Une unité d’anorthosite est d’abord reconnue dans la région du lac Tétépisca (feuillet SNRC 22N03) par Murtaugh (1964, 1965). Cette unité présente un faciès de bordure qui inclut en partie une unité gneissique du Complexe de la Plus-Value (mPplv1; voir le tableau ci-dessous). Dans la même région, Currie et Murtaugh (1969) précisent la composition du lithodème et la décrivent comme une anorthosite leucocrate à grenat, tout en retirant le faciès de bordure. Franconi et al. (1971, 1975) étendent ce lithodème vers le sud et le SW (feuillets 22K13 et 22K14) et le nomment « Massif du lac Tétépisca » en référence au lac éponyme. Ils décrivent une composition principale d’anorthosite et d’anorthosite gabbroïque avec du gabbro anorthositique et une proportion mineure de gabbro en bordure. Cette bordure est différenciée du paragneiss du Complexe de la Plus-Value entourant le massif anorthositique, mais inclut en partie la bande de gabbro, de gabbronorite et de pyroxénite de la Suite de Louis (mPlou1; voir le tableau ci-dessous). Murtaugh (1976) utilise plutôt l’appellation informelle « anorthosite du Lac Tétépisca » et l’associe à une unité plus globale d’anorthosites grenatifères métamorphisées.

Dans les travaux de compilation du Ministère des feuillets 22K13 et 22K14, Nadeau et Gobeil (2000a-b) définissent simplement deux unités lithologiques d’anorthosite-anorthosite gabbroïque et de gabbro anorthositique-gabbro en bordure. Pour les feuillets 22N03 et 22N04, Nadeau et al. (1998, 2006) utilisent le terme « Complexe du lac Tétépisca » pour décrire une unité non subdivisée d’anorthosite et d’anorthosite gabbroïque ainsi qu’une unité informelle de gabbro (voir le tableau ci-dessous). Contrairement aux travaux antérieurs, cette unité informelle n’a pas de lien avec la bordure de l’intrusion, mais elle inclut encore partiellement le Complexe de la Plus-Value. Selon Moukhsil et al. (2013a), le terme « Suite anorthositique de Tétépisca » est plus approprié que les termes précédents, car toutes les roches sont plutoniques et associées entre elles sous une suite anorthositique. La suite est ainsi subdivisée en deux unités informelles : une unité principale de leuconorite, d’anorthosite et de proportion mineure de leucotroctolite (mPtet1) ainsi qu’un mince niveau de leucotroctolite coronitique (mPtet2) (Moukhsil et Solgadi, 2011a-b, 2012, 2013; Moukhsil et al., 2013a-b).​ Cependant, dans le cadre de la rédaction de cette fiche stratigraphique, le nom est modifié pour « Intrusion anorthositique de Tétépisca » afin de se conformer aux règles du Code stratigraphique nord-américain (NACSN, 2021), en plus de refléter le fait que cette unité ne constitue qu’un seul corps sur la carte, soit un seul lithodème, composé à >97 % d’un ensemble de leuconorite et d’anorthosite (voir plus bas).

L’Intrusion anorthositique de Tétépisca est essentiellement constituée de leuconorite, d’anorthosite et d’une proportion mineure de leucotroctolite (mPtet1; Moukhsil et Solgadi, 2011a-b, 2012, 2013; Moukhsil et al., 2013a-b). Une unité mineure de leucotroctolite coronitique (mPtet2) est également différenciée dans la pointe SE (feuillet 22K14) de la suite. Cette intrusion est fortement recristallisée et seule une faible proportion de roches a conservé des minéraux et des textures primaires (Francis et al., 2000).

Intrusion anorthositique de Tétépisca 1 (mPtet1) : Leuconorite, anorthosite, proportion mineure de leucotroctolite

L’unité mPtet1 est l’unité la plus abondante (>97 % en superficie) et se compose d’un assemblage de leuconorite et d’anorthosite (Moukhsil et al., 2013a-b). Une proportion mineure de leucotroctolite, non cartographiable à l’échelle des travaux effectués, est aussi associée à cette unité, principalement dans le secteur est de l’intrusion (feuillet 22K14). La leuconorite et l’anorthosite sont localement porphyroclastiques avec une matrice moyennement à fortement recristallisée. Ces deux types de roches contiennent de l’orthopyroxène et du clinopyroxène. En lame mince, la leuconorite se compose d’orthopyroxène, de clinopyroxène fortement ouralitisé, de plagioclase séricitisé (2 %), d’actinote, de grenat, de biotite, de minéraux opaques, et plus rarement de serpentine. Elle montre des phénocristaux d’orthopyroxène entourés d’une couronne complexe d’orthopyroxène granoblastique, de clinopyroxène, de hornblende, de grenat et de plagioclase (Francis et al., 2000; Moukhsil et al., 2013a). De l’olivine primaire est observée localement au cœur des couronnes, mais elle est généralement remplacée par l’orthopyroxène (Francis et al., 2000). Quelques couronnes de hornblende et de grenat sont également observées autour du clinopyroxène (Moukhsil et al., 2013a-b). L’anorthosite est formée de plagioclase recristallisé en association avec de l’orthopyroxène et du clinopyroxène ouralitisés. D’après les analyses géochimiques, le plagioclase de l’intrusion anorthositique a une valeur moyenne de An_60,6 (Moukhsil et al., 2013a) et celle-ci montre une tendance d’évolution entre la leucotroctolite, la leuconorite et l’anorthosite (Francis et al., 2000; Moukhsil et al., 2013a).

L’unité mPtet1 contient deux zones minéralisées situées près de la bordure NE de l’intrusion (feuillet 22K14; Moukhsil et al., 2013a). La zone minéralisée de Tétépisca est associée à une petite zone de rouille de 4 sur 1 m située dans une leuconorite/anorthosite très fortement recristallisée. À proximité de la zone rouillée, la leuconorite est coupée par des dykes décimétriques à métriques de pegmatite granitique foliée, les plus petits s’étant mis en place dans de minces zones de cisaillement actives. Les sulfures (pyrite et proportions moindres de chalcopyrite et pyrrhotite) sont finement grenus et prennent la forme de grains disséminés, de poches centimétriques ou sont localisés dans des fractures et des zones de cisaillement coupant la leuconorite. La roche altérée contenant les sulfures est composée de proportions variables de quartz, de plagioclase (An₅₀), de hornblende, de biotite, de grenat, d’amphibole incolore, d’apatite, de saussurite et de chlorite. L’ilménite et la magnétite sont également présentes. L’analyse d’un échantillon choisi a donné des teneurs de 0,14 % Cu, 0,052 % Ni, 6,9 ppb Pt+Pd et 3,39 % S. Les meilleurs résultats d’analyse provenant de la prospection ont donné des valeurs de 0,71 % Cu et 0,27 % Ni (Roy et Paré, 2004).

Intrusion anorthositique de Tétépisca 2 (mPtet2) : Leucotroctolite coronitique

L’unité mPtet2 a été observée uniquement au SE de l’intrusion (feuillet 22K14). Celle-ci forme un mince niveau de quelques mètres d’épaisseur de leucotroctolite (Moukhsil et al., 2013a). La roche est caractérisée par une texture coronitique formée, du cœur vers la périphérie, d’olivine orangée, d’orthopyroxène lamellaire et d’une symplectite composée d’un assemblage d’amphibole et de spinelle verdâtre en contact avec le plagioclase. Ces couronnes résultent d’une réaction entre l’olivine ou l’orthopyroxène et le plagioclase, laquelle est reliée aux changements de conditions de pression et de température pendant la mise en place de l’Intrusion anorthositique de Tétépisca. Ces couronnes sont le résultat soit d’un métamorphisme prograde au faciès des granulites, soit du refroidissement lors de la cristallisation des intrusions (Moukhsil et al., 2011).