Historique et méthodologie

Le Domaine structural de Crozier a été défini par Chartier-Montreuil et Saint-Laurent (2024) à la suite d’un levé cartographique dans la région du lac Caulincourt, à l’été 2024. Sa description repose principalement sur les observations géologiques recueillies lors des travaux de terrain du Ministère ainsi que sur l’analyse des cartes aéromagnétiques.

Le Domaine structural de Crozier tire son nom du lac éponyme (partie nord du feuillet SNRC 33A03).

Limites et morphologie

Unités stratigraphiques concernées

 

Les unités stratigraphiques affectées par le Domaine structural de Crozier sont les suivantes :

• la Formation de Prosper (nAprp1 et nAprp1b);
• la Suite de Travot (nAtvt);
• la Suite mafique-ultramafique de Sorbier (nAsrb).

Le domaine affecte aussi les roches d’une unité informelle (I2b) définie par Beauchamp (2020), et qui est composée de diorite quartzifère, de tonalite et de diorite foliées, par endroits gneissiques et migmatitisées. 

Caractéristiques structurales

 

❯ Fabriques principales

 

La fabrique principale S_n du Domaine structural de Crozier est orientée E-W à l’ouest, et passe progressivement à ENE-WSW en se déplaçant vers l’est. Elle est marquée par l’alignement des minéraux ferromagnésiens, soit principalement la biotite dans les paragneiss de la Formation de Prosper, par les injections granitiques typiquement mises en place de façon concordante à la fabrique principale ainsi que par la gneissosité dans certaines roches intrusives de composition felsique à intermédiaire. Le stéréogramme des foliations montre que la fabrique met en évidence une série de plis d’axe ENE-WSW.

La linéation principale L_n est orientée E-W avec des plongées faibles à moyennes. La direction de sa plongée varie à cause de l’agencement en dômes et bassins du domaine. Elle est marquée par des linéations tectonométamorphiques minérales et par l’allongement des cristaux de quartz dans le granite par endroits.

 

❯ Autres fabriques

Le litage compositionnel S₀, bien que couramment oblitéré par le métamorphisme, est visible par endroits dans les paragneiss de la Formation de Prosper. Il est alors transposé le long de la fabrique principale S_n.

Des clivages de crénulation S_n+1 (affleurements 2018-AB-1053, 2024-ED-4041), dont les plans d’aplatissement sont espacés de ∼1 cm, sont visibles localement. Ils sont orientés ENE-WSW. Des feuillets de biotite définissent les plans de crénulation.

❯ Plis

Une série de plis régionaux d’orientation ENE-WSW, à faibles plongées vers l’ENE, est présente à travers le Domaine structural de Crozier. Leur orientation concorde avec les plis du Domaine structural de Cadieux à l’ENE, de même qu’avec ceux du Domaine structural de Daran. Cela met en évidence un événement important de raccourcissement NNW-SSE qui aurait affecté toute la région.

 

Notablement, la Synforme de Sorbier appartient à cette série. Ce pli est déversé et à plongement faible vers l’ENE. Des bandes intrusives de la Suite mafique-ultramafique de Sorbier définissent la géométrie de ce pli du fait de leur haute signature magnétométrique, formant des anomalies positives plurikilométriques facilement identifiables.

Dans les roches migmatitisées, des plis P_n ont été replissés localement par des plis P_n+1. Leur attitude n’étant pas constante, on peut associer ces plis à des épisodes tardimigmatitiques, alors que la roche était encore dans un état ductile.

À l’échelle de l’affleurement, des plis mineurs dans le paragneiss sont mis en évidence par les injections granitiques. Ces plis sont typiquement transposés dans la fabrique principale.

Paramètres géométriques des plis régionaux : 

 

❯ Relations de recoupement

La Zone de cisaillement d’Eastmain sépare les domaines structuraux de Crozier et de Mabille. Une zone de cisaillement déduite à partir des données magnétométriques sépare aussi ce domaine-ci du Domaine structural de Caulincourt, au nord. Elle concorde avec de multiples zones de cisaillement E-W de ≥5 km de longueur observées à divers endroits dans le domaine. Ces structures, dont l’emplacement est interprété grâce aux cartes aéromagnétiques, sont conformes à un raccourcissement N-S à NNW-SSE.

Une série de failles cassantes NW-SE, à composante dextre, affecte les roches du Domaine structural de Crozier, de même que les domaines structuraux adjacents. Plusieurs d’entre elles sont nettement visibles sur les cartes aéromagnétiques. Ces failles déplacent les roches de la Formation de Caulincourt (nAclc), intercalées dans la Formation de Prosper (nAprp), mais ne semblent pas couper l’Essaim de dykes de Mistassini (nAmib), ou occasionnent un déplacement moindre à celui observé dans les roches encaissantes. L’événement principal qui aurait causé ce système de faille aurait donc lieu entre 2695 ±9 Ma (mise en place de l’unité nAprp; Davis, 2019) et 2515 ±3 Ma (mise en place de l’unité nAmib; Hamilton, 2009). Le déplacement dans les dykes serait issu d’une prolongation de l’événement tectonique au-delà de leur mise en place ou d’une réactivation ultérieure du système de failles.

Paramètres géométriques des failles régionales coupant le Domaine structural de Crozier :

 

❯ Cinématique

À proximité de la Zone de cisaillement d’Eastmain, à composante horizontale dextre, des indicateurs de cisaillement de rotation de porphyroblastes de type sigma et delta ont été observés.

Style de la déformation

Le Domaine structural de Crozier présente une fabrique principale bien développée et d’intensité moyenne, principalement affectée par une série de plis d’orientation ENE-WSW ainsi que des patrons d’interférences de plissement en dômes et bassins résultant d’une tectonique polyphasée.

Cette dernière interprétation est justifiée par la présence de nombreuses structures circulaires de 5 km de diamètre sur les cartes aéromagnétiques. Dans ces structures, la fabrique observée sur les affleurements adopte une attitude concentrique, ce qui montre que la plupart d’entre elles seraient reliées à des bassins. L’homogénéité de la roche sur le terrain, soit du paragneiss injecté de bandes de granite, permet d’exclure la possibilité de plutonisme pour expliquer ces structures.

Caractéristiques métamorphiques

En général, le paragneiss a subi un métamorphisme au faciès des granulites, comme indiqué par la présence d’orthopyroxène de même que de proportions importantes de mobilisat. La carte du champ magnétique résiduel montre aussi une signature magnétométrique plus forte que pour les autres paragneiss de la Formation de Prosper, possiblement causée par l’altération de l’orthopyroxène en magnétite et par un flux d’injections granitiques, voire migmatitiques, plus important. Dans la partie est du domaine, les roches sont moins migmatitisées et l’assemblage cordiérite-grenat est observé, pointant vers un métamorphisme au faciès supérieur des amphibolites.

En approchant de la Zone de cisaillement d’Eastmain, au sud, la roche semble beaucoup plus migmatitisée, autant au niveau du paragneiss que de la diorite.

Altérations

Non observées.

Caractéristiques géophysiques

Le Domaine structural de Crozier présente un patron magnétique lobé, voire rubané, à ses extrémités est et ouest. Toutefois, la partie centrale du domaine est perturbée et montre des patrons d’interférences en dômes et bassins, soit des formes annulaires circulaires de 3 à 5 km de diamètre perceptibles sur les cartes aéromagnétiques. Les plus fortes anomalies magnétométriques sont associées à des bandes intrusives de la Suite mafique-ultramafique de Sorbier ainsi qu’à de la migmatite, présentant alors une géométrie d’anomalie plus irrégulière.

Repères chronologiques

L’analyse géochronologique de zircons d’un paragneiss de la Formation de Prosper (affleurement 2018-WM-3073A) a donné un âge maximal de déposition néoarchéen de 2695 ±9 Ma et un âge de métamorphisme sur monazite de 2654 ±6 Ma (Davis, 2019). Ce dernier âge pourrait correspondre au pic métamorphique dans cette région, auquel la phase de déformation D_n est associée. Toutefois, cet âge ne correspond pas au pic métamorphique déterminé dans le Complexe de Laguiche (2670 Ma, Côté-Roberge, 2018; 2671 ±1,8 Ma, David et al., 2011; 2674 ±5 Ma, Davis et Sutcliffe, 2018) malgré sa proximité avec la Formation de Prosper. L’âge pourrait correspondre davantage à l’arrivée des granites tardifs, telle la Suite de Des Antons à 2658 ±8 Ma (Davis et Sutcliffe, 2018), ou encore à un épisode de métamorphisme tardif correspondant à la fermeture du bassin métasédimentaire vers 2645 Ma tel que déterminé par Côté-Roberge (2018). La déformation D_n aurait donc eu lieu entre ∼2695 Ma et ∼2654 Ma.

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

Autres publications

Citation suggérée

Collaborateurs

Première publication

William Chartier-Montreuil, géo., william.chartier-montreuil@mrnf.gouv.qc.ca; Charles Saint-Laurent, géo. stag., M. Sc., charles.st-laurent@mrnf.gouv.qc.ca (rédaction) Hanafi Hammouche, géo., M. Sc. (coordination); Jérôme Lavoie, ing., M. Sc. (lecture critique); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); André Tremblay (montage HTML).