Géologie de la région de Kegaska, Province de Grenville, Côte-Nord, Québec, Canada

Projet visant les feuillets 12K03 et 12K06
Isabelle Lafrance et Yannick Daoudene
BG 2023-12
Publié le  

 

 

 

 

 

 

À la UNE
L’Essentiel

La campagne de terrain 2023 a consisté en la cartographie à l’échelle 1/50 000 de la région de Kegaska (feuillet SNRC 12K03 et bordure sud du feuillet 12K06). Ce Bulletin géologique présente une nouvelle subdivision lithodémique de la région côtière située entre la rivière Kegaska, à l’ouest, et la rivière Muquanousse, à l’est. À l’exception d’une bande kilométrique de roches volcano-sédimentaires du Complexe de Coude, ce secteur expose en majeure partie des roches plutoniques de composition intermédiaire à felsique.

La région de Kegaska est découpée par trois grandes zones de déformation ductile NW-SE à E-W de plusieurs centaines de mètres à quelques kilomètres de largeur. La rivière Musquaro longe la plus orientale de ces zones de déformation. Celle-ci délimite l’Intrusion gabbroïque de Musquaro et sépare un domaine oriental caractérisé par la présence commune d’orthopyroxène et une structure en dômes et bassins, d’un domaine occidental à la vergence quasi unidirectionnelle des fabriques planaires vers le sud ou le SE.

Le secteur à l’ouest de la Zone de cisaillement de Musquaro représente >85 % de la superficie du territoire cartographié. La Suite intrusive de Kegaska est interprétée comme l’unité la plus ancienne. Elle affleure principalement au SW et est formée de monzodiorite quartzifère, de granodiorite et de monzogranite foliés, à grain moyen et couramment porphyroïdes. Cette unité est coupée par endroits par la Granodiorite de Muddy et bordée au NE par l’Intrusion de Grozieux, composée de syénite quartzifère œillée, modérément à fortement foliée. Le secteur à l’est de la zone de cisaillement est quant à lui constitué de syénite à hypersthène de la Suite intrusive de Mantuh, dans laquelle s’injectent les roches intrusives leucocrates, intermédiaires à felsiques et peu déformées de la Suite intrusive de Muquanousse. De part et d’autre de la zone de cisaillement, l’ensemble de ces unités est coupé par du granite, de la monzonite, de la syénite quartzifère et de la monzonite quartzifère de la Suite intrusive de Washicoutai, qui regroupe aussi les intrusions de Rocher Rouge et de Parsons.

D’un point de vue économique, certaines phases de la Suite intrusive de Washicoutai, dont l’Intrusion de Rocher Rouge, présentent un intérêt pour les minéralisations en ETR. L’Intrusion gabbroïque de Musquaro recèle également un potentiel en minéralisations des platinoïdes et de Fe-Ti ± V ± P.

Méthode de travail

Étant donné le contexte particulier causé par l’ampleur des feux de forêt à l’été 2023 et l’impossibilité de noliser un hélicoptère lors de la première moitié de la campagne de terrain, les cheminements ont d’abord été réalisés à pied de part et d’autre de la route 138. Par la suite, la région a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés effectués dans les milieux isolés sans accès routier. Les travaux de cartographie géologique ont été réalisés par une équipe composée de trois géologues et de six étudiants, du 12 juin au 16 août 2023. La cartographie géologique de la région de Kegaska a permis de produire et de mettre à jour les éléments d’information présentés dans le tableau ci-contre.

Données et analyses
Élément Nombre
Affleurement décrit (géofiche) 698 affleurements
Analyse lithogéochimique totale 323 échantillons
Analyse lithogéochimique des métaux d’intérêt économique 53 échantillons
Analyse géochronologique 8 échantillons
Lame mince standard 253
Lame mince polie 14
Coloration au cobaltinitrite de sodium 106
Fiche stratigraphique 11
Fiche structurale 5
Fiche de substances minérales métalliques 2
Photo d’échantillon 1267

 

 

 

Travaux antérieurs

Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux réalisés dans le secteur à l’étude depuis 1950. Il inclut aussi les références citées dans le rapport. Une liste plus exhaustive peut être trouvée dans la base de données documentaire EXAMINE.

Travaux antérieurs dans la région d’étude
Auteur(s) Type de travaux Contribution

Claveau, 1950

Reconnaissance géologique Premier levé géologique de la région le long du Saint-Laurent

Bassaget, 1970

Cartographie géologique Géologie des feuillets 12K03 et 12K06

Indarès et Martignole, 1993

Bonnet et Corriveau, 2003

Étude régionale Caractérisation du Groupe de Wakeham

Corriveau et al., 2002

Robillard, 2003

Transect géologique et travaux d’exploration Description des unités de l’Intrusion litée de Musquaro

Brisebois et al., 2003

Synthèse

Compilation, géochronologie et évolution tectonique

Intissar et al., 2021 Levé géophysique Levés magnétique et spectrométrique de la région

Stratigraphie

Cette partie présente brièvement les différentes unités cartographiées de la région de Kegaska dans un cadre lithologique et temporel. La description des unités peut être consultée à partir de leur fiche stratigraphique respective via l’hyperlien associé à leur nom.

Le schéma lithostratigraphique ci-contre présente les unités lithodémiques et illustre la chronologie relative de mise en place des unités en tenant compte des relations de recoupement décrites sur le terrain. Ce schéma constitue une section très idéalisée de la géologie de la région étudiée montrant les relations de recoupement des unités ainsi que leurs positions relatives. La dimension des unités représentées sur le schéma respecte les proportions cartographiées en surface.

La région cartographiée est localisée dans la partie allochtone de la Province de Grenville et contient principalement des roches d’âges mésoprotérozoïque et néoprotérozoïque. Deux secteurs se distinguent de part et d’autre de la Zone de cisaillement de Musquaro (ZCmus), qui longe la rivière éponyme. La partie à l’est de cette rivière représente un peu moins de 15 % de la région de Kegaska. Elle est caractérisée par la présence des roches de la Suite intrusive de Mantuh (mPmut), comprenant couramment de l’hypersthène, et par celles de l’Intrusion gabbroïque de Musquaro, une intrusion litée mafique-ultramafique. Les roches de la Suite intrusive de Mantuh sont injectées par celles de la Suite intrusive de Musquanousse (mPmuq). Le secteur à l’ouest de la ZCmus constitue plus de 85 % de la région cartographiée. Il est dominé par la présence des roches de la Suite intrusive de Kegaska (mPkeg), qui se concentrent particulièrement au sud de la Zone de cisaillement de Pepihtnahu (ZCpep). Au nord de cette même zone de cisaillement, l’Intrusion de Grozieux (mPgrz) représente l’unité principale. Les roches de ces unités sont injectées par différents types d’intrusions, possiblement d’âge néoprotérozoïque, et en grande partie regroupés au sein de la Suite intrusive de Washicoutai (nPwai).

ROCHES INTRUSIVES MÉSOPROTÉROZOÏQUES

Secteur à l’est de la Zone de cisaillement de Musquaro (ZCmus)

La Suite intrusive de Mantuh (mPmut) couvre environ la moitié du secteur cartographié localisé à l’est de la rivière Musquaro. Elle comprend une unité de syénogranite et de syénite quartzifère à hornblende-biotite, rose foncé à verdâtre (mPmut1) et une unité de granite à feldspath alcalin et de granite à biotite, rose-beige à orangé (mPmut2). Ces deux unités peuvent contenir ou non de l’hypersthène. Ce dernier est rarement frais et se présente couramment en fins cristaux xénomorphes fortement serpentinisés.

L’Intrusion gabbroïque de Musquaro (mPmqo) est une intrusion litée en majeure partie enclavée au sein de la ZCmus. Elle est constituée, d’ouest en est, d’une unité de péridotite massive (mPmqo1), d’une unité de gabbronorite et de troctolites coronitiques et amphibolitisées (mPmqo2), d’une unité de gabbronorite et de gabbro amphibolitisées (mPmqo3) et d’une unité de brèche intrusive dioritique (mPmqo4). Cette zonalité régulière de composition s’apparente, selon Corriveau et al. (2002) à celle d’une intrusion litée classique basculée, avec la base de l’intrusion se situant du côté ouest. Les bordures occidentale et orientale de cette intrusion litée sont très fortement déformées, respectivement avec les roches des suites intrusives de Kegaska (mPkeg) et de Mantuh (mPmut).

Corriveau et al. (2002) mentionnent que deux dykes de granite cisaillés similaires au gneiss granitique situé à l’est de l’intrusion coupent l’unité de brèche dioritique. De plus, ces auteurs indiquent que la marge est de l’intrusion litée renferme des évidences d’une déformation précoce (non observé durant notre levé) qui n’aurait pas été enregistrée par le gneiss granitique adjacent. Enfin, ils ont aussi observé des enclaves de diorite dans le gneiss granitique à l’est, semblable à celle décrite dans l’intrusion litée, renforçant leur interprétation selon laquelle il s’agirait d’un magmatisme mafique précoce. Des enclaves de différents faciès de gabbro ont aussi été observées à l’ouest de la ZCmus, au sein d’une monzodiorite quartzifère de la Suite intrusive de Kegaska (p. ex. à l’affleurement 23-IL-3068). Pour ces raisons, et même si elle n’a pas été datée, cette intrusion litée est ici considérée comme représentant la plus vieille unité de la portion orientale de la région de Kegaska.

La Suite intrusive de Musquanousse (mPmuq) forme des intrusions hectométriques à kilométriques au sein des roches de la Suite intrusive de Mantuh. Elle regroupe des granitoïdes leucocrates blanchâtres contenant <5% de biotite. Elle est constituée de deux unités en contact diffus et concordant : une unité de monzogranite et de granodiorite (mPmqo1) et une unité de syénogranite et de monzogranite (mPmqo2).

Secteur à l’ouest de la Zone de cisaillement de Musquaro (ZCmus)

Les roches de la Suite intrusive de Kegaska (mPkeg) représentent près de la moitié des unités géologiques du secteur d’étude. Elle comprend une unité de monzodiorite quartzifère à biotite et hornblende (mPkeg1), une unité de granodiorite et de monzogranite à biotite (mPkeg2) et une unité de monzogranite à amas de quartz (mPkeg3). Les unités mPkeg1 et mPkeg2 contiennent couramment des phénocristaux de microcline en proportion variable. Bien qu’elle ne soit pas encore datée, la Suite intrusive de Kegaska est considérée comme étant la plus ancienne et pourrait représenter le socle sur lequel se serait mis en place les roches volcano-sédimentaires du Complexe de Coude (mPcud). Certains affleurements décapés en bordure du fleuve St-Laurent exposent une forte hétérogénéité (abondance d’enclaves de roches rubanées et multiples injections de composition et granulométrie variées). Ces observations indiquent que la suite pourrait contenir des lambeaux de roches plus anciennes, ou encore, que certains secteurs ont été affectés par un degré de métamorphisme plus élevé ayant entrainé la formation de roches migmatitiques. L’ensemble des unités mésoprotérozoïques localisées à l’ouest de la ZCmus comportent des lentilles et des dykes mésocrates de monzogabbro, de monzonite et de syénogranite amphibolitisés de largeur décimétrique à décamétrique. Ces roches sont ici interprétées comme représentant d’anciens dykes maintenant démembrés et boudinés. Elles ne représentent pas une unité cartographiable à l’échelle de nos travaux et ne sont pas assignées à une unité particulière. Elles sont toutefois décrites au sein de la fiche stratigraphie de la Suite intrusive de Kegaska étant donné qu’elles ont en majeure partie été observées au sud de la Zone de cisaillement de Pepihtnahu, où la Suite de Kegaska représente l’unité principale. 

L’Intrusion de Grozieux (mPgrz) représente une masse intrusive qui couvre un peu plus du quart de la région de Kegaska. Elle est constituée de syénogranite et de monzogranite à biotite ± hornblende caractérisés par une texture œillée généralement bien développée et définie par les phénocristaux de feldspath potassique et par des amas de quartz lenticulaires.

La Granodiorite de Muddy (mPmud) forme des intrusions kilométriques ou des injections décimétriques. Elle se trouve essentiellement au sein des roches de la Suite intrusive de Kegaska.

 

ROCHES SUPRACRUSTALES MÉSOPROTÉROZOÏQUES

Le Complexe de Coude (mPcud) est constitué de différents faciès de roches quartzo-feldspathiques (mPcud1) avec une faible proportion d’amphibolite (mPcud2). L’identification des protolites des différents faciès observés dans l’unité mPcud1 est incertaine, mais quelques éléments indiquent qu’il s’agit en majeure partie de volcanoclastites et de volcanites felsiques. Cette unité pourrait aussi comprendre des paragneiss dérivés d’arkose, d’arénite arkosique et d’arénite lithique. Les données géochronologiques préliminaires (J. David, communication personnelle) indiquent la présence de zircons ignés au sein d’un échantillon prélevé à l’affleurement 23-IL-3135. Dans plusieurs secteurs, les roches quartzo-feldspathiques contiennent une proportion variable de nodules centimétriques constitués de quartz, de feldspath, de fibrolite et de muscovite. Entre les nodules, la matrice est composée de quartz, de microcline et de plagioclase séricitisé avec des proportions moindres de biotite chloritisée et de muscovite. Ces roches pourraient représenter des zones d’altération volcanogène alumineuse distale.

Les différents faciès de l’unité mPcud1 comprennent couramment une phase mouchetée un peu plus grossièrement grenue qui se présente sous forme de rubans discontinus ou de lentilles millimétriques à centimétriques, localement décimétriques à métriques. Ces rubans ou lentilles sont de composition monzonitique à syénitique et sont interprétés comme étant soit des roches intrusives intermédiaires, soit des fragments aplatis au sein des volcanoclastites (blocs et lapillis). L’unité mPcud2 comprend probablement des roches d’origine effusive (grain fin à très fin) et des roches d’origine intrusive (grain fin à moyen). Les relations observées entre ces deux phases et leur association avec les volcanoclastites et les volcanites felsiques de l’unité mPcud1, suggèrent que les amphibolites plus grossières pourraient correspondre à des filons-couches associés aux laves. 

Le Complexe de Coude est considéré ici comme l’une des unités les plus vieilles de la région de Kegaska, comme illustré dans le schéma stratigraphique ci-contre. Les roches de ce complexe se seraient déposées sur celles de la Suite intrusive de Kegaska. Le Complexe de Coude pourrait représenter un équivalent plus métamorphisé de certaines unités du Groupe de Wakeham (mPwk) ou correspondre à l’unité informelle de la ceinture supracrustale de la Romaine (Bonnet et Corriveau, 2003).

 

ROCHES INTRUSIVES NÉOPROTÉROZOÏQUES

L’Intrusion de la Route Blanche (nPrbl) forme une masse lenticulaire kilométrique dans le secteur centre-sud de la région de Kegaska. Cette unité est composée de granite à feldspath alcalin blanc, leucocrate, homogène et folié. Elle contient <5 % de biotite et localement de la topaze.

La Suite intrusive de Washicoutai (nPwai) regroupe l’ensemble des intrusions felsiques à intermédiaires qui se présentent en dykes et en filons-couches décimétriques à hectométriques au sein de l’ensemble des autres unités de la région de Kegaska. Elle est divisée en quatre unités : 1) une unité de syénogranite massif rose violacé et à biotite et magnétite (mPwai1); 2) une unité de syénite quartzifère et de monzonite quartzifère coronitiques à magnétite, biotite ± hornblende (mPwai2); 3) une unité de granite et de monzonite quartzifère à biotite; et 4) une unité de granite grossier à pegmatitique massif à biotite et muscovite. L’unité nPwai3 regroupe différentes phases intrusives difficiles à départager l’une de l’autre.

En plus de ces unités informelles, la Suite intrusive de Washicoutai comprend aussi deux lithodèmes : les intrusions de Parsons et de Rocher Rouge.

L’Intrusion de Parsons (nPpsn) représente une masse lenticulaire kilométrique dans la partie centre-sud de la région cartographiée. Elle consiste en un granite à feldspath alcalin rose, leucocrate (<5 % de biotite), homogène et faiblement folié.

L’Intrusion de Rocher Rouge (nPrge) représente un pluton ovoïde kilométrique situé dans le secteur centre-ouest de la région de Kegaska. Il est composé de syénogranite et de monzogranite massifs, à biotite et beige rosé.

 

Lithogéochimie

La lithogéochimie des unités de la région de Kegaska est présentée séparément sous la forme de tableaux.

 

Géologie structurale

DOMAINES STRUCTURAUX

 

Des critères lithodémiques, structuraux, métamorphiques et géophysiques nous ont conduits à subdiviser la région cartographiée en deux domaines structuraux et trois zones de cisaillement régionales. La description détaillée de ces entités nouvellement définies est disponible en cliquant sur l’hyperlien associé à leur nom (voir ci-dessous). La carte structurale présente leur répartition géographique, alors que la coupe structurale propose une interprétation de la disposition en profondeur des principales unités lithodémiques.

Le Domaine structural de Simard (DSsim) comprend approximativement les trois quarts de la région cartographiée et couvre la partie à l’ouest de l’embouchure de la rivière Musquaro. Le Domaine structural de Missu (DSmis) concerne le coin NE de la région de Kegaska. Ces domaines regroupent des unités lithodémiques différentes, à l’exception de la Suite intrusive de Washicoutai. Le DSsim expose en particulier la Suite intrusive de Kegaska et le Complexe de Coude, alors que le DSmis englobe les suites intrusives de Mantuh et de Musquanousse. Parallèlement, le DSmis a subi un métamorphisme au faciès des granulites, alors que le DSsim l’a seulement été à celui supérieur des amphibolites. Pour de plus amples informations, voir la section « Métamorphisme ».

Le DSsim et le DSmis sont séparés par la Zone de cisaillement de Musquaro (ZCmus) qui suit la rivière du même nom. En revanche, les zones de cisaillement de Mistahini (ZCmih) et de Pepihtnahu (ZCpep) ne correspondent à aucune limite de domaine. Elles traversent seulement le DSsim selon une direction approximativement WNW-ESE et leur trajectoire est plus ou moins parallèle l’une à l’autre.

CHRONOLOGIE DES PHASES DE DÉFORMATION

Dans le Lexique structural, la fabrique principale (c’est-à-dire, celle qui prédomine) d’un domaine ou d’une zone de cisaillement est, par définition, associée à la phase Dn. Les phases antérieures sont désignées Dn-1, Dn-2, etc., et les phases postérieures Dn+1, Dn+2, etc. Il est aussi important de rappeler que, dans le lexique, la phase Dn d’un domaine ne correspond pas nécessairement à celle des domaines voisins. Dans le cadre de la région cartographiée, les phases de déformation reportées dans les fiches du lexique peuvent être rattachées à au moins 4 épisodes. Elles y sont corrélées de la façon suivante :

  • les phases Dn-2 du DSsim et Dn du DSmis se rapportent à la phase D1;
  • les phases Dn-1 du DSsim, Dn+1 du DSmis et Dn de la ZCmus correspondent à la phase D2;
  • la phase Dn+2 du DSmis correspond à la phase la phase D3;
  • les phases Dn de la ZCmih, de la ZCpep et du DSsim sont associées à la phase D4.

Phase de déformation D1

La phase de déformation D1 a généré des fabriques omniprésentes dans les unités lithodémiques présumées les plus anciennes du DSsim et du DSmis. Elle s’exprime principalement par une foliation diffuse S1 variablement développée. Dans les roches de la Suite intrusive de Mantuh. Cette foliation est marquée par l’orientation préférentielle des minéraux ou des amas de minéraux ferromagnésiens et l’aplatissement plus ou moins prononcé des grains de quartz. Dans la Suite intrusive de Kegaska, la foliation S1 est plus difficilement identifiable, puisqu’elle est couramment confondue avec une foliation plus récente probablement associée à la phase de déformation D3 ou D4. Toutefois, en lame mince, dans les échantillons où les fabriques planaires sont obliques l’une à l’autre, S1 semble marquée par l’orientation préférentielle des grains xénomorphes de hornblende quand ce minéral est présent.

En l’absence de données géochronologiques, et étant donné le plissement polyphasé de la fabrique planaire associée à D1, il n’est pas possible pour le moment de relier cette phase de déformation à un quelconque épisode tectonique reconnu ailleurs dans la Province de Grenville

Phase de déformation D2

Nous associons le développement de la ZCmus à la phase de déformation D2. Dans la région cartographiée, cette zone de cisaillement montre un pendage et une linéation minérale et d’étirement dirigés vers l’est (voir la coupe). La ZCmus sépare un domaine au faciès des granulites, le DSmis, à l’est et au toit, d’un domaine dont le métamorphisme n’excède pas le faciès supérieur des amphibolites, le DSsim, à l’ouest et au mur. Ainsi, la combinaison des caractéristiques géométriques de la zone de déformation et des particularités métamorphiques des domaines situés de part et d’autre de la ZCmus nous porte à croire que cette dernière est une zone de chevauchement. Son développement semble intimement associé à la présence de l’Intrusion gabbroïque de Musquaro. En effet, plusieurs lentilles de longueur kilométriques de cette unité se répartissent le long ou au voisinage de son tracé. Cette relation témoigne de l’importance du contraste rhéologique entre l’Intrusion gabbroïque de Musquaro et les unités adjacentes pour la localisation de la déformation.

La phase de déformation D2 semble aussi avoir causé un premier plissement dans le DSmis (voir la coupe). Certaines unités comme les suites intrusives de Mantuh et de Musquanousse montrent des plis dont les plans axiaux sont orientés NNW-SSE parallèlement à la ZCmus. À l’affleurement, cette phase de déformation s’exprime localement par la crénulation de S1. Parallèlement, dans le DSsim à ∼8 km au nord de Kegaska, des plis d’orientation comparable possiblement associés à D2 ont aussi été déduits de la trajectoire de la foliation régionale. Ces plis qui affectent les roches de la Suite intrusive de Kegaska et du Complexe de Coude sont coupés par l‘Intrusion de Grozieux.

Phase de déformation D3

La phase de déformation D3 est la plus difficile à mettre en évidence. Elle est déduite principalement du patron d’interférence de plis qui distingue le DSmis du DSsim. Ce patron dessine en carte une structure elliptique qui implique une seconde phase de plissement au plan axial P3 orthogonal à celui de P2. Les plans axiaux des plis P3 sont orientés ENE-WSW, perpendiculairement au tracé de la ZCmus dans la région cartographiée. À plus grande échelle, la phase de déformation D3 qui semble être associée à un épisode de raccourcissement régional NW-SE pourrait avoir engendré le plissement dans la ZCmus, ainsi que le démembrement de l’Intrusion gabbroïque de Musquaro.

L’Intrusion de Grozieux semble postdater la phase de déformation D2 puisqu’elle coupe des plis P2 en carte et ne montre aucune évidence de plissement.

Phase de déformation D4

Deux zones de cisaillement régional que nous relions à la phase de déformation D4 traversent le DSmis selon une orientation approximative WNW-ESE. La première, la ZCmih, est localisée à quelques centaines de mètres de Kegaska et longe principalement la côte du golfe du Saint-Laurent. La seconde, la ZCpep, traverse la zone cartographiée en son centre. Ces zones de cisaillement dont la trajectoire est sinueuse montrent un pendage dirigé vers le nord ou vers l’est (voir la coupe). Le long de leur tracé, la foliation S4 est communément très bien développée et mylonitique par endroits. Dans la plupart des unités affectées, la foliation est marquée par l’orientation préférentielle très régulière des feuillets de biotite et par le fort aplatissement des grains de quartz. Cette foliation porte une linéation minérale et d’étirement très nette, localement dominante et majoritairement orientée E-W ou WNW-ESE. Des critères cinématiques semblent indiquer que ces zones de déformation ont accommodé un mouvement dextre-normal.

Nous relions aussi la majeure partie de la foliation régionale du DSsim à la phase de déformation D4. Dans les roches intrusives de l’ensemble des unités lithodémiques, la foliation S4 est principalement marquée par l’orientation préférentielle des feuillets de biotite et l’aplatissement plus ou moins prononcé des grains de quartz et des phénocristaux de feldspath comme dans l’Intrusion de Grozieux. Dans certains faciès du Complexe de Coude, S4 est matérialisée par l’aplatissement des nodules de quartz et sillimanite. La foliation S4 porte là aussi une linéation minérale et d’étirement d’orientation similaire à celle observée le long de la ZCmih et de la ZCpep.

La mise en place l’Intrusion de Parsons qui semble former une intrusion en feuillet dans la ZCmih est probablement contemporaine du cisaillement. En revanche, l’Intrusion de Grozieux qui est coupée par la ZCpep serait antérieure à la phase de déformation D4, alors que l’Intrusion de Rocher rouge qui n’est pratiquement pas déformée serait tardidéformation.

Étant donné les caractéristiques structurales de la phase D4, celle-ci pourrait être associée à une phase tectonique extensive dans le DSmis et possiblement à la formation d’un dôme métamorphique dont le cœur serait localisé au sud de la région cartographiée.

 

Métamorphisme

La carte ci-contre présente la répartition des assemblages minéraux diagnostiques des conditions métamorphiques particulières observées dans des échantillons de roches intrusives, volcaniques ou sédimentaires de la région de Kegaska. Ces derniers ainsi que les microstructures indicatrices des modes de recristallisation dynamique permettent de produire une carte des faciès métamorphiques estimés.

La région montre plusieurs domaines métamorphiques aux conditions variant du faciès supérieur des amphibolites à celui des granulites. L’empreinte métamorphique semble être associée à plusieurs épisodes tectoniques régionaux.

À l’est de la rivière Musquaro, les roches quartzo-feldspathiques déformées du DSsim montrent généralement des bordures nettement arrondies entres les grains de quartz, dont l’aplatissement souligne par endroits la foliation S1, et les grains de feldspath. Dans plusieurs échantillons, les grains de quartz sont amiboïdes et sont caractérisés par des extinctions en échiquier indiquant une température de déformation de l’ordre de 600 °C (Blumenfeld et al., 1986; Gapais et Barbarin, 1986; Mainprice et al., 1986; Stipp et al., 2002). Les grains d’orthose montrent aussi couramment des exsolutions perthitiques en flammèche. Cette microstructure est courante dans les roches ayant été exposées à des conditions de température approchant les 600 °C (Pryer, 1993). Parallèlement, les roches de la Suite intrusive de Mantuh contiennent localement des assemblages minéralogiques à orthopyroxène ± biotite ± hornblende typique du faciès des granulites. Ainsi, l’ensemble des caractéristiques minéralogiques et microstructurales indiquent que des conditions métamorphiques associées au faciès supérieur des amphibolites ou à celui des granulites ont prévalu durant la déformation D1. En carte, les roches qui contiennent de l’orthopyroxène sont plutôt distribuées le long des flancs de la structure synforme NNW-SSW localisée entre les rivières Musquaro et Musquanousse ou du plan axial de l’antiforme juste à l’est. Cette relation géométrique laisse supposer, d’une part, que le pic métamorphique dans le DSmis est antérieur aux différents épisodes de plissement et par conséquent aux phases de déformation D2 et D3 (voir la section « Géologie structurale »), et d’autre part, que les niveaux structuralement plus profonds montrent les conditions métamorphiques les plus élevées. En effet, les roches localisées au cœur de la structure synforme, qui comprend la Suite intrusive de Musquanousse, ne contiennent pas d’orthopyroxène.  

À l’ouest de la rivière Musquaro, les roches intrusives quartzo-feldspathiques affichent des modes de déformation du quartz et du feldspath assez similaires, mais l’orthopyroxène est généralement absent. Ceci nous porte à croire que ce secteur a enregistré des conditions métamorphiques atteignant au maximum celles du faciès supérieur des amphibolites. En revanche, le patron métamorphique ne semble pas homogène à travers l’ensemble du secteur. En effet, seule la partie sud-est de ce domaine, au sud de la ZCpep, montre des roches avec des grains de quartz arrondis ou amiboïdes présentant des extinctions en échiquier et semblant alors indiquer une température de déformation plus élevée. Une augmentation du gradient métamorphique vers le sud pourrait expliquer la présence de roches migmatitiques qui affleurent localement le long du golfe du Saint-Laurent, en particulier sur l’île de Kegaska (voir les affleurements 23-IL-3002 et 23-IL-3003). En effet, dans un tel modèle, l’exhumation d’un dôme à la faveur du fonctionnement des zones de cisaillement normales de Mistahini et de Pepihtnahu aurait été accompagnée de la fusion partielle des parties les plus profondes (c.-à-d. celles au sud). Les produits de fusion auraient alors alimenté la mise en place des roches plutoniques les plus jeunes de la région, celles de la Suite intrusive de Washicoutai, incluant les intrusions de Parsons et de Rocher Rouge.

 

Géologie économique

La région de Kegaska présente des zones minéralisées et des zones favorables pour trois types de minéralisation :

  • minéralisation de métaux rares associée aux roches alcalines et aux pegmatites granitiques;
  • minéralisation de nickel-cuivre (± éléments du groupe du platine) associée aux roches intrusives mafiques à ultramafiques;
  • minéralisation cuprifère filonienne.

Le tableau des zones minéralisées ci-dessous présente les résultats d’analyses pour les trois zones minéralisées dans le secteur, incluant les deux nouvelles zones découvertes dans le cadre de nos travaux ainsi qu’une zone minéralisée connue.

 

Zones minéralisées dans la région de Kegaska
Nouvelles
Nom Teneurs
Minéralisation associée aux pegmatites granitiques
Brion 2264,5 ppm ETR (G); 2647 ppm Zr (G); 305 ppm Th (G)
Minéralisation de métaux rares associée aux roches hyperalcalines
Belley 1000 ppm Nb (G); 8489 ppm Zr (G); 408 ppm Hf (G); 95,4 ppm Ta (G); 372 ppm Th (G); 615 ppm Y (G)
Connues
Nom Teneurs
Minéralisation associée à des filons cuprifères
Havre Mistassini 1200 ppm Cu (G); 1,47 ppm Ag (G); 650 ppb Au (G)

(G) : Échantillon choisi

 

Le tableau des analyses lithogéochimiques des métaux d’intérêt économique donne la localisation, la description et les résultats d’analyse pour 53 échantillons choisis dans le but d’évaluer le potentiel économique de la région.

 

Minéralisations connues de la région d’étude

Minéralisation cuprifère filonienne

La zone minéralisée de Havre Mistassini a été découverte en 1944 lors d’un levé de cartographie couvrant le secteur localisé entre la municipalité de l’Aguanish et la baie Washicoutai (Claveau, 1950). Elle se caractérise par une zone rouillée de forme tabulaire orientée à 305°/40° et qui mesure 6 m de long sur 0,25 m de large. La minéralisation se présente sous la forme de veinules centimétriques de pyrite au contact entre un granite pegmatitique et un granite folié. La roche portant la minéralisation est constituée de micas, de quartz et de serpentine. En bordure des veinules, le granite pegmatitique renferme une forte proportion de magnétite, laquelle décroit en s’éloignant jusqu’à 2 m de la zone minéralisée. Des teneurs allant jusqu’à 1200 ppm Cu, 1,47 g/t Ag et 650 ppb Au ont été obtenues (Claveau, 1950).

Minéralisation de nickel-cuivre (± éléments du groupe du platine) associée aux roches intrusives mafiques à ultramafiques de l’Intrusion gabbroïque de Musquaro

L’Intrusion gabbroïque de Musquaro est une intrusion litée identifiée à l’embouchure de la rivière Musquaro, où elle forme une intrusion de ~4 km de longueur sur ~1 km de largeur (Corriveau et al., 2002). Des roches similaires affleurant sur une distance de ~20 km ont été décrites par Robillard (2003) au NW de l’intrusion et celles-ci semblent représenter son extension. Des poches décimétriques à métriques irrégulières de gabbronorite pegmatitique sont couramment observées au sein du gabbro, de la gabbronorite et de la troctolite. Une de ces poches renferme des traces de pyrrhotite et de pyrite et a retourné une teneur de 1066 ppm Cu (Robillard, 2003). Corriveau et al. (2022) mentionnent que la présence de ces magmas mafiques riches en composés volatils est favorable à la concentration des platinoïdes.

 

Minéralisations méconnues et découvertes lors des présents travaux

Minéralisation de métaux rares associée à des roches alcalines et à des granites pegmatitiques

La région de Kegaska est caractérisée par la présence de nombreuses unités de syénogranite, de syénite quartzifère, de monzonite quartzifère, de granite à feldspath alcalin et de granite pegmatitique propices à la présence de minéralisations de métaux rares.

 

Zone favorable pour des minéralisations de métaux rares associées aux roches alcalines de l’Intrusion de Rocher Rouge

La zone favorable de Rocher Rouge consiste en un pluton ovoïde orienté E-W mesurant ~5 km de long et 2 km de large. L’Intrusion de Rocher Rouge (nPrge) est orientée E-W et coupe la Suite intrusive de Kegaska. Elle affleure à <1 km à l’est de la rivière Kegaska et se localise à ~4 km au nord de la route 138 reliant Natashquan à Kegaska. L’Intrusion de Rocher Rouge est composée de syénogranite et de monzogranite massifs ou peu déformés. En affleurement, des mesures au spectromètre RS-125 indiquent un niveau constant à 600 cps et des pointes locales jusqu’à 2000 cps(p. ex. affleurement 23-YD-2077). Des mesures ponctuelles au spectromètre sur une période de 120 secondes montrent des valeurs entre 52,2 et 82,4 ppm en thorium et entre 1,6 à 25 ppm en uranium. Ces mesures sont compatibles avec celles d’intrusions syénitiques fertiles pour des minéralisations en ETR, Th, Y, Zr, Be et Nb. Les rapports Th/U se distribuant majoritairement entre 2,5 et 28,4 et la nature calco-alcaline à alcaline de l’intrusion suggèrent que l’allanite et la thorite pourraient être les principaux minéraux porteurs d’une éventuelle minéralisation en terres rares.

L’affleurement 23-YD-2084, localisé à la bordure SE de l’Intrusion de Rocher Rouge, présente une bande de roche intrusive tectonisée d’au moins 50 m de long et de ~12 m de large. Les bordures de ce niveau sont altérées sur plusieurs décimètres à quelques mètres de large. Dans ces zones, la roche montre une patine d’altération orange-brun, bien que celle-ci ne semble pas contenir de sulfures. Des teneurs anomales en zirconium (<1094 ppm Zr) et niobium (<214 ppm Nb) ont été obtenues dans deux échantillons prélevés sur cet affleurement, le premier provenant de la bande tectonisée, le deuxième de la bordure altérée.

 

 

Zones favorables pour des minéralisations de métaux rares associées aux roches alcalines de la Suite de Washicoutai

La zone favorable de Washicoutai 1 est constituée de l’unité nPwai1 de la Suite intrusive de Washicoutai, qui regroupe des intrusions lenticulaires de longueur hectométrique à kilométrique et de largeur décamétrique à hectométrique, orientées parallèlement à la foliation régionale. Ces intrusions coupent la Suite intrusive de Kegaska et se localisent majoritairement au voisinage de la route 138 reliant Natashquan à Kegaska. Elles sont constituées de syénogranite rose violacé, massif ou peu déformé. Sur le terrain, la roche affiche globalement entre 300 et 700 cps au spectromètre (RS-125; p. ex. affleurement 23-YD-2038) et les mesures ponctuelles (120 secondes) présentent des valeurs généralement élevées en thorium (56,3 à 135,5 ppm Th; p. ex. affleurements 23-EG-1038 et 23-IL-3051) et faibles en uranium (1,8 à 13 ppm U). Ces caractéristiques semblent indiquer que l’unité nPwai1 présente un potentiel pour des minéralisations en ETR, Th, Y, Zr, Be et Nb.

 

Ce potentiel est corroboré par les teneurs significativement élevées en éléments des terres rares (<959 ppm ETR), en zirconium (<571 ppm Zr), en yttrium (<77,3 ppm Y) et en thorium (<128 ppm Th) obtenues sur près d’une vingtaine d’échantillons choisis. Par exemple, des teneurs de 922,23 ppm ETR, 410 ppm Zr, 77,3 ppm Y et 112 ppm Th ont été obtenues dans un syénogranite prélevé à l’affleurement 23-IL-3027. L’allanite, observée en lame mince, pourrait être le principal minéral porteur d’une éventuelle minéralisation. Elle se présente en grains millimétriques automorphes à subarrondis.

 

La zone favorable de Washicoutai 2 est représentée par les roches de l’unité nPwai2 de la Suite intrusive de Washicoutai. Cette unité est constituée de monzonite quartzifère et de syénite quartzifère coronitiques à grain fin et modérément déformées. Elle se distingue par son aspect moucheté attribuable à la présence de 3 à 7 % d’amas millimétriques de magnétite gris-bleu entourés d’une couronne rose ou blanche de feldspath. Cette unité se présente sous la forme d’injections communément décimétriques à décamétriques, non cartographiables à l’échelle 1/50 000, sauf à l’affleurement 23-EG-1143, où elle forme une lentille hectométrique orientée WNW-ESE. Ces injections coupent différentes unités de la région de Kegaska parallèlement à la foliation régionale. Plusieurs échantillons choisis provenant d’un peu partout dans la région ont retourné des teneurs anomales en zirconium (<2393 ppm Zr), en niobium (<75,9 ppm Nb), en yttrium (<125 ppm Y) et en éléments des terres rares (<829 ppm ETR). L’unité nPwai3 semble donc constituer une cible intéressante pour la recherche de métaux rares associés à des intrusions calco-alcalines et alcalines. Les teneurs de 2393 ppm Zr et 829 ppm ETR proviennent d’un échantillon prélevé à l’affleurement 23-IL-3066.

 

 Zone minéralisée en métaux rares dans un granite pegmatitique de la Suite intrusive de Washicoutai 

De nombreux corps de granite pegmatitique s’injectent dans les différentes unités de la région de Kegaska. Ces intrusions ont été assignées à l’unité nPwai4 de la Suite intrusive de Washicoutai. Cette unité forme localement des intrusions de plus grandes dimensions, mais elle prend généralement la forme de dykes décimétriques à métriques non cartographiables à l’échelle des travaux réalisés.

 

BG 2023-12 – KegaskaLa zone minéralisée de Brion est associée à un dyke décimétrique qui coupe une monzodiorite quartzifère de la Suite intrusive de Kegaska. Un échantillon prélevé dans l’un de ces dykes (affleurement 23-BL-4002) a retourné des teneurs de 2264,5 ppm ETR, 2647 ppm Zr et 305 ppm Th.

 

 

 

Nouvelle zone minéralisée en Nb-Zr-Y dans un granite à feldspath alcalin de la Suite intrusive de Washicoutai

La zone minéralisée de Belley est associée à un dyke centimétrique à décimétrique de granite à feldspath alcalin coupant un monzogranite porphyroïde de la Suite intrusive de Kegaska. Un échantillon a retourné des teneurs de 8489 ppm Zr, >1000 ppm Nb, 408 ppm Hf, 615 ppm Y, 372 ppm Th et 95,4 ppm Ta. De teinte orangée, la roche est à grain fin et foliée. Elle affiche jusqu’à 1400 cps au spectromètre (RS-125). Ce dyke, visible à l’affleurement 23-YD-2103, est assigné à l’unité nPwai3a de la Suite intrusive de Washicoutai. Cette unité comprend de nombreux autres dykes décimétriques à hectométriques dans la région de Kegaska.

 

Autres unités qui pourraient présenter un potentiel en métaux rares dans la région de Kegaska

Près d’une quinzaine d’échantillons (sur la trentaine prélevée au total) de l’Intrusion de Grozieux (mPgrz) ont révélé des teneurs significativement élevées en Zr-Y ± Nb ± Li. Cette unité est constituée de syénogranite et de monzogranite œillés et fortement à moyennement foliés. Les meilleures teneurs de 1229 ppm Zr et 429 ppm Zr proviennent des affleurements 23-YD-2019 et 23-BL-4115, respectivement.

 

Des roches ayant une composition de monzogabbro ou de gabbro alcalin, pour l’instant non assignées à une unité lithodémique, ont couramment retourné des teneurs significativement élevées en niobium (<134 ppm Nb), zirconium (<497 ppm Zr), yttrium (<107 ppm Y) et lithium (<132 ppm Li). Ces roches intrusives mafiques à intermédiaires se présentent sous forme de lentilles et de dykes décimétriques à métriques, localement décamétriques. Elles semblent plus nombreuses dans le secteur sud de la région. L’affiliation entre ces roches intrusives mafiques et les autres unités alcalines intermédiaires à felsiques de la région reste à déterminer.

 

Problématiques à aborder dans le cadre de futurs travaux

La cartographie de la région de Kegaska a permis d’améliorer significativement les connaissances géologiques du secteur en ce qui concerne la stratigraphie, la structure, le métamorphisme et la métallogénie. Les points saillants qui ressortent de nos travaux sont :

  • L’identification de roches volcaniques felsiques dans le Complexe de Coude, auparavant cartographiées comme du paragneiss;
  • La subdivision de la région en deux domaines structuraux distincts, chacun d’entre eux étant caractérisé par des différences au niveau des unités lithologiques, des conditions métamorphiques et du style structural;
  • La présence d’une zone de cisaillement (ZCmus) délimitant les deux domaines structuraux, et présumée être une zone de chevauchement le long de laquelle les roches du Domaine structural de Missu ont chevauché celles du Domaine structural de Simard;
  • L’évolution tectonique polyphasée de la région avec au moins quatre phases de déformation identifiées;
  • L’identification de trois nouvelles zones favorables à l’exploration minérale et de deux nouvelles zones minéralisées.

En l’absence de données géochronologiques, plusieurs hypothèses demeurent toutefois à confirmer. Huit échantillons ont été prélevés à des fins d’analyses géochronologiques. Ces échantillons proviennent d’affleurements assignés aux unités lithodémiques suivantes : la Suite intrusive de Kegaska (unités mPkeg1 et mPkeg3); l’Intrusion de Grozieux (mPgrz); le Complexe de Coude (mPcud); la Suite intrusive de Mantuh (mPmut1); l’Intrusion de Parsons (nPpsn); l’Intrusion de Rocher Rouge (nPrge); et la Suite intrusive de Washicoutai (nPwai3d). Ces datations permettront de confirmer, ou non, plusieurs de nos hypothèses, en particulier à savoir si :

  • les trois unités distinctes de la Suite intrusive de Kegaska, réparties sur une bonne partie du territoire cartographié, se sont bien mises en place à la même période;
  • les roches de l’Intrusion de Grozieux, dont le contact avec la Suite intrusive de Kegaska n’a pas été observé, sont effectivement plus jeunes que celles de cette dernière;
  • les intrusions de Parsons et de Rocher Rouge, ainsi que la Suite intrusive de Washicoutai qui les regroupe, sont contemporaines, bien que l’intensité de la déformation varie d’une unité à l’autre;
  • le Complexe de Coude peut être associé à la ceinture supracrustale de la Romaine identifiée par Bonnet et Corriveau (2003) et considéré comme un équivalent de certaines unités du Groupe de Wakeham (mPwk), dont l’âge maximum de sédimentation serait de 1630 Ma (Wodicka et al., 2003) et qui présente dans sa partie est des roches sédimentaires ou volcaniques datées par la méthode U/Pb sur zircon entre 1517 ±20 Ma et 1491 ±7 Ma (Van Breemen et Corriveau, 2005). 

 

Collaborateurs

 
Auteurs Isabelle Lafrance, géo., M. Sc. isabelle.lafrance@mrnf.gouv.qc.ca
Yannick Daoudene, géo., Ph .D. yannick.daoudene@mrnf.gouv.qc.ca
Géochimie Olivier Lamarche, géo., M. Sc.
Géophysique Rachid Intissar, géo., M. Sc.
Évaluation de potentiel  Virginie Daubois, géo., M. Sc.
Logistique Marie Dussault, coordonnatrice
Géomatique Mor Coumba Ndiaye et Karine Allard
Conformité du gabarit et du contenu François Leclerc, géo., Ph. D.
Accompagnement
/mentorat et lecture critique
Abdelali Moukhsil, géo., Ph. D. et Marc-Antoine Vanier, ing., M. Sc.
Organisme Direction générale de Géologie Québec, Ministère des Ressources naturelles et des Forêts, Gouvernement du Québec

Remerciements :

Ce Bulletin géologique est le fruit de la collaboration de nombreuses personnes qui ont activement pris part aux différentes étapes de la réalisation du projet. Nous tenons à remercier la stagiaire en géologie Ève Gosselin ainsi que les étudiants Benjamin Leclerc, Thomas Schulz-Ratelle, Isabelle Izquierdo-Bernier, Natasha Sauvé, Rayan Alam et Hernan Mauricio Perez Burgos. Le pilote Marc-André Thibodeau a accompli son travail avec professionnalisme. Nous remercions aussi nos hôtes, Ruth Kippen et Bernard Bourque, ainsi que l’ensemble du personnel de l’Auberge Brion à Kegaska. Les discussions avec les géologues Abdelali Moukhsil, Jean David et Louise Corriveau ont été très profitables.

 

Références

Publications du gouvernement du Québec

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CLAVEAU, J., 1950. La côte nord du Saint-Laurent, d’Aguanish à la baie Washicoutai, compté de Saguenay. MRN; RG 043, 77 pages, 1 plan.
 
INDARES, A., MARTIGNOLE, J., 1993. Étude régionale du Supergroupe de Wakeham – Moyenne-Côte-Nord. MRN; MB 91-21, 74 pages, 3 plans.
 
INTISSAR, R., BENAHMED, S., MOUGE, P., 2021. Levé magnétique et spectrométrique aéroporté dans le secteur de la rivière Olomane, Basse-Côte-Nord. MERN, NOVATEM INC; DP 2021-05, 64 pages.
 
ROBILLARD, M., 2003. Rapport des travaux 2002, projet rivière Musquaro. Ressources Appalaches inc., rapport statutaire soumis au gouvernement du Québec; GM 61233, 71 pages, 3 plans.
 
WODICKA, N., DAVID, J., PARENT, M., GOBEIL, A., VERPAESLT, P., 2003. Géochronologie U-Pb et Pb-Pb de la région de Sept-Îles – Natashquan, Province de Grenville, Moyenne-Côte-Nord In: Synthèse géologique et métallogénique de la partie est de la Province de Grenville (Brisebois, D., Clark, T., éditeurs). MRNFP; DV 2002-03, pages 59-118.

Autres publications

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21 novembre 2023