Géologie de la région du lac Coacoachou, Province de Grenville, région de la Côte-Nord, Québec, Canada

Projet visant les feuillets 12K01, 12K08 et 12J05
Yannick Daoudene et Isabelle Lafrance
BG 2024-06
Publié le  

 

 

 

À la UNE

L’Essentiel

Ce Bulletin géologique fait suite à la campagne de cartographie à l’échelle 1/50 000 de la région du lac Coacoachou (bordure nord du feuillet SNRC 12K01, feuillet 12K08 et coin NW du feuillet 12J05) menée à l’été 2024. Il présente une subdivision en unités lithodémiques du socle rocheux de la région approximativement comprise entre les rivières Étamamiou, à l’est, et Olomane, à l’ouest. Le secteur expose principalement des roches intrusives intermédiaires à felsiques mises en place ou métamorphisées dans les conditions du faciès supérieur des amphibolites ou de celui des granulites.

Les roches les plus vieilles de la région affleurent dans le coin SW de la carte et appartiennent à la Suite intrusive de Kegaska (∼1553 à 1533 Ma; Jean David, comm. pers., 2024), qui est composée de granodiorite et de monzogranite foliés et couramment porphyroïdes. Cette unité pourrait former le socle du Complexe de La Romaine daté à 1508 ±14 Ma par Bonnet (2009) et essentiellement constitué de lentilles kilométriques de paragneiss disposées parallèlement à la foliation régionale. Plusieurs de ces lentilles affleurent à plusieurs endroits dans la Suite intrusive de Coacoachou. Cette dernière représente ∼75 % de la superficie cartographiée et regroupe une grande variété de roches intrusives intermédiaires à felsiques à hornblende + biotite ± orthopyroxène. Des dykes de gabbronorite amphibolitisée de la Suite intrusive de Blacklands forment localement des filons-couches au sein des unités précédemment mentionnées. Le tout est coupé par des roches intrusives intermédiaires à felsiques d’âge mésoprotérozoïque ou néoprotérozoïque. Ces roches appartiennent à différentes unités, comprenant les suites intrusives de Foucher, de Coconipi, de Mantuh (∼1088,5 Ma; Jean David, comm. pers., 2024), de Wapitagun et de Washicoutai ainsi que l’Intrusion de Mukanipan.

La région cartographiée comprend trois domaines structuraux séparés les uns des autres par deux zones de cisaillement régionales orientées NE-SW ou NNE-SSW. La région est affectée par une déformation polyphasée, comme le révèle la trajectoire de la foliation déduite des mesures de terrain et de l’imagerie magnétique et satellitaire. Nous avons identifié trois phases majeures de déformation. La plus vieille est associée au développement de la fabrique planaire régionale, omniprésente dans toutes les unités à l’exception de la Suite intrusive de Washicoutai. Les deux phases subséquentes correspondent à des épisodes de plissement, dont le plus jeune est compatible avec le fonctionnement des deux zones de cisaillement. Celles-ci semblent avoir accommodé un déplacement des domaines supérieurs vers le NW.

Bien que nous n’ayons pas reconnu de zone particulièrement favorable à l’exploration minérale, les analyses de certains de nos échantillons portent à croire que le secteur abriterait des minéralisations en Fe-Ti-V associées à la Suite intrusive de Blacklands et en métaux rares associées à des roches intrusives felsiques ou intermédiaires ou à des roches calco-silicatées du Complexe de La Romaine. 

 

Méthode de travail

La région a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés effectués dans les milieux isolés sans accès routier. Les travaux de cartographie géologique ont été réalisés par une équipe composée de deux géologues, de quatre stagiaires en géologie et de sept étudiants, du 3 juin au 15 août 2024. La cartographie géologique de la région du lac Coacoachou a permis de produire et de mettre à jour les éléments d’information présentés dans le tableau ci-contre.

 

Laboratoire de terrain

La prise de mesures sur les échantillons de roche en cassure fraiche et en face sciée a été effectuée en continu durant la campagne de cartographie. Les mesures recueillies sont la densité et la susceptibilité magnétique (tableau ci-contre). Les échantillons ont également été photographiés de manière systématique. Sous la supervision du chef d’équipe et du géologue responsable, des étudiants préalablement formés ont réalisé la prise de mesures sur la majorité des lithologies principales observées en affleurement et sur certaines lithologies secondaires jugées significatives, comme celles d’origine volcanique ou minéralisées. Les mesures de la susceptibilité magnétique et de la densité ont été acquises selon les protocoles établis par Dupuis et al. (2019) et détaillés dans le document MB 2024-06.

 

Données et analyses
Élément Nombre
Affleurement décrit (géofiche) 876 affleurements
Analyse lithogéochimique totale 247 échantillons
Analyse lithogéochimique des métaux d’intérêt économique 14 échantillons
Analyse géochronologique 6 échantillons
Lame mince standard 133
Lame mince polie 0
Coloration 22
Fiche stratigraphique 8
Fiche structurale 5
Fiche de substances minérales métalliques 0
Mesure de susceptibilité magnétique 857
Mesure de densité 158
Photo d’échantillon 1941

 

 

Travaux antérieurs

 

Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux réalisés dans le secteur à l’étude depuis 1950. Il inclut aussi les références citées dans le rapport. Une liste plus exhaustive peut être trouvée dans la base de données documentaire EXAMINE.

 

Travaux antérieurs dans la région d’étude
Auteur(s) Type de travaux Contribution

Claveau, 1950

Bourne et al., 1977;

Ashton et al., 1978

Bourne, 1981

Reconnaissance géologique Premiers levés géologiques régionaux le long du Saint-Laurent

Sharma, 1973

Géologie des feuillets 12K11, 12K12, 12K13 et 12K14 Premiers travaux systématiques de cartographie géologique à proximité du secteur d’étude

Indarès et Martignole, 1993

Martignole et al., 1994

Bonnet et Corriveau, 2003

van Breemen et Corriveau, 2005

Étude régionale et géochronologie Caractérisation du Groupe de Wakeham et du Complexe de La Romaine

Corriveau et al., 2002

Corriveau et al., 2003

Bonnet et al., 2005

Bonnet, 2009

Transect géologique et travaux d’exploration Description des unités du Complexe de La Romaine et des altérations hydrothermales associées

Brisebois et al., 2003

MRNF, 2010

Synthèse

Compilation, géochronologie et évolution tectonique

Intissar et al., 2021

Levé géophysique Levé aéromagnétique et spectrométrique de la région

Yacoub, 2022

Évaluation technique Évaluation de la propriété Coconipi pour le bore

Stratigraphie

Cette partie présente brièvement les différentes unités cartographiées de la région du lac Coacoachou dans un cadre lithologique et temporel. La description des unités peut être consultée à partir de leur fiche stratigraphique respective via l’hyperlien associé à leur nom.

Le schéma lithostratigraphique ci-contre dessus présente les unités lithodémiques en tenant compte des relations décrites sur le terrain et interprétées en carte. Il constitue une section très idéalisée de la géologie de la région étudiée montrant les relations de recoupement des unités ainsi que leurs positions relatives. La dimension des unités représentées sur le schéma respecte les proportions cartographiées en surface. Le schéma est accompagné d’une échelle de temps répertoriant les âges des unités. Les références bibliographiques associées aux datations se trouvent dans la légende de la carte géologique et dans les fiches du Lexique stratigraphique.

La région cartographiée est localisée dans la partie allochtone de la Province de Grenville et contient principalement des roches d’âges mésoprotérozoïque et néoprotérozoïque.

 

SOCLE MÉSOPROTÉROZOÏQUE

Les roches de la Suite intrusive de Kegaska (mPkeg) affleurent principalement sur les îles et sur la côte du golfe du Saint-Laurent, entre l’île Punis et la baie des Loups. La granodiorite et le monzogranite porphyroïdes (mPkeg2a) sont les principaux faciès intrusifs de cette suite dans la région. Cette unité se présente localement en enclaves décimétriques à métriques au sein des roches de la Suite intrusive de Coacoachou, décrite ci-dessous. Une monzodiorite quartzifère (mPkeg1) et un monzogranite porphyroïde (mPkeg2a) prélevés dans la région de Kegaska ont respectivement retourné des âges de 1553,4 ±5,6 Ma et de 1533 ±7 Ma (Jean David, comm. pers., 2024). Ces âges appuient l’hypothèse de Lafrance et Daoudene (2023) comme quoi la Suite intrusive de Kegaska représenterait le socle mésoprotérozoïque sur lequel se seraient déposées les roches volcano-sédimentaires du Complexe de La Romaine légèrement plus jeunes (mPcsr).

Le Complexe de La Romaine (mPcsr) comprend différents faciès de roches volcano-sédimentaires alternant généralement de façon métrique à décamétrique. Ces faciès comprennent : 1) du paragneiss, de la méta-arénite, de la métapélite et du quartzite (mPcsr1); 2) des métavolcanites felsiques à intermédiaires, des gneiss alumineux migmatitisés et des métavolcanites felsiques (mPcsr2); 3) de l’amphibolite (mPcsr3); 4) des roches calco-silicatées rubanées (mPcsr4); et 5) du paragneiss migmatitisé à grenat ± sillimanite ± cordiérite (mPcsr5). Ces unités forment une séquence supracrustale plissée de ∼2 km sur 8 km de longueur dans la région côtière de La Romaine. Elles forment aussi des lambeaux de largeur hectométrique à kilométrique suivis sur plusieurs kilomètres de long dans la région du lac Coacoachou.

Bien que les roches du complexe aient été métamorphisées au faciès des granulites, elles présentent localement des textures primaires bien préservées autour de La Romaine (p. ex. lapillis, bombes, ponces; Bonnet et al., 2005; Corriveau et Bonnet, 2005; Bonnet, 2009). En revanche, dans la région du lac Coacoachou, le métamorphisme rend l’identification des protolites incertaine. De plus, l’échelle du levé cartographique (1/50 000) ne permet pas de distinguer précisément les différentes unités les unes des autres. Pour ces raisons, la majorité des roches du Complexe de La Romaine sont ici regroupées au sein d’une unité non subdivisée (mPcsr).

Un âge de 1508 ±14 Ma (Bonnet, 2009) a été obtenu dans un gneiss alumineux interprété comme étant dérivé d’un lapillistone (mPcsr2). Cet âge est similaire à ceux obtenus dans des échantillons de métavolcanoclastites prélevés dans la région des lacs Musquaro et d’Auteuil (1511 à 1502 Ma; van Breemen et Corriveau, 2005) ainsi qu’à celui de 1519 ±11 Ma (Jean David, comm. pers., 2024) obtenu dans un métatuf felsique du Complexe de Coude (mPcud), dans la région de Kegaska. L’ensemble de ces roches volcano-sédimentaires pourrait représenter un équivalent plus métamorphisé de celui du Groupe de Wakeham, ce dernier étant localisé dans la région au nord de Havre-Saint-Pierre et de Baie-Johan-Beetz. L’âge de ce groupe est quant à lui estimé entre 1630 Ma (Wodicka et al., 2003), l’âge maximum de déposition des sédiments, et 1503 +6/-4 Ma (Wodicka et al., 2003), l’âge d’une roche intrusive porphyroïde coupant l’unité.

ROCHES INTRUSIVES MÉSOPROTÉROZOÏQUES

Les roches mafiques de la Suite intrusive de Blacklands (mPbak) sont couramment en contact avec celles du Complexe de La Romaine, au sein desquelles elles forment des filons-couches de largeur décamétrique à hectométrique. La Suite intrusive de Blacklands est composée essentiellement de gabbronorite amphibolitisée (mPbak1). Selon Corriveau et Bonnet (2005) et Bonnet (2009), l’association spatiale entre les deux unités, les évidences d’un volcanisme bimodal au sein du Complexe de La Romaine et l’identification de paragenèses du faciès des granulites dans les deux unités laissent penser que les roches mafiques de la Suite intrusive de Blacklands représentent des intrusions mafiques synvolcaniques. Les roches de l’unité mPbak1 ont toutefois une signature chimique distincte des volcanites mafiques à felsiques du Complexe de La Romaine, puisqu’elles sont plus alcalines (Bonnet, 2009). De plus, à l’affleurement 24-YD-2038, la gabbronorite est en injection dans un niveau de roches calco-silicatées du Complexe de La Romaine. Cette particularité, jumelée aux données géochimiques, semble alors plutôt indiquer que la mise en place de la Suite intrusive de Blacklands est postérieure au dépôt des roches du Complexe de La Romaine. Nous avons aussi inclus dans la Suite intrusive de Blacklands une unité composée de syénite à hypersthène et de diorite à hypersthène (mPbak2). Cette dernière est en proportion moindre et semble génétiquement liée à la gabbronorite, étant donné leur association spatiale et la présence régulière d’un litage magmatique montrant un enrichissement graduel en minéraux ferromagnésiens (24-YD-2153). Un âge de 1325 ±50 Ma obtenu sur des cœurs de zircons considérés comme étant d’origine hydrothermale par Bonnet (2009) donne un âge minimum pour le magmatisme gabbroïque.

La Suite intrusive de Coacoachou (mPcoc) couvre >60 % de la région cartographiée. Elle comprend une unité de farsundite et de mangérite (mPcoc1), une unité de syénogranite et de monzogranite avec ou sans hypersthène (mPcoc2) et une unité de syénogranite à hypersthène et de granite à feldspath alcalin à hypersthène massifs (mPcoc3). Ces unités peuvent être présentes sur un même affleurement et le passage d’une unité à l’autre peut être net ou graduel. À l’exception des roches de l’unité mPcoc3 qui sont massives et leucocrates, les roches de la Suite intrusive de Coacoachou contiennent de la hornblende et de la biotite (en plus de l’orthopyroxène), et elles présentent généralement une foliation faiblement à moyennement développée.

Les roches de la Suite intrusive de Foucher (mPfur) forment des masses et des lentilles atteignant 2 à 3 km de largeur sur 3 à 7 km de longueur au sein de la Suite intrusive de Coacoachou. Les contacts entre ces deux unités n’ont pas été observés. La Suite intrusive de Foucher, en majeure partie constituée d’opdalite et de farsundite à biotite, est ici considérée comme étant contemporaine ou légèrement plus jeune que la Suite intrusive de Coacoachou. 

La Suite intrusive de Coconipi (mPcop) est formée d’une unité de granite à feldspath alcalin et de syénogranite à grenat (mPcop1), ainsi que d’une unité de farsundite et de syénogranite à hypersthène, également à grenat (mPcop2). L’unité mPcop1 forme des lambeaux de largeur hectométrique et de longueur comprise entre 1 et 4 km dans la Suite intrusive de Coacoachou (coin SW de la carte) alors que l’unité mPcop2 forme une lentille de 1 km sur 5 km au sein de la Suite intrusive de Wapitagun (secteur SE). Les contacts avec ces unités n’ont pas été observés. Les granitoïdes à grenat pourraient représenter une phase évoluée et tardive reliée à la fusion partielle (granite d’anatexie), entre autres, des roches du Complexe de La Romaine, qui affleurent à proximité. Les roches de la Suite intrusive de Coconipi sont probablement plus jeunes que celles de la Suite intrusive de Coacoachou.

Dans la région cartographiée, la Suite intrusive de Mantuh (mPmut) est principalement constituée de syénogranite et de syénite quartzifère caractérisés par la distribution des minéraux ferromagnésiens (hornblende, biotite ± orthopyroxène) en amas lenticulaires millimétriques à centimétriques. L’âge de 1088,5 ±3,8 Ma (Jean David, comm. pers., 2024) obtenu sur un échantillon prélevé dans la région de Kegaska semble indiquer que cette unité est, du moins en partie, plus jeune qu’envisagé par Lafrance et Daoudene (2023). Les roches de la Suite intrusive de Mantuh montrent une foliation très bien développée, ce qui laisse supposer qu’elles sont au moins plus anciennes que celles de la Suite intrusive de Wapitagun, comme illustré dans ce schéma stratigraphique.

ROCHES INTRUSIVES NÉOPROTÉROZOÏQUES

La Suite intrusive de Wapitagun (nPwap) forme une intrusion mesurant approximativement 30 km sur 5 à 15 km dans le secteur SE de la région. Elle comprend une unité de monzonite quartzifère et de syénite quartzifère porphyroïdes (nPwap1), et une unité de syénogranite et de monzogranite porphyroïdes (nPwap2). Elle contient des enclaves métriques à hectométriques de paragneiss migmatitisé à grenat du Complexe de La Romaine (mPcsr) ainsi que des enclaves de roches intrusives mafiques à intermédiaires de la Suite intrusive de Blacklands. La mise en place des roches de cette unité pourrait être contemporaine ou légèrement postérieure à la fin de l’épisode de migmatitisation régionale. La foliation est d’ailleurs plus fortement développée dans les roches de la Suite intrusive de Coconipi, décrite ci-dessus, que dans celles de la Suite intrusive de Wapitagun.

L’Intrusion de Mukanipan (nPmip) est constituée de monzonite quartzifère porphyroïde. Elle forme un pluton de ∼4,5 km de large dans le coin NW du feuillet 12K08. D’après l’imagerie géophysique (Intissar et al., 2021), ce pluton semble se prolonger vers le nord sur une vingtaine de kilomètres de long. L’Intrusion de Mukanipan est considérée comme l’une des plus jeunes du secteur cartographié. À l’instar de la Suite intrusive de Wapitagun, sa mise en place pourrait être contemporaine ou légèrement postérieure à la fin de l’épisode de migmatitisation régionale ayant affecté plusieurs unités de la région. L’unité contient également des enclaves métriques à hectométriques de paragneiss migmatitisé à grenat du Complexe de La Romaine.

La Suite intrusive de Washicoutai (nPwai) regroupe les intrusions intermédiaires à felsiques massives ou peu déformées qui coupent l’ensemble des unités décrites précédemment. Les unités et sous-unités suivantes ont été cartographiées dans la région : une unité de syénogranite violacé (nPwai1); une unité de granite rose à grain fin (nPwai3a); une unité de granite rose à grain moyen (nPwai3b); et une unité de monzonite quartzifère grise à grain fin (nPwai3d). L’unité de granite pegmatitique (nPwai4) a aussi été observée en dykes décimétriques à métriques non cartographiables à l’échelle des présents travaux. Un âge de 1214,7 ±8,4 Ma (Jean David, comm. pers., 2024) obtenu dans un syénogranite quartzifère de l’Intrusion de Parsons (mPpsn) localisée à ∼6 km à l’est de Kegaska (feuillet 12K03) semble impliquer que la Suite intrusive de Washicoutai est plus vieille qu’envisagé initialement (Lafrance et Daoudene, 2023). Cependant, les roches de l’Intrusion de Parsons sont généralement plus fortement déformées que celles des autres unités de la Suite intrusive de Washicoutai, ce qui nous a conduits à exclure la première en tant que sous-unité formelle de la deuxième. Un second âge de 1043,4 ±12,7 Ma obtenu dans un granite à feldspath alcalin de l’Intrusion de Rocher Rouge (nPrge), peu déformé et affleurant à ∼7 km au NW de Kegaska, semble plutôt indiquer que la mise en place de la Suite intrusive de Washicoutai se soit déroulée autour du Grenvillien moyen à tardif, c’est-à-dire à la limite entre le Mésoprotérozoïque et le Néoprotérozoïque.

Lithogéochimie

La lithogéochimie des unités de la région du lac Coacoachou est présentée séparément sous la forme de tableaux.

Géologie structurale

Domaines structuraux

Sur la base de critères lithodémiques, structuraux, métamorphiques et géophysiques, la région a été subdivisée en trois domaines structuraux et en deux zones de cisaillement régionales. La description détaillée de ces entités nouvellement définies est disponible en cliquant sur l’hyperlien associé à leur nom (voir ci-dessous). La carte structurale ci-dessous montre leur répartition géographique, alors que la coupe structurale présentée plus bas propose une interprétation de l’agencement des unités en profondeur.

Les domaines structuraux de Matakahp (DSmak) et de Pihiu (DSpih), qui couvrent respectivement le coin NW et la moitié est de la région cartographiée, partagent plusieurs caractéristiques. Ils sont tous les deux marqués par : i) une phase principale de plissement NE-SW; ii) des conditions métamorphiques variant du faciès supérieur des amphibolites à celui des granulites; et iii) la présence de larges intrusions de granitoïdes porphyroïdes (la Suite intrusive de Wapitagun et l’Intrusion de Mukanipan) mises en place dans les niveaux les plus superficiels des domaines (voir la coupe ci-dessous). Compris entre le DSmak et le DSpih, le Domaine structural de Coacoachou (DScoa) se distingue des deux premiers par sa succession de plis approximativement orientés NNW-SSE ou N-S, son grade métamorphique très uniforme au faciès des granulites et l’absence de larges masses de granitoïdes porphyroïdes comparables à celles du DSmak et du DSpih.

Les trois domaines structuraux de la région sont séparés les uns des autres par deux zones de cisaillement régionales. La Zone de cisaillement de Nehekau (ZCneh) coupe du NE au SW le coin NW de la région et sépare le DSmak, au NW, du DScoa, au SE. La Zone de cisaillement de Atikumiskuis (ZCati) traverse le centre de la région du nord au sud et délimite le DScoa, à l’ouest, du DSpih, à l’est. Ces deux zones de cisaillement présentent des vergences opposées puisque la première est à pendage vers le NW, alors que la seconde est à pendage vers l’est. Néanmoins, elles possèdent toutes les deux un pendage faible et elles présentent des évidences d’une déformation acquise dans des conditions en température identiques, mais plus basses que celles de la fabrique principale des domaines qu’elle coupe. Ces caractéristiques nous amènent à penser que ces deux zones de cisaillement pourraient en réalité n’en former qu’une seule (voir la coupe ci-dessous).

Chronologie des phases de déformation

Dans le cadre de la région cartographiée, les phases de déformation que nous identifions peuvent être rattachées à au moins trois épisodes régionalement numérotés du plus ancien au plus jeune, soit: D1, D2 et D3. Cependant, dans le Lexique structural, la fabrique principale d’un domaine (c’est-à-dire celle qui prédomine) ou d’une zone de cisaillement est, par définition, associée à la phase Dn. Les phases antérieures sont alors désignées Dn-1, Dn-2, etc., et les phases postérieures Dn+1, Dn+2, etc. De plus, toujours dans le Lexique structural, la phase Dn d’un domaine ne correspond pas nécessairement à celle des domaines voisins. Ainsi, les phases de déformation décrites dans les fiches du lexique sont corrélées aux épisodes régionaux discutés ci-dessous de la façon suivante :

  • la phase Dn du DScoa, du DSmak et du DSpih correspond à D1;
  • la phase Dn+1 du DScoa et du DSmack se rapporte à D2;
  • la phase Dn-1 de la ZCneh serait reliée à D1 ou D2;
  • la phase Dn+2 du DSmak et du DSpih, ainsi que la phase Dn de la ZCati et de la ZCneh sont associées à D3.

Phase de déformation D1

Les fabriques associées à la phase de déformation D1 sont omniprésentes dans la région cartographiée et affectent toutes les unités à l’exception de la Suite intrusive de Washicoutai. Il s’agit d’une foliation diffuse S1 et de la linéation tectonométamorphique associée L1. Ces fabriques sont généralement faiblement à moyennement développées. Dans les roches des suites intrusives de Kegaska, de Coacoachou, de Foucher, de Coconipi et de Mantuh, S1 est principalement marquée par l’orientation préférentielle des minéraux ferromagnésiens, en particulier celle des grains xénomorphes d’orthopyroxène ou de hornblende, et par l’aplatissement plus ou moins prononcé des grains de quartz et de feldspath.

Dans la Suite intrusive de Wapitagun, la fabrique planaire S1 semble initialement magmatique. En effet, plusieurs affleurements localisés le long de la côte montrent clairement des phénocristaux rectangulaires de feldspath ou des enclaves lenticulaires, centimétriques à décimétriques, régulièrement orientés dans une matrice non déformée (p. ex. 24-YD-2022). Toutefois, cette foliation magmatique, dont l’orientation est comparable à celle des unités lithodémiques voisines présente des évidences d’une évolution vers des conditions subsolidus (grains de quartz et de feldspath aplatis, recristallisation dynamique par la migration des bordures de grains, extinction ondulante ou lamellaire, etc.). Ceci indique, d’une part, que la foliation S1 s’est développée alors que la Suite intrusive de Wapitagun et possiblement l’Intrusion de Mukanipan, qui est comparable, n’étaient pas encore entièrement cristallisées et, d’autre part, qu’elle est associée à des conditions métamorphiques rétrogrades.

Dans les roches métasédimentaires d’origine détritique du Complexe de La Romaine, dont celles en enclaves dans la Suite intrusive de Wapitagun et dans l’Intrusion de Mukanipan, S1 est communément marquée par un rubanement migmatique (p. ex. affleurements 24-IL-3028 et 24-AB-4035). Ceci confirme que la déformation régionale D1 est associée à des conditions métamorphiques de haut grade. Au microscope, la foliation est couramment soulignée par l’orientation préférentielle et/ou par l’aplatissement du grenat, de la sillimanite, de la cordiérite ou de la biotite (p. ex. affleurement 24-YD-2174); des minéraux dont l’association est typique du faciès des granulites.

Les caractéristiques structurales des roches mafiques de la Suite intrusive de Blacklands semblent appuyer une déformation D1 acquise à haute température. En effet, en plus de s’exprimer par l’orientation préférentielle et l’aplatissement des grains de plagioclase et des minéraux ferromagnésiens, S1 apparaît localement marquée par des bandes de mobilisat qui semblent impliquer de la fusion partielle (p. ex. affleurement 24-YD-2039).

Quelles que soient les unités affectées par la phase D1, la fabrique S1 porte communément une linéation tectonométamorphique L1. Celle-ci est variablement développée et s’exprime par l’alignement des grains ou des amas de grains de minéraux ferromagnésiens et par l’étirement plus ou moins intense des grains de quartz et de feldspath. Dans les faciès les plus déformés des roches de l’Intrusion de Mukanipan et de la Suite intrusive de Wapitagun, elle est aussi marquée par l’étirement des phénocristaux de feldspath potassique.

À l’échelle de la carte, les trajectoires de la fabrique S1 impliquent au moins deux phases de plissement. En effet, ces trajectoires qui se superposent couramment à des linéaments des cartes magnétiques (Intissar et al., 2021) dessinent, dans le DScoa et le DSmak, des structures elliptiques impliquant une structure en dômes et en bassins.

Phase de déformation D2

Nous attribuons la phase de déformation D2 à l’épisode de plissement le plus ancien.

Dans le DScoa, les plis P2 présentent des plans axiaux approximativement orientés NNW-SSE, ont une longueur d’onde kilométrique et sont majoritairement déversés vers l’ouest. Dans la portion NW du domaine, la trajectoire des plis est orthogonale à la ZCneh, qui n’est pas affectée. Ceci nous laisse penser que le développement de la ZCneh et par conséquent de la ZCati (voir plus bas) est postérieur à cette première phase de plissement. La présence de plis P2 est moins évidente dans le DSmak. Toutefois, la structure elliptique localisée dans le coin SW du domaine implique un premier pli dont la trace de plan axial est elle aussi approximativement orientée N-S.

Au voisinage des charnières de plis régionaux P2, une foliation que nous attribuons à S2 peut être par endroits observée en affleurement. Cette foliation est assez discrète et rarement marquée par des plans bien définis, ce qui rend son observation difficile. Dans les roches de la Suite intrusive de Coacoachou, elle s’exprime plutôt par la crénulation de la fabrique planaire antérieure S1(p. ex. affleurements 24-YD-2133 et 24-IL-3151). Les plis de crénulation montrent une amplitude et une longueur d’onde centimétrique ou décimétrique. Par contre, au sein des roches mafiques de la Suite intrusive de Blacklands, en plus de la crénulation de S1, une foliation de plan axial assez diffuse peut être localement notée (p. ex. affleurement  24-IL-3012). Au microscope, cette foliation S2 apparaît principalement soulignée par l’orientation préférentielle des feuillets de biotite.

Si le DScoa et le DSmak ont enregistré la phase de déformation D2, cela ne semble pas être le cas du DSpih. En effet, aucun pli d’orientation N-S ou NNW-SSE n’a été identifié dans ce domaine.

Phase de déformation D3

La phase de déformation D3 est associée à la deuxième phase de plissement régionale. Les plis P3 associés sont bien documentés dans le DSpih et le DSmak. Ils présentent une longueur d’onde hectométrique ou kilométrique et sont généralement droits ou déversés vers le NW. Leur orientation est très uniforme et approximativement NE-SW.

La ZCneh et la ZCati présentent une orientation similaire à celle des traces des plans axiaux des plis P3. Cette correspondance semble indiquer que le développement des zones de cisaillement est contemporain au plissement. Aucun critère cinématique permettant de préciser la direction et le sens du mouvement le long de ces zones de déformation n’a été identifié. Toutefois, étant donné la vergence vers le NW de nombreux plis P3 dans le DSmak et le DSpih, il est possible que le fonctionnement des zones de cisaillement ait permis le déplacement vers le NW des domaines moins superficiels (DSpih et DSmak) sur le domaine profond (DScoa). Selon cette hypothèse, la ZCneh et la ZCati pourraient appartenir à un même décollement.

La localisation de nombreuses intrusions associées à la Suite intrusive de Washicoutai le long de la ZCneh laisse penser que la mise en place des roches de cette unité est en partie synchrone de la phase de déformation D3.

Métamorphisme

La carte ci-contre présente une interprétation de la répartition des faciès métamorphiques de la région du lac Coacoachou. Elle s’appuie sur les assemblages de minéraux diagnostiques et sur les modes de recristallisation dynamique des grains de quartz et de feldspath d’échantillons représentatifs de roches intrusives, volcaniques ou sédimentaires répartis de façon homogène en carte. Cette carte montre que la région expose plusieurs domaines métamorphiques variant du faciès supérieur des amphibolites à celui des granulites.

 

Empreinte métamorphique des domaines structuraux

Le DScoa possède une empreinte métamorphique très homogène au faciès des granulites. En effet, les roches quartzo-feldspathiques déformées des suites intrusives de Kegaska, de Coacoachou, de Foucher, et de Coconipi présentent couramment des grains de quartz et de feldspath aux bordures nettement arrondies ou interlobées. Ce type de contact témoigne de la recristallisation dynamique par la migration des bordures de grains à haute température (>∼600 °C, voir Passchier et Trouw, 2005). Les grains de quartz, qui peuvent être amiboïdes et dont l’aplatissement marque régulièrement la fabrique S1, sont par endroits caractérisés par une extinction en échiquier. Parallèlement, les grains d’orthose possèdent couramment des exsolutions perthitiques en flammes. Ces deux types de microstructures indiquent également une température de déformation d’au moins ∼600 °C (Blumenfeld et al., 1986; Gapais et Barbarin, 1986; Mainprice et al., 1986; Pryer, 1993; Stipp et al., 2002). De plus, les assemblages minéralogiques à orthopyroxène ± biotite ± hornblende communément observés dans les roches de ces unités felsiques ou intermédiaires sont cohérents avec des températures typiques du faciès des granulites.

Dans le DSmak et le DSpih, les roches des suites intrusives de Coacoachou, de Foucher et de Mantuh, qui couvrent en carte la majeure partie de ces domaines, montrent des assemblages minéralogiques identiques à ceux du DScoa et des microstructures des grains de quartz et de feldspath semblables. Ces caractéristiques impliquent qu’à l’instar du DScoa, une grande partie de ces domaines a été portée au faciès des granulites.

En dehors des suites intrusives de Wapitagun et de Mukanipan, les paragneiss migmatitisés d’origine détritique du Complexe de La Romaine contiennent des assemblages à biotite + sillimanite ± grenat ± cordiérite (p. ex. affleurement 24-YD-2174), tandis que les roches calco-silicatées sont à diopside ± grenat ± trémolite ± scapolite. De telles associations minéralogiques sont aussi compatibles avec des conditions en température du faciès des granulites.

Sur les huit échantillons étudiés au microscope de la Suite intrusive de Wapitagun dans le DSmak, seulement celui d’un affleurement localisé le long de la bordure NW de l’intrusion (affleurement 24-IL-3175) contient de l’orthopyroxène. Ailleurs, l’absence de ce minéral porte à croire que l’unité n’a globalement pas atteint le faciès des granulites. Les modes de déformation des grains de quartz et de feldspath impliquent néanmoins qu’elle a été portée au faciès supérieur des amphibolites. De telles conditions sont cohérentes avec l’aspect migmatitique des lentilles de roches métasédimentaires du Complexe de La Romaine, couramment rencontrées dans la suite intrusive avec leurs assemblages minéralogiques à grenat ± biotite ± muscovite et sans sillimanite. L’Intrusion de Mukanipan, dans le DSmak, présente les mêmes caractéristiques minéralogiques. De plus, les lentilles de paragneiss qu’elle englobe semblent elles aussi dépourvues de sillimanite. Nous pensons alors que les suites intrusives de Wapitagun et de Mukanipan se sont mises en place dans des niveaux crustaux moins profonds que ceux des autres secteurs du DSmak et du DSpih. La zone de contact entre ces suites intrusives et les unités encaissantes correspondrait approximativement au changement de domaines métamorphiques entre celui du faciès supérieur des amphibolites et celui du faciès des granulites. Étant donné l’origine magmatique de la foliation qui caractérise ces suites intrusives, nous estimons qu’elles sont contemporaines du métamorphisme régional décrit jusqu’à présent.

Selon les données géochronologiques de Bonnet (2009), le métamorphisme associé à la phase de D1 aurait eu lieu vers 1029 ±16 Ma. Cependant, l’âge U-Pb sur zircon obtenu dans de l’Intrusion de Rocher Rouge (Jean David, comm. pers., 2024) non déformée, localisée dans la région de Kegaska, semble plutôt indiquer que le pic métamorphisme dans la région se serait produit avant ∼1043 Ma. En revanche, il a probablement a eu lieu après la mise en place de la Suite intrusive de Mantuh datée à ∼1088 Ma (Jean David, comm. pers., 2024), et qui est à ce jour l’unité de roches intermédiaires ou felsiques la plus jeune contenant localement de l’orthopyroxène.

 

Métamorphisme associé aux zones de cisaillement

La ZCneh et la ZCati coupent des secteurs caractérisés par des conditions métamorphiques au faciès des granulites. Cependant, nos observations au microscope montrent plutôt que la déformation associée au fonctionnement de ces zones de cisaillement est de plus bas grade métamorphique. Bien que les roches affectées montrent des évidences de recristallisation dynamique par la migration des bordures de grains, la rareté des grains de quartz avec une extinction en échiquier semble indiquer que la déformation D3 n’est ici pas associée à des températures typiques du faciès des granulites.

 

Géologie économique

À la suite de nos travaux dans la région du lac Coacoachou, aucun secteur particulièrement favorable à l’exploration minérale n’a été identifié. Cependant, certaines analyses d’échantillons prélevés dans différentes unités lithodémiques ont donné des valeurs anomales ou significatives en métaux d’intérêt économique. Ces analyses nous portent à croire que le secteur pourrait abriter :

  • minéralisation de Fe-Ti-V associée à la Suite intrusive de Blacklands;
  • minéralisation de métaux rares associée à des roches intrusives felsiques ou intermédiaires;
  • minéralisation de métaux rares associée à des roches calco-silicatées du Complexe de La Romaine.

Le tableau des analyses lithogéochimiques des métaux d’intérêt économique donne la localisation, la description et les résultats d’analyse de 14 échantillons choisis dans le but d’évaluer le potentiel économique de la région.

Minéralisations connues de la région d’étude

Avant ce levé, la base de données du SIGÉOM ne contenait aucune zone minéralisée pour cette région.

Minéralisations méconnues et découvertes lors des présents travaux

Minéralisation de Fe-Ti-V associée à la Suite intrusive de Blacklands

La Suite intrusive de Blacklands est principalement constituée de filons-couches décamétriques ou hectométriques de gabbronorite et de gabbro variablement amphibolitisés. Ces roches sont généralement mésocrates, mais elles contiennent aussi des niveaux décimétriques ou métriques de hornblendite à grain moyen, noire et très fortement magnétique. L’échantillon 24IL3151-C1, prélevé sur une île dans le havre Bluff, à ∼13 km à l’est du village de La Romaine, a donné des valeurs de 27,97 % Fe2O3(T), 6,29 % TiO2 et 879 ppm V. Au microscope, la hornblendite est hétérogranulaire avec de la hornblende (85 %) à grain moyen et du clinopyroxène (4 %), de l’orthopyroxène (2 %) et du plagioclase (3 %) à grain fin. Elle renferme aussi ∼6 % de minéraux opaques en grains xénomorphes.

Minéralisation de métaux rares associée à des roches intrusives felsiques ou intermédiaires

Quatre échantillons prélevés dans la Suite intrusive de Washicoutai ont révélé des teneurs anomales ou significatives en ETR, Zr, Y et Nb. Un de ces échantillons est associée à l’unité de syénogranite rose violacé (nPwai1), alors que les trois autres proviennent de la sous-unité de monzonite quartzifère grise à grain fin (nPwai3d). Tous les échantillons observés au microscope se caractérisent par la présence abondante de minéraux opaques (<5 %) et d’autres phases accessoires (<2 %), en grains pouvant localement atteindre quelques millimètres de diamètre. Ces phases accessoires comprennent systématiquement l’allanite, le zircon et l’apatite. Les meilleures teneurs de 1488 ppm Zr, 1289 ppm ETR, 125 ppm Y et 51 ppm Nb proviennent d’un échantillon de monzonite quartzifère massive (24BM6118-A1) prélevé à ∼2,5 km à l’est du lac Coconipi. 

 Dans le secteur NE de la région, à ∼8 km à l’est du lac Coacoachou, un échantillon d’enderbite assignée à la Suite intrusive de Foucher (24VK7113-A1) a donné 1593 ppm Zr et 1016 ppm ETR. La roche est à grain moyen, homogène et massive. Au microscope, on note la présence de près de 15 % de minéraux opaques, incluant des grains xénomorphes de magnétite à lamelles d’ilménite et de rutile. L’enderbite contient aussi de nombreux grains de zircon et d’allanite. 

Minéralisation de métaux rares associée à des roches calco-silicatées du Complexe de La Romaine

Le long de la côte de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, à ∼5 km au NW des îlots Audubon, deux échantillons de roches calco-silicatées rattachées au Complexe de La Romaine présentent des teneurs anomales ou significatives en différents éléments associées à des enrichissements en aluminium, calcium et fer et à des appauvrissements en silice et en magnésium. La zone la plus anomale est de largeur métrique et affiche sur le terrain des taux de radioactivité compris entre 600 et 2800 cps et des concentrations en Th de 40 à 109 ppm. Les échantillons de roches calco-silicatées 24YD2007-A1 et 24YD2007-B1 ont donné des valeurs atteignant 1604 ppm ETR, 381 ppm Y, 85 ppm Ga, 860 ppm Zr, 126 ppm Th, 127 ppm Li et 80 ppm Nb. La roche est équigranulaire, à grain fin, homogène et peu déformée. Elle est constituée de ∼50 % de plagioclase très fortement séricitisé, 30 % de hornblende vert foncé possiblement ferrifère, et 10 à 15 % de grenat xénomorphe et interstitiel. La roche contient aussi 5 % de minéraux opaques xénomorphes, possiblement de la magnétite étant donné le très fort magnétisme de la roche. Les minéraux accessoires comprennent des carbonates (1 à 2 %) interstitiels ainsi que de très nombreux grains d’allanite, de zircon et de rutile. 

Problématiques à aborder dans le cadre de futurs travaux

La cartographie de la région du lac Coacoachou a permis d’améliorer significativement les connaissances géologiques du secteur en ce qui concerne la stratigraphie, la structure et le métamorphisme. Les points saillants qui ressortent de nos travaux sont les suivants :

  • l’identification d’unités couramment à orthopyroxène (suites intrusives de Coacoachou, de Foucher, et de Coconipi) et d’unités volcano-sédimentaires (Complexe de La Romaine);
  • l’identification d’unités qui sont aussi présentes dans la région de Kegaska (suites intrusives de Kegaska, de Mantuh et de Washicoutai);
  • la subdivision de la région en trois domaines structuraux distincts, chacun étant caractérisé par des différences au niveau des unités lithologiques, des conditions métamorphiques et du style structural;
  • la présence de deux zones de cisaillement (ZCneh et ZCati) délimitant les domaines structuraux;
  • l’évolution tectonique polyphasée de la région avec au moins trois phases de déformation identifiées;
  • une empreinte métamorphique variant du faciès supérieur des amphibolites à celui des granulites.

En l’absence de données géochronologiques dans la région cartographiée, plusieurs hypothèses demeurent toutefois à valider. Cependant, six échantillons ont été prélevés à des fins d’analyses géochronologiques. Ces échantillons proviennent d’affleurements assignés aux unités lithodémiques suivantes : la Suite intrusive de Kegaska (mPkeg2a); la Suite intrusive de Coacoachou (mPcoc2b); la Suite intrusive de Wapitagun (mPwap1); la Suite intrusive de Foucher (mPfur; 2 échantillons); et le Complexe de La Romaine (mPcsr1). Ces datations permettront de confirmer, ou non, plusieurs de nos hypothèses, en particulier à savoir si :

  • les unités assignées à la Suite intrusive de Kegaska sont bien du même âge que celles observées dans la région de Kegaska (voir Lafrance et Daoudene, 2024), à l’est;
  • les roches du Complexe de La Romaine sont bien contemporaines à celle du Complexe de Coude, dans la région de Kegaska;
  • la mise en place de la Suite intrusive de Wapitagun est synchrone au métamorphisme de haut grade.

 

Collaborateurs

 
Auteurs Yannick Daoudene, géo., Ph. D. yannick.daoudene@mrnf.gouv.qc.ca
Isabelle Lafrance, géo., M. Sc. isabelle.lafrance@mrnf.gouv.qc.ca
Géochimie Olivier Lamarche, géo., M. Sc.
Géophysique Rachid Intissar, géo., M. Sc.
Évaluation de potentiel Hanafi Hammouche, géo., M. Sc.
Logistique Marie Dussault, coordonnatrice
Géomatique Julie Sauvageau
Conformité du gabarit et du contenu François Leclerc, géo., Ph. D.
Accompagnement
/mentorat et lecture critique
François Huot, géo., Ph. D.
Organisme Direction générale de Géologie Québec, Ministère des Ressources naturelles et des Forêts, Gouvernement du Québec

Remerciements :

Ce Bulletin géologique est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes qui ont activement pris part aux différentes étapes de la réalisation du projet. Nous tenons à remercier les géologues Julie Vallières et Adina Bogatu, les stagiaires en géologie Anne-Laure Bonnet et Eve Gosselin, ainsi que les étudiants Brahim Mali, Vincent Keenan, Mathilde Vachon, Samantha Legrand, Bettina Bourque, Samuel Adam et Félix Hamel. Les pilotes Marc Perron, Mathieu Lebel et Thibault Dettyre ont accompli leur travail avec professionnalisme. Nous remercions tout particulièrement Samantha Legrand pour la compilation des données et la description d’échantillons en lame mince. Nous remercions aussi nos hôtes de l’été, Ruth Kippen et Bernard Bourque, ainsi que l’ensemble du personnel de l’Auberge Brion à Kegaska.

Références

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19 novembre 2024