 4 correspond à l’apparition d’orthopyroxène dans les roches métasédimentaires à la suite de la réaction de déshydratation de la biotite pour former un liquide anatectique et de l’orthopyroxène. L’assemblage est donc GR + CD + OX + liquide. Cet isograde marque aussi l’amorce de la fusion partielle au sein des roches mafiques à la suite de la déshydratation de la hornblende, entraînant la formation de liquide anatectique et la cristallisation de clinopyroxène d’origine péritectique par la réaction HB + PG = CX + liquide. Les assemblages de cette zone de granulite à pyroxène sont GR + CD + OX + liquide dans les roches métasédimentaires et GR + CX + liquide dans les métavolcanites mafiques.
La succession des minéraux métamorphiques s’inscrit dans un gradient de terrain de type moyenne température et pression (Winter, 2001). La séquence métamorphique typiquement observée dans les pélites métamorphisées dans un tel gradient est reconnue dans la région de baie Déception, soit les zones à KN et SU, suivies par la déshydratation de la muscovite dans le champ de stabilité de la sillimanite, puis les assemblages de hautes températures et moyennes pressions à GR + CD + OX + liquide. Cette séquence permet d’expliquer la coexistence de la kyanite et de la sillimanite dans certains échantillons, puisque la kyanite s’est formée lors des stades précoces du métamorphisme régional ayant abouti à des conditions granulitiques dans le nord-est et le nord-ouest du secteur. Cette interprétation est appuyée par les observations en lames minces où les grains de kyanite précinématiques sont orientés parallèlement à la foliation.
Bien que la nature changeante des protolites limite à plusieurs endroits l’estimation du grade métamorphique, la carte met en évidence des zones ovoïdes de plus faible métamorphisme correspondant à des synformes occupées par la Suite métamorphique de Crony. À titre d’exemples, on note :
• la zone au faciès supérieur des amphibolites située dans le coin NW du projet, au contact des granulites à pyroxène et des amphibolites indéterminées.
• la zone de forme semi-circulaire métamorphisée au faciès des amphibolites, à l’est, entourée par le faciès des amphibolites indéterminé.
Géologie économique
La région de la baie Déception présente des zones favorables pour trois types de minéralisations, soit :
- un potentiel pour des minéralisations magmatiques de métaux rares dans les granites pegmatitiques de la Suite de Guichaud (pPgch);
- un potentiel pour des minéralisations de terres rares (ETR) dans les roches intrusives felsiques et intermédiaires du Granite de Maurepas (mAmrp);
- un potentiel pour des minéralisations de terres rares (ETR) dans les roches intrusives intermédiaires de la Suite de Gastrin 3 (pPgan3).
Minéralisations méconnues et découvertes lors des présents travaux
Potentiel pour des minéralisations magmatiques de métaux rares dans les granites pegmatitiques de la Suite de Guichaud (pPgch)
La Suite de Guichaud (pPgch) est une unité lithodémique regroupant des dykes de granite pegmatitique à biotite, muscovite et grenat répertoriés dans le Domaine de Kovik. Ces granites à deux micas sont interprétés comme le produit de la fusion partielle des roches métasédimentaires de la Suite métamorphique de Crony (pPcry; Lafrance et al., 2023). La quasi-totalité des dykes de granite de ce type n’ont pas une épaisseur suffisante pour apparaître sur la carte géologique. D’après les observations de terrain, les dykes coupent le rubanement des roches du Crony et s’injectent préférentiellement dans des plans parallèles aux plans axiaux des plis P1. Le meilleur exemple de ce contexte est exposé dans la zone favorable de Fers à cheval 1, plus particulièrement à l’affleurement 23-MV-1049, dans la partie est du Domaine structural de Sitjaruluit (DSsit). À cet endroit, un dyke granitique coupe la charnière d’un pli synclinal montrant un axe à plongement vers le NNW. D’autres dykes du Guichaud ont été trouvés dans des contextes similaires dans les zones favorables de Fers à cheval 2 (p. ex. affleurement 23-AM-5134) et de Fers à cheval 3 (p. ex. affleurement 23-MV-1145).
Aucune valeur supérieure aux seuils indiciels n’a été obtenue dans les granites pegmatitiques analysés ni dans les roches environnantes. Cependant, l’échantillon 2023079535, prélevé à l’affleurement 23-MV-1049, a livré de nombreuses valeurs significatives avec 151 ppm Li et 54,6 ppm Nb, accompagnées de valeurs en Be, Cs, Ga, Sn, Ta et Th. Ces résultats confirment la fertilité de ces dykes de granite comme lithologie hôte d’intérêt pour les métaux rares.
Le traitement des résultats d’analyses chimiques à l’aide du logiciel Lithomodeleur a permis d’élargir la banque d’échantillons « anomaux » dans le but de mieux définir les anomalies potentielles en métaux et les unités hôtes de minéralisations. Le logiciel a été utilisé pour interroger la base de données géochimiques issue du levé de la région de la baie Déception (2023) en utilisant une méthode non paramétrique pour identifier des anomalies marginales ou peu évidentes. La sélection a été réalisée en utilisant le 75e centile + 3 fois l’écart interquartile pour la base de données complète. Ce calcul a permis d’établir des seuils adaptés à la région d’étude et de déterminer le caractère « anomal » pour chacun des éléments choisis.
Les résultats du traitement indiquent des associations d’éléments « anomaux » comparables à celle observée dans l’échantillon de granite à deux micas de l’affleurement 23-MV-1049. Leur distribution spatiale indique que plusieurs de ces zones enrichies correspondent à des unités encaissantes du granite, soit les roches métavolcaniques et métasédimentaires de la base de la Suite métamorphique de Crony (pPcry) d’âge paléoprotérozoïque, mais également l’unité sous-jacente de tonalite à muscovite du Complexe archéen de Déception (Adec1b).
Comme mentionné précédemment, cette unité de tonalite atypique a fait l’objet d’un calcul de bilan de masses pour la comparer avec son équivalent sans muscovite (Adec1). L’exercice avait pour objectif de tester l’hypothèse de l’existence d’une altération répandue touchant l’ensemble de l’unité Adec1b. Les résultats de ce calcul ont permis de valider cette hypothèse et d’interpréter cette unité comme un régolite associé à une paléo surface météorisée et à la présence d’une discordance entre la tonalite à muscovite et les roches supracrustales. À noter que cette tonalite à muscovite est absente le long des contacts avec les roches intrusives plus jeunes. L’unité affleure jusqu’à des distances variant de 250 à 4500 m de la discordance, ce qui représente une épaisseur réelle de 200 à 1200 m.
Nous proposons que ces anomalies en métaux rares proviennent de la mobilisation des métaux rares lors du processus de météorisation et de leur déposition dans un bassin proximal en cours de formation. La circulation des fluides dans le bassin et/ou lors du métamorphisme a possiblement enrichi certaines zones en ces mêmes éléments. La mise en place des granites à deux micas représenterait alors la dernière étape de concentration des métaux.
Potentiel pour des minéralisations de terres rares (ETR) dans les roches intrusives felsiques et intermédiaires du Granite de Maurepas (mAmrp)
Potentiel pour des minéralisations de terres rares (ETR) dans les roches intrusives intermédiaires de la Suite de Gastrin 3 (pPgan3)
La zone favorable de Qarqatuap présente également un potentiel pour les minéralisations de terres rares légères. Elle englobe la totalité de l’unité pPgan3 de la Suite de Gastrin. Cette unité est formée de roches intrusives intermédiaires à caractère potassique d’âge paléoprotérozoïque qui comprennent des monzodiorites, des diorites et des monzonites. Cette zone favorable ne renferme pas d’indice de terres rares, mais des valeurs significatives ont été obtenues dans 5 échantillons. Ils contiennent tous de la titanite, qui peut représenter jusqu’à 3 % du volume de la roche. Les autres minéraux accessoires d’intérêt sont l’apatite, avec un pourcentage approchant les 2 %, ainsi que l’allanite, l’épidote et des minéraux opaques non identifiés. Les meilleures teneurs obtenues sont de 503 ppm ETR (La, Ce, Nd) dans une monzodiorite massive prélevée sur l’affleurement 23-CB-2050, 475 ppm ETR totaux dans un niveau de monzodiorite très homogène à pyroxène prélevé à l’affleurement 23-CB-2120, et 375 ppm ETR totaux dans une diorite de l’affleurement 23-AM-5158.
Discussion
Les résultats obtenus dans le cadre de ce levé permettent de mieux comprendre la géologie de la région de la baie Déception.
Sur le plan stratigraphique, nous assignons maintenant à la Suite métamorphique de Crony des bandes de roches métasédimentaires et d’amphibolite relativement bien préservées, historiquement incluses dans les formations de Nituk et de Beauparlant, respectivement (St-Onge et Lucas, 1990; Lamothe, 2007). Deux arguments justifient cette nouvelle attribution : 1) le grade métamorphique élevé des amphibolites qui a oblitéré les caractéristiques primaires de ces roches et 2) la découverte récente d’une population de zircons détritiques datés entre 2,3 et 2,4 Ga dans le Domaine Nord (Accoto et al., 2024), un âge différent de celui interprété pour la Formation de Nituk (≥ 2,6 Ga; Davis, 2019). De plus, la Suite métamorphique de Crony repose en contact discordant sur le Domaine lithotectonique de Kovik, plutôt qu’en contact de faille (Lamothe, 2007). Ces roches ainsi que la discordance sont déformées, mais on note l’absence d’une zone de cisaillement majeure associée à des déplacements importants. La séquence stratigraphique originale est donc préservée. La discordance à la base du Crony représente un repère stratigraphique majeur dans la région. Les roches stratigraphiquement au-dessus de cette discordance sont interprétées comme d’âge paléoprotérozoïque et sont attribuées au Domaine Nord. Cette hypothèse demande toutefois à être confirmée par des datations.
La portion nord de la région couverte par nos travaux était auparavant incluse dans le Domaine lithotectonique de l’arc de Narsajuaq (Lamothe, 2007). Nous n’avons toutefois pas reconnu les lithologies typiques de ce domaine lors de nos travaux. De plus, les caractéristiques pétrographiques, structurales et géochimiques des roches n’ont pas fourni d’éléments suffisants pour distinguer les unités des domaines de Kovik et de Narsajuaq. Ce dernier a donc été exclu de la stratigraphie de la région de la baie Déception. Ces nouvelles interprétations mèneront éventuellement à une révision des limites des domaines lithotectoniques de l’Orogène de l’Ungava, et possiblement à l’introduction d’un nouveau domaine pour regrouper la Suite métamorphique de Crony et les roches intrusives associées.
Les résultats concernant le métamorphisme et la géologie structurale sont limités jusqu’à maintenant aux observations réalisées sur les affleurements ou en lames minces. L’analyse structurale démontre que les plis N-S sont plus anciens que les plis E-W, contrairement à la chronologie proposée par Lucas (1989). Nous interprétons les plis N-S comme étant issus d’un régime en extension autour de 1890 Ma. Cette hypothèse pourrait être confirmée par la reconnaissance de zones de détachement synchrones qui n’ont pas encore été observées sur le terrain. Les fabriques et les plis associés à cette phase sont repris par une phase en compression reliée à la collision principale entre 1830 Ma et 1800 Ma. Cette collision correspond également au paroxysme du métamorphisme régional. Les résultats permettent de déterminer un gradient métamorphique de terrain de moyenne température et de moyenne pression jusqu’au faciès des granulites.
L’évolution tectonométamorphique du secteur est caractérisée par la complexité inhérente à un historique archéen et paléoprotérozoïque. Il est ainsi plausible que des structures précoces archéennes aient influencé la géométrie des éléments subséquents. De ce fait, il serait intéressant de tester l’hypothèse d’une réactivation des structures archéennes en régime extensif qui auraient potentiellement contrôlé la mise en place de la Suite métamorphique de Crony selon un axe N-S. Il en va de même pour le métamorphisme, puisqu’il n’est pas à exclu que des assemblages métamorphiques archéens aient été préservés. Une étude pétrochronologique visant à établir la chronologie des évènements de déformations et de métamorphisme est en cours. Elle permettra de préciser les résultats attendus de géochronologie U-Pb et de détailler la colonne stratigraphique présentée dans ce rapport.
Collaborateurs
Auteurs | Marc-Antoine Vanier, ing., M. Sc. marc-antoine.vanier@mrnf.gouv.qc.ca Carl Bilodeau, géo., M. Sc. carl.bilodeau@mrnf.gouv.qc.ca |
Géochimie | Olivier Lamarche, géo., M. Sc. |
Géophysique | Siham Benahmed, géo. stag., M. Sc. Rachid Intissar, géo., M. Sc. |
Logistique | Marie Dussault, coordonnatrice |
Géomatique | Julie Sauvageau |
Conformité du gabarit et du contenu | François Leclerc, géo., Ph. D. |
Accompagnement /mentorat et lecture critique |
James Moorhead, géo., M. Sc. |
Organisme | Direction générale de Géologie Québec, Ministère des Ressources naturelles et des Forêts, Gouvernement du Québec |
Remerciements :
Les auteurs tiennent à remercier les géologues Gabrielle Chaput, Arnaud Morissette et Julie Vallières, ainsi que les étudiants Agathe Girodet, Zachary Labrecque, William Lagacé et Marin Papageorgiou pour leur excellent travail sur le terrain et leur implication dans la vie de camp. Nous souhaitons également souligner la qualité du travail et le professionnalisme du cuisinier Robin Desbiens, de l’infirmière Lysanne Bélisle et des hommes de camp Marc Thivierge et Philippe Pichette. Merci à l’équipe d’Helicopter Transport Services et d’Air Inuit pour le transport, ainsi qu’à Guillaume Mathieu, Simon Hébert et Joanne Mailloux pour leur implication logistique et, encore une fois, à Julie Vallières pour la réalisation des multiples tâches administratives et la gestion des échantillons.
Références
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Autres publications
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