Historique et méthodologie

La Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain a été introduite par Bandyayera et al. (2022) dans le cadre de la synthèse de la Sous-province de Nemiscau pour caractériser la limite entre la bande volcanique de la rivière Eastmain (Sous-province de la Grande) et la Sous-province de Nemiscau. Franconi (1975, 1978) fut le premier à reconnaître la distinction régionale structurale et lithologique entre les roches sédimentaires de la bande volcanique de la rivière Eastmain, au nord, et les roches métasédimentaires gréso-pélitiques plus moins migmatitisés, au sud. Une étude sur la perméabilité crustale dans le Moyen-Nord québécois (Faure, 2014) conclut à la présence d’un linéament d’entraînement magnétique correspondant à une zone de cisaillement ductile, qui borde le sud de la Ceinture de roches vertes de la Basse et de la Moyenne Eastmain. Le traitement et l’interprétation des données du levé aéromagnétique haute résolution rehaussé, comprenant le tilt angle magnétique et le tilt angle de pseudogravité, ont permis non seulement de confirmer la présence de cette structure profonde, mais aussi de déterminer qu’il s’agit d’un cisaillement régional dextre (Cleven et al., 2017; Cleven et al., 2020a). 

Limites et morphologie

Unités stratigraphiques concernées

Les unités stratigraphiques affectées par la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain sont :

• le Complexe de Rivière au Mouton (nAirn1, nAirn2);
• la Formation de Wabamisk (nAwb3);
• la Formation de Komo (nAko1);
• la Formation d’Auclair (nAai1);
• la Formation d’Anatacau-Pivert (nAnp7);
• le Complexe de Jolicoeur (nAjlc2c, nAjlc2e);
• la Suite de Causabiscau (nAcsb2);
• l’Intrusion mafique-ultramafique de Kaneyapiskas (nAkny).

Caractéristiques structurales

❯ Fabriques principales

La Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain est très peu affleurante. Cependant, son enveloppe est par endroits caractérisée par la présence de veines de quartz aurifères boudinées et plissées montrant un mouvement dextre (Poitras, 2010; Savard, 2012). À proximité de la zone de cisaillement, les injections de pegmatite blanche dans l’unité des paragneiss rubané du Complexe de Jolicoeur (nAjlc1d) sont fortement déformées et boudinées (Franconi, 1978). À l’extrémité ouest, dans la partie nord du feuillet 33D01, les roches tonalitiques généralement foliées du Complexe de Rivière au Mouton — coupées par la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain — sont nettement plus déformées, voire mylonitisées localement. Ainsi, la fabrique principale S_n s’exprime par une accentuation et une forte parallélisation des foliations antérieures ainsi que par une foliation mylonitique.

❯ Autres fabriques

Non observé. 

❯ Plis

Des plis en Z sont localement observés dans les roches mylonitisées et dans les paragneiss rubanés. Leur plan axial et leur axe de plis sont parallèles à la fabrique principale.

❯ Relations de recoupement

À l’extrémité NE du Nemiscau, la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain, qui est orientée E-W et à mouvement décrochant dextre, coupe la Zone de cisaillement de Causabiscau, laquelle est orientée NE-SW et à mouvement senestre.

❯ Cinématique

Le mouvement apparent principal de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain est dextre. Celui-ci est déduit des indicateurs cinématiques à grande échelle, interprétés à partir du traitement rehaussé des cartes aéromagnétiques de haute résolution (Cleven et al., 2020a).

Style de la déformation

Sur ces cartes d’interprétation structurale régionale (Cleven et al., 2020a; Faure, 2014), la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain fait partie des zones de cisaillement dextres E-W qui sont accompagnées de zones de cisaillement synthétiques dextres NW-SE, et de zones de cisaillement conjuguées NW-SE dextres et NE-SW senestres. Cet ensemble est compatible avec un cisaillement ductile prolongé associé à un mouvement de chevauchement. Ces observations favorisent également un modèle impliquant une seule phase importante de déformation en transpression dextre (Cleven et al., 2020a; Cleven et al., 2020b).

Caractéristiques métamorphiques

La Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain marque un saut métamorphique entre le faciès régional des schistes verts dans la Ceinture de roches volcano-sédimentaires de la Basse et de la Moyenne-Eastmain, au nord, et celui des schistes verts supérieurs à amphibolites à moyen au contact sud avec le Nemiscau. L’enveloppe de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain est au faciès des schistes verts supérieur à celui des amphibolites moyen (Poitras, 2010).

De la zone de cisaillement vers le sud, dans le Domaine structural de Jolicoeur, on observe un accroissement rapide du gradient métamorphique qui passe du faciès des amphibolites, au nord, au faciès supérieur des amphibolites, puis au faciès des granulites au centre du Jolicoeur (Moukhsil, 2000; Moukhsil et al., 2001; Moukhsil et Legault, 2002; Beauchamp, 2018).

Altérations

Le cœur du linéament magnétique associé à la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain correspond à un creux magnétique d’une largeur décamétrique à hectométrique. La démagnétisation le long de ce linéament pourrait correspondre à la fois à des zones d’altération hydrothermale et à une déformation ductile (Faure, 2014). La présence de conglomérat polygénique déformé à 65 m au sud de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain (Beauchamp, 2018) pourrait correspondre à un conglomérat orogénique typiquement distribué en bordure d’une structure importante (en l’occurrence ici, la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain). Cette zone de cisaillement est susceptible d’avoir focalisé la déformation D₂ et la circulation d’un fluide hydrothermal à grande échelle, comme c’est le cas pour les conglomérats du Timiskaming de la Sous-province de l’Abitibi (Robert et al., 2005). Quelques zones minéralisées en or orogénique (veines de quartz-tourmaline-sulfures) sont répertoriées à proximité de cette zone de cisaillement. Les altérations typiques des gisements d’or orogénique encaissés dans des roches sédimentaires, et présentes en bordure de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain, sont principalement des altérations potassiques et de la carbonatation.

Une altération en silice et en biotite affecte les roches sédimentaires environnantes (Poitras, 2010). L’amphibole est soit distribuée de manière pervasive dans les roches sédimentaires, soit en remplacement sélectif d’un lit, ou associée à des fractures ou des veines et des veinules de quartz ± calcite. À l’extrémité NE de la Zone de Cisaillement de la Basse-Eastmain, l’amphibole métamorphique semble se superposer à une altération hydrothermale (Beauchamp, 2018).

Caractéristiques géophysiques

Sur les cartes du gradient magnétique vertical et du tilt angle magnétique (D’Amours, 2011), la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain est matérialisée d’est en ouest par une mince bande démagnétisée entre le nord à forte susceptibilité magnétique, et le sud à faible susceptibilité magnétique. Les résultats du traitement de données géophysiques aéromagnétiques, de l’interprétation des linéaments et du rubanement magnétique résiduel (Lavoie, 2017), montrent que la Zone de cisaillement de la Basse Eastmain borde le sud d’un domaine à texture magnétique rubanée, et le nord d’un domaine magnétique à texture isotrope chagrinée. L’analyse de la composante de grande longueur d’onde du même ensemble de données, couplée aux images composites de pseudogravité, permet de mettre en évidence la nature de structure tectonique profonde de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain, qui marque la jonction des domaines de croûte profonde d’importance régionale (Cleven et al., 2020a), et qui coïncide avec la limite entre les sous-provinces de la La Grande et de Nemiscau.

Repères chronologiques

Les complexes de Rivière au Mouton et de Jolicoeur ont été profondément affectés par la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain. L’âge moyen d’un échantillon de tonalite porphyroïde prélevé à 4 km au sud de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain, et qui coupe le Complexe de Rivière au Mouton et les roches sédimentaires du Nemiscau, est estimé à 2706 ±1 Ma; cependant, l’âge métamorphique déduit de l’analyse des fractions de titanite est de 2668 ±1 Ma (SGNO-2001-02; Moukhsil et Legault, 2002).

La datation U-Pb sur zircons détritiques de la roche sédimentaire encaissante de la zone minéralisée de Mustang, localisée à 1,8 km au sud de la Zone de cisaillement de la Basse-Eastmain, a donné un résultat de 2709 ±4 Ma, qui est interprété comme l’âge maximal de déposition des roches métasédimentaires (Beauchamp, 2018). Tous ces résultats démontrent que la limite NW entre le La Grande et le Nemiscau s’est développée au cours de multiples épisodes de déformation et de métamorphisme avant 2709 Ma, et qu’elle était active au moins jusqu’à 2668 Ma.

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

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