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Domaine lithotectonique de George

 

 

Première publication : 14 novembre 2018
Dernière modification : 22 mars 2023

 

Historique

Van der Leeden et al. (1990) proposaient différentes subdivisions tectoniques pour le sud-est de la Province de Churchill (SEPC). Les limites actuelles du Domaine lithotectonique de George (voir la fiche de la Province de Churchill pour la localisation des domaines) correspondent approximativement aux domaines « Riviere George Shear Zone Domain » et « De Pas Domain » réunis. Ces dernières divisions ont été reprises par Wardle et al. (1990a). Dans le sud du SEPC, ce secteur correspond en bonne partie au « Domaine de Crossroad ». Cette nomenclature a été utilisée par plusieurs auteurs (Kerr et al., 1994; James et al., 1996; James et Dunning, 2000; Hammouche et al., 2011). D’autres auteurs ont aussi utilisé les termes de « Central zone » (James et Mahoney, 1994), « Central Gneissic Zone » (Wardle et al., 1990b) et « George River Tectonic Zone » (Bardoux et al., 1998) en faisant référence au secteur représenté en majeure partie par le Domaine de George.

Depuis, les limites du domaine se sont précisées à l’échelle régionale grâce aux levés et études géologiques réalisés par le Ministère et ses partenaires entre 2009 et 2017. Corrigan et al. (2018) a nommé « George River Block » le domaine de George actuel, mais en y incluant la partie nord du Domaine lithotectonique de Baleine. Les limites du Domaine lithotectonique de George, telles que présentées ici, ont été redéfinies dans le cadre d’une synthèse du SEPC (Lafrance et al., 2018).

 

Description

Le Domaine lithotectonique de George, situé dans la partie centrale du SPEC, mesure 445 km de longueur sur 30 à 60 km de largeur pour une superficie totale de ~19 950 km2 Il est orienté NNW-SSE dans la partie nord du SEPC, qui débute à la baie d’Ungava, pour se redresser graduellement selon une orientation N-S vers le sud jusqu’à la frontière avec le Labrador. Il est limité à l’ouest par le Domaine lithotectonique de Baleine, avec lequel il est en contact de faille dans la partie sud du SEPC (Zone de cisaillement du Lac Tudor). Dans le secteur nord, le contact est défini de façon plus arbitraire et localement masqué par la présence de grandes zones d’intrusions tarditectoniques. Du côté est, le Domaine de George est en contact avec deux domaines lithotectoniques : celui de Falcoz, au NE, et celui de Mistinibi-Raude, au SE. Le contact avec ces domaines coïncide avec la Zone de cisaillement de la Rivière George (ZCrge).

Géologie

Le Domaine lithotectonique de George est composé d’un socle gneissique (Complexe de Saint-Sauveur) et de lambeaux volcano-sédimentaires (Complexe de Tunulic) d’âge archéen. Les gneiss montrent des évidences de fusion partielle, qui se matérialise par la présence de roches migmatitiques rubanées et, à certains endroits, de granite d’anatexie (Complexe de Guesnier). Ces unités sont coupées par des intrusions paléoprotérozoïques, particulièrement par celles de la Supersuite de De Pas, qui occupent une grande superficie au sein du Domaine de George. L’ensemble de ces unités sont généralement fortement déformées et disséquées par la ZCrge. Seules les phases tardives et peu étendues de la Supersuite de De Pas, de la Suite de Fayot et des essaims de dykes mésoprotérozoïques sont peu ou non déformées.

Les roches du Domaine lithotectonique de George ont été regroupées en différentes unités lithodémiques, principalement des suites et des complexes, en respectant les normes du Code stratigraphique nord-américain (Ministère de l’Énergie et des Ressources, 1986; American Commission on Stratigraphic Nomenclature, 2005; Easton, 2009) et en tenant compte de la nomenclature déjà établie. Ces unités ont été définies en fonction des données géologiques et géochronologiques disponibles. L’ordre stratigraphique est présenté sur la carte géologique de Charette et al. (2018) ainsi que dans le tableau ci-dessous, de l’unité la plus jeune à la plus vieille. 

MÉSOPROTÉROZOÏQUE
 mPsip Dykes de Slippery Gabbro à olivine, subophitique, massif et à grain moyen
mPhar Dykes de Harp Gabbro à olivine ophitique et massif
mPfal Essaim de Falcoz Gabbro à olivine et gabbronorite à olivine, subophitiques, massifs et à grain fin
PALÉOPROTÉROZOÏQUE
pPfay Suite de Fayot Lamprophyres mélanocrate (minette) et leucocrate (vogesite) massifs
Supersuite de De Pas
pPbon Pluton de Bonaventure Gabbronorite massive et homogène
pPcde Suite charnockitique de De Pas Opdalite, jotunite et mangérite ± porphyroïdes; intrusions mafiques leucocrates et diorite
pPmer Pluton de Merville Diorite massive à biotite + hornblende
pPdep Suite granitique de De Pas Granodiorite et monzodiorite quartzifère ± porphyroïdes; granite
ARCHÉEN ET PALÉOPROTÉROZOÏQUE
nApPges Complexe de Guesnier Migmatites rubanées, tonalite et granite d’anatexie
nAtun Complexe de Tunulic Métavolcanoclastites, métabasalte, paragneiss, gabbro et roches ultramafiques
ApPgss Complexe de Saint-Sauveur Gneiss et tonalite

 

Évolution géologique

Le Domaine de George est caractérisé par une évolution tectonique polyphasée et complexe. Les roches les plus anciennes, qui comprennent les complexes de Saint-Sauveur, de Guesnier et de Tunulic, semblent majoritairement d’âge néoarchéen. Toutefois, étant donné que la seule datation réalisée dans le Saint-Sauveur provient d’une tonalite homogène et non d’un gneiss, il est fort probable que la mise en place de cette unité s’échelonne sur une plus longue période de temps, comme c’est le cas pour les unités gneissiques de composition similaire observées dans le reste du SEPC (complexes d’Ungava et de Kangiqsualujjuaq). D’ailleurs, la présence de zircons hérités d’âge mésoarchéen dans un échantillon de migmatite du Complexe de Guesnier tend à confirmer cette hypothèse. La fusion des gneiss du Complexe de Saint-Sauveur a mené à la formation des migmatites et des granites d’anatexie du Complexe de Guesnier. La géochronologie indique que la migmatitisation s’est déroulée autour de 2687 Ma, soit de façon contemporaine à la mise en place des roches volcano-sédimentaires du Complexe de Tunulic. Par contre, les observations de terrain suggèrent plutôt que le phénomène de fusion à l’origine des migmatites serait beaucoup plus tardif et que la cristallisation des produits de fusion aurait eu lieu au cours de différentes phases de la déformation, soit principalement au cours et après la déformation tectonique principale affectant le Domaine de George. Les âges archéens pourraient donc être reliés à la présence de paléosome dans l’échantillon prélevé au sein desquels les zircons hérités et les zircons métamorphiques progrades sont plus favorablement préservés (Kelsey et al., 2008; Yakymchuk et Brown, 2014). Des âges métamorphiques obtenus sur des surcroissances de zircons dans un échantillon du Complexe de Tunulic semblent par contre confirmer la présence d’un métamorphisme néoarchéen, entre 2565 et 2543 Ma. Les données actuelles ne sont donc pas suffisantes pour permettre de confirmer l’une ou l’autre de ces hypothèses.

Suite à la mise en place des unités archéennes, aucune activité magmatique ou tectonique n’est enregistrée dans les lithologies du Domaine de George jusqu’au moment de l’Orogénèse trans-hudsonienne. Lors de cette période de convergence, l’évolution géologique de ce domaine est principalement marquée par une période d’activité magmatique intense, qui s’étend approximativement de 1860 à 1800 Ma, ainsi que par une longue période de déformation mylonitique qui lui est en partie concomitante. Ces événements ont produit les relations observées entre les unités lithologiques qui indiquent que les unités néoarchéennes à paléoprotérozoïques forment de grands lambeaux intensément déformés et coupés par les intrusions de la Supersuite de De Pas. Entre ces lambeaux, les intrusions du De Pas forment des masses par endroits mylonitisées et, à d’autres endroits, massives.

Le schéma stratigraphique présenté par Charette et al. (2018) montre les relations initiales entre les unités néoarchéennes à paléoprotérozoïques, les intrusions paléoprotérozoïques et les dykes mésoprotérozoïques. De plus, l’interprétation structurale et de la tectonique régionale présentée dans ce bulletin supportent l’hypothèse que ce domaine faisait partie d’une vaste région en raccourcissement par cisaillement en croûte orogénique moyenne durant l’Orogène trans-hudsonien. L’étude de la géophysique, des pétrofabriques du quartz et des structures et microstructures du Domaine de George suggèrent que la déformation régionale se serait produite alors que le socle (unités néoarchéennes à paléoprotérozoïques) était enfoui à des conditions de croûte moyenne, qu’il était en fusion partielle et que le magmatisme associé à la Supersuite de De Pas était actif (Vanier et al., 2018).

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

 

CHARETTE, B., LAFRANCE, I., VANIER, M.-A., 2018. Domaine lithotectonique de George, sud-est de la Province de Churchill, Nunavik, Québec, Canada : synthèse de la géologie. MERN; BG 2018-11, 2 plans.

HAMMOUCHE, H., LEGOUIX, C., GOUTIER, J., DION, C., PETRELLA, L., 2011. GEOLOGIE DE LA REGION DU LAC BONAVENTURE. MRNF; RG 2011-03, 37 pages, 1 plan.

LAFRANCE, I., CHARETTE, B., VANIER, M.-A., 2018. Sud-est de la Province de Churchill, Nunavik, Québec, Canada: synthèse de la géologie. MERN; BG 2018-12

N A C S N, 1986. CODE STRATIGRAPHIQUE NORD-AMERICAIN. DV 86-02, 76 pages.

VANIER, M.-A., GODET, A., GUILMETTE, C., HARRIS, L. B., CLEVEN, N. R., CHARETTE, B., LAFRANCE, I., 2018. Extrusion latérale en croûte moyenne dans le sud-est de la Province de Churchill démontrée par les interprétations géophysiques, l’analyse structurale et les pétrofabriques du quartz. UNIVERSITE LAVAL, INRS, MERN; MB 2018-12, 58 pages.

 

 

Autres publications

 

 

AMERICAN COMMISSION ON STRATIGRAPHIC NOMENCLATURE 2005. North American Stratigraphic Code. The American Association of Petroleum Geologist Bulletin; volume 89, pages 1547-1591. https://DOI:10.1306/07050504129

BARDOUX, M., DIGONNET, S., DONOHUE, L., GIRAD, B., ROBILLARD, M., DAVID, J., PARENT, M., GARIÉPY, C. 1998. Paleoproterozoic tectonics affecting Archean lower crust of southern Ungava Bay. In: Eastern Canadian Shield Onshore–Offshore Transect (ECSOOT), Report of the 1998 Transect Meeting. Compiled by RJ Wardle and J. Hall. The University of British Columbia, Lithoprobe Secretariat, Report, volume 68, pages 1-17.

CORRIGAN, D., WODICKA, N., McFARLANE, C.,, LAFRANCE, I., VAN ROOYEN, D., BANDYAYERA, D., BILODEAU, C. 2018. Lithotectonic framework of the Core Zone, Southeastern Churchill Province. Geoscience; volume 45, pages 1-24. https://doi.org/10.12789/geocanj.2018.45.128

EASTON, R.M. 2009. A guide to the application of lithostratigraphic terminology in Precambrian terrains. Stratigraphy; volume 6, pages 117-134. https://nacsn.americangeosciences.org/sites/default/files/2018-01/48689_articles_article_file_1643.pdf

JAMES, D.T., MAHONEY, K.L. 1994. Structural, Metamorphic and intrusive relations in the Hinterland of the Eastern Churchill Province, Western Labrador. Current Research, Newfoundland Department of Mines Ans Energy. Geological Survey Branch, Report 94-1, pages 371-385. https://www.gov.nl.ca/iet/files/mines-geoscience-publications-currentresearch-1994-james.pdf

JAMES, D.T., DUNNING, G.R. U-Pb 2000. geochronological constraints for Paleoproterozoic evolution of the Core Zone, southeastern Churchill Province, northeastern Laurentia. Precambrian Research; volume 103, pages 31-54. https://doi.org/10.1016/S0301-9268(00)00074-7

JAMES, D.T., CONNELLY, J.N., WASTENEYS, H.A., KILFOIL, G.J.1996. Paleoproterozoic lithotectonic divisions of the southeastern Churchill Province, western Labrador. Canadian Journal of Earth Sciences; volume 33, pages 216-230. https://doi.org/10.1139/e96-019

KELSEY, D.E., CLARK, C., HAND, M. 2008. Thermobarometric modelling of zircon and monazite growth in melt-bearing systems: examples using model metapelitic and metapsammitic granulites. Journal of Metamorphic Geology; volume 26, pages 199–212. https://doi.org/10.1111/j.1525-1314.2007.00757.x

KERR, A., JAMES, D.T., FRYER, B.J. 1994. Nd isotopic geochemical studies in the Labrador shield: a progress report Ans preliminary data from the Churchill (Rae) Province. Geological Survey of Newfoundland and Labrador, Department of Natural Resources, pages 51-61.

VAN DER LEEDEN, J., BELANGER, M., DANIS, D., GIRARD, R., MARTELAIN, J. 1990. Lithotectonic domains in the high-grade terrain east of the Labrador Trough (Quebec). In: The Early Proterozoic Trans-Hudson Orogen. Edited by J.F. Lewry and M.R. Stauffer. Geological Association of Canada; Special Paper 37, pages 371-386.

WARDLE, R.J., RYAN, B., ERMANOVICS, I. 1990a. The eastern Churchill Province, Torngat and New Québec orogens: An overview. Geoscience Canada; volume 17, numéro 4, pages 217-222. https://journals.lib.unb.ca/index.php/GC/article/view/3691/4205

WARDLE, R.J., RYAN, B., NUNN, G.A.G., MENGEL, F.C. 1990b. Labrador segment of the Trans-Hudson Orogen: crustal development through oblique convergence and collision. In: The Early Proterozoic Trans-Hudson Orogen of North America (J.F. Lewry and M.R. Stauffer, editors). Geological Association of Canada; Special Paper 37, pages 353-369.

YAKYMCHUK, C., BROWN, M. 2014. Behaviour of zircon and monazite during crustal melting. Journal of the Geological Society of London; volume 171, pages 465–479. https://doi.org/10.1144/jgs2013-115

Citation suggérée

 

Ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF). Domaine lithotectonique de George. Lexique stratigraphique du Québec. https://gq.mines.gouv.qc.ca/lexique-stratigraphique/province-de-churchill/domaine-lithotectonique-de-george [cité le jour mois année].

 

Collaborateurs

Première publication

Isabelle Lafrance, géo., M. Sc. isabelle.lafrance@mern.gouv.qc.ca (rédaction)

Mehdi A. Guemache, géo., Ph. D. (coordination); Patrice Roy, géo., M. Sc. (lecture critique); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); Céline Dupuis, géo., Ph. D. (version anglaise); Ricardo Escobar Moran (montage HTML). 

 
14 novembre 2018