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Complexe de Misasque
Étiquette stratigraphique : [arch]miq
Symbole cartographique : Amiq
 

Première publication : 26 février 2018
Dernière modification : 4 décembre 2020

 

 

Subdivision(s) informelle(s)
La numérotation ne reflète pas nécessairement la position stratigraphique.
 
Aucune
 
Auteur : Talla Takam et al., en préparation
Âge : Archéen
Stratotype : Affleurement de référence 18-LP-6158
Région type : Feuillets SNRC 33A07 à 33A10 et 23D12
Province géologique : Province du Supérieur
Subdivision géologique : Sous-province d’Opatica
Lithologie : Gneiss tonalitique, dioritique et granitique, tonalite, granodiorite et diorite
Catégorie : Lithodémique
Rang : Complexe
Statut : Formel
Usage : Actif

 

 

 

Historique

Le massif de la rivière Misasque a été identifié par Hocq (1985). L’auteur définissait cette unité comme une bande hétérogène de roches intrusives de composition granitique à leucotonalitique comprise entre les lacs Neptune et Fire jusqu’au lac Léran. La superficie occupée par le massif de la rivière Misasque était de l’ordre de 1500 km2. À la suite des travaux de cartographie géologique de l’été 2016, Talla Takam et al. (en préparation) ont divisé le massif de la rivière Misasque en différents plutons en fonction de leur composition minéralogique, de leur géochimie et de leur signature magnétique. Le Pluton de Misasque ainsi redéfini comprend majoritairement des gneiss et des intrusions de tonalite, de granite et de diorite situés au nord du Groupe de René. Suite aux travaux de cartographie de l’été 2018, le Pluton de Misasque est devenu le Complexe de Misasque en raison de la nature et des âges variés des roches comprises dans l’unité (Beauchamp, 2019).

Description

Le Complexe de Misasque est introduit pour décrire une large masse gneissique et intrusive polyphasée, délimitée au nord par le Complexe de Laguiche et au sud par le Pluton de Digne. Cette unité représente l’une des unités les plus anciennes des régions du lac Cadieux et de l’île Bohier. Il s’agit du socle mésoarchéen à néoarchéen sur lequel la Ceinture de roches vertes de la Haute-Eastmain (CRVHE) s’est mise en place. Le Complexe de Misasque correspond à une croûte continentale archéenne de type « TTG » (tonalite-trondhjémite-granodiorite). Sur la carte du champ magnétique total, le Complexe de Misasque est caractérisé par une susceptibilité magnétique uniforme et modérée. Seules les fractures fragiles orientées NNE-SSW et E-W forment des linéaments rectilignes qui démagnétisent le complexe.

Au moins quatre (4) lithofaciès ont été reconnus au sein du Complexe de Misasque : le gneiss tonalitique, dioritique à granitique variablement migmatitisé, la tonalite homogène et foliée, le granite et la granodiorite hétérogènes et foliés ainsi que le granite homogène et massif à faiblement folié. Les roches du Complexe de Misasque sont granoblastiques et généralement coupées par plusieurs phases granitiques sous la forme d’injections multiples sécantes ou concordantes à la gneissosité. Ces injections font partie intégrante du complexe. Les roches du Complexe de Misasque renferment des niveaux et des enclaves décimétriques à décamétriques de roche intrusive (diorite, gabbro, amphibolite, diorite quartzifère, tonalite, très rarement de paragneiss et de pyroxénite) représentant de 1 à 25 % des surfaces affleurantes. Les enclaves les plus communes sont dioritiques et gabbroïques. Elles possèdent une patine d’altération tachetée noir et blanc. Les enclaves sont amphibolitisées, foliées et fortement granoblastiques. Elles sont caractérisées par une déformation en L>S bien développée.

Les analyses géochimiques (Beauchamp, 2019) indiquent que les roches du Complexe de Misasque sont des tonalites et des granites métalumineux de type I (Frost et al., 2001). Les échantillons analysés sont enrichis en terres rares légères par rapport aux terres rares lourdes. Les profils des granites sont plus évolués que ceux de la tonalite et ceux-ci présentent une anomalie négative en Eu. Les spectres multiéléments des tonalites et des granites présentent des anomalies négatives en Nb, Ta, P, Ti et Sm et des enrichissements en La, Ce, Zr et Hf.

À cause de la complexité et de la distribution non uniforme des unités lithologiques, il n’a pas été possible de les isoler sur la carte géologique. Les lithofaciès sont présentés ci-dessous par ordre d’importance.

Gneiss tonalitique, dioritique et granitique variablement migmatitisé

Cette unité d’orthogneiss est constituée d’une alternance de rubans millimétriques à décimétriques dont la composition varie de tonalitique, dioritique à granitique. Au microscope, la gneissosité se présente sous la forme d’une alternance de niveaux mafiques (à biotite ± hornblende ± magnétite) et de niveaux quartzofeldspathiques blanchâtres. Le rubanement net, irrégulier et très contrasté est accentué par la présence d’injections granitiques subconcordantes. Une grande proportion de ces roches a subi une migmatitisation à divers degrés de fusion partielle, laquelle se manifeste par la présence de 5 à 70 % de mobilisat de composition granodioritique à granitique. Le mobilisat se présente sous la forme de bandes (ou de niveaux) discontinues centimétriques à décamétriques, parallèles ou sécantes à la foliation régionale. Au sein des roches plus migmatitisées, les enclaves intermédiaires à mafiques flottent dans le mobilisat. Les porphyroblastes de hornblende sont distribués de façon irrégulière à proximité des enclaves de roches intermédiaires. Les amphiboles centimétriques donnent à la roche une structure mouchetée.

Les orthogneiss contiennent de la biotite et de la magnétite, avec des proportions variables de hornblende verte, de chlorite et d’épidote (allanite, pistachite, clinozoïsite). Les minéraux mafiques se présentent sous la forme d’amas comptant pour 5 à 15 % de la roche. Des traces de sphène, d’apatite et de rutile peuvent aussi être observées. Les cristaux grenus de plagioclase sont hypidiomorphes, maclés et faiblement à fortement altérés (séricitisés et saussuritisés). La biotite est partiellement à totalement chloritisée et localement altérée en épidote. En lame mince, les gneiss présentent des structures polygonales et interlobées. Les grains de quartz possèdent une bordure suturée et une extinction roulante.

Tonalite homogène et foliée

Ce faciès correspond à une tonalite homogène, foliée à patine gris pâle. Cette unité présente une granulométrique fine à moyenne et contient de 5 à 15 % de minéraux ferromagnésiens (biotite ± magnétite ± hornblende). Cette unité, contrairement à celle décrite précédemment, n’est pas gneissique. Au sein du faciès tonalitique, il y a 5 à 25 % de rubans en contact net et/ou diffus de granite blanc à hornblende et de granite rosé à blanchâtre hololeucocrate. Certains rubans nets et continus sont interprétés comme des injections précoces transposées, tandis que ceux qui sont millimétriques à centimétriques, diffus et discontinus, sont plutôt interprétés comme du mobilisat. En lame mince, la tonalite est généralement bien recristallisée. Les minéraux ferromagnésiens sont disséminés dans la matrice et forment, par endroits, des lamines millimétriques continues ou discontinues. Au sein d’une même lame, certains rubans sont plus riches en biotite et d’autres en hornblende. Les cristaux de plagioclase, quant à eux, sont localement saussuritisés. Les minéraux accessoires observés sont le zircon, l’apatite, l’allanite et le sphène.

Granite et granodiorite hétérogènes et foliés

L’unité de granite et de granodiorite foliée est hétérogène. Elle contient de 5 à 20 % d’enclaves ou de reliques de roches intrusives felsiques à mafiques fortement assimilées. On reconnaît localement un début de gneissosité marqué par une ségrégation des minéraux quartzofeldspathiques des ferromagnésiens et des structures de fluage. Couramment, cette unité est caractérisée par une variation en minéraux ferromagnésiens et en granulométrie, ce qui contribue à son aspect hétérogène. Des amas et des phénocristaux de hornblende se distribuent de façon erratique et aléatoire dans l’unité. Des schlierens de biotite sont présents. Cette unité pourrait correspondre à une diatexite hétérogène dont le protolite serait de nature intrusive.

Granite homogène et massif à faiblement folié

Le granite homogène présente une patine d’altération blanc-rosé. Il est généralement massif à faiblement folié, leucocrate et hétérogranulaire. De la biotite et de la magnétite visibles à l’œil nu sont généralement observées. En pétrographie, il est possible de voir des traces de hornblende, de muscovite, de chlorite, d’épidote, d’apatite, de zircon ainsi que des microstructures de myrmékite.

 

Épaisseur et distribution

Le Complexe de Misasque couvre une superficie de 1250 km² dans la région des lacs Cadieux, Emmanuel, Léran et de l’île Bohier (feuillets 23D12, 33A07, 33A08,33A09 et 33A10). Il s’étend sur plus de 100 km selon une direction ENE-WSW, depuis le lac Léran jusqu’au lac Cadieux. Le Complexe de Misasque a une largeur qui varie de 5 à 25 km selon une direction NNW-SSE. Son extension vers le nord est limitée par le Pluton de Ribera et la Suite de Nikos, deux corps intrusifs qui recouvrent le contact entre les sous-provinces d’Opinaca et d’Opatica. Au sud, il est en contact avec la Ceinture de roches vertes de la Haute-Eastmain, le Pluton de Digne et la Suite de Wahemen.

Datation

Trois échantillons provenant du Complexe de Misasque ont été datés. L’étalement des âges mésoarchéens à néoarchéens démontre l’existence de plusieurs générations de zircons et reflète la complexité de cette unité qui renferme plusieurs phases en contact diffus.

Le premier échantillon se positionne au centre du complexe dans le feuillet SNRC 33A09 (affleurement 16-FM-2705). Il est décrit comme une tonalite foliée à biotite, hornblende et magnétite. Les analyses U-Pb ont donné deux catégories d’âges pour les zircons. La plus vieille est à 2822 ±5 Ma et la plus jeune à 2695 ±8 Ma. La meilleure estimation pour l’âge de la cristallisation magmatique de la tonalite est de 2695 ±8 Ma. Les zircons datés à 2822 ±8 Ma seraient hérités d’un vieux socle sous-jacent. Une couronne à faible ratio Th/U a aussi livré un âge de 2622 ±16 Ma et témoignerait de l’âge d’un événement métamorphique (Davis et Sutcliffe, 2018).

Le second échantillon (affleurement 18-FM-2083) correspond aussi à une tonalite foliée à biotite et magnétite qui contient de nombreux rubans de granite rose rectilignes centimétriques et de rares enclaves de diorite. L’analyse paraconcordante la plus jeune d’un grain d’origine magmatique a donné un âge 207 Pb/206 Pb de 2698 ±28 Ma indiquant l’âge maximal de la cristallisation de l’intrusion (Davis, 2019). Les analyses U-Pb sur zircons indiquent une population magmatique aux âges variables autour de 2790 Ma, mais avec des grains plus vieux jusqu’à 3024 Ma (Davis, 2019). La plupart des zircons sont hérités d’un socle néoarchéen qui pourrait contenir une composante mésoarchéenne.

Le dernier échantillon (affleurement 18-FM-2085) est décrit comme une tonalite faiblement foliée à biotite, titanite et épidote. La tonalite contient des schlierens de biotite, des enclaves et/ou des restites de tonalite et/ou de diorite quartzifère fortement assimilées. Du gabbro est également en enclave dans la tonalite. Dans cet échantillon, les zircons définissent une population uniforme d’âge 2795 ±5 Ma (âge magmatique), mais les surcroissances métamorphiques autour de deux âges : 2683 ±11 Ma et 2650 ±10 Ma (Davis, 2019). La titanite indique un âge métamorphique de 2598 ±2 Ma. Selon Davis (2019), la roche serait le produit de la fusion métamorphique d’un pluton granitoïde daté à 2795 Ma. La cristallisation et le refroissement de la migmatite se seraient déroulés sur une longue période qui a commencé vers 2685 Ma et qui s’est poursuivie jusqu’à 2600 Ma.

 

Unité Numéro d’échantillon Système isotopique Minéral Âge de cristallisation (Ma) (+) (-) Âge d’héritage (Ma) (+) (-) Âge métamorphique (Ma) (+) (-) Référence(s)
Amiq 2016-FM-2075 U-Pb Zircon 2695 8 8 2822 5 5 2622 16 16 Davis et Sutcliffe, 2018
2018-FM-2083A U-Pb Zircon 2698 28 28

2790

3024

          Davis, 2019
18-FM-2085A U-Pb Zircon 2795 5 5      

2685

2651

10

9

10

9

Davis, 2019
U-Pb Titanite             2598 2 2 Davis, 2019

 

Relations stratigraphiques

Le Pluton de Digne (2814 ±7 Ma, Davis, 2019) semble s’injecter dans les phases les plus anciennes du Complexe de Misasque. Cependant, le Complexe de Misasque étant polyphasé, il renferme aussi des phases intrusives plus jeunes mises en place après le Pluton de Digne.

Même si les âges de cristallisation magmatique (U-Pb sur zircons) obtenus dans les tonalites homogène du Complexe de Misasque sont plus jeunes que celles du Pluton de Digne, les âges hérités (3024 et 2822 Ma) et la présence d’unités gneissiques non datées dans le Misasque suggèrent que les phases précoces du Complexe de Misasque pourraient être antérieures à la mise en place du Pluton de Digne.

Les volcanites de la Formation de Dolent (2751 ±5 Ma, Davis, 2019) et le Complexe de Laguiche reposent en discordance sur le Complexe de Misasque. Finalement, plusieurs phases intrusives néoarchéennes coupent clairement le complexe; il s’agit du Batholite de Macleod, de la Suite de Cadieux, du Pluton de Ribera, de la Suite de Nikos et de la Suite de Wahemen.

 

Paléontologie

Ne s’applique pas.

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

BEAUCHAMP, A.-M. 2019. Géologie et potentiel minéral de la région du lac Cadieux, sous-provinces d’Opatica et d’Opinaca, Eeyou Istchee Baie-James, Canada. MERN. BG 2019-02, 2 plans.

BEAUCHAMP, A M., MASSEI, F., DAOUDENE, Y. 2018. Géologie de la région de l’île Bohier, au contact entre les sous-provinces d’Opatica, d’Opinaca et le bassin d’Otish, au nord de Mistissini, Eeyou Istchee Baie-James, Québec, Canada. MERN. BG 2018-02, 2 plans.

DAVIS, D W. 2019. Rapport sur les datations U-Pb de roches du Québec 2018-2019, projets Lac Cadieux et Lac Watts. UNIVERSITY OF TORONTO. MB 2019-09, 82 pages. 

DAVIS, D W., SUTCLIFFE, C N. 2018. U-Pb Geochronology of Zircon and Monazite by LA-ICPMS in samples from northern Quebec. UNIVERSITY OF TORONTO. MB 2018-18, 54 pages. 

HOCQ, M. 1985. GEOLOGIE DE LA REGION DES LACS CAMPAN ET CADIEUX, TERRITOIRE-DU-NOUVEAU-QUEBEC. MRN. ET 83-05, 190 pages et 4 plans. 

TALLA TAKAM, F., BEAUCHAMP, A.-M., MASSEI, F. (en préparation). Géologie de la région des lacs Léran et Emmanuel. Ministère de l’Énergie et des ressources naturelles, Québec. 

Autres publications

FROST, B.R., BARNES, C.G., COLLINS, W. J.,  ARCULUS, R.J., ELLIS, D.J., FROST, C.D. 2001. A geochemical classification for granitic rocks. Journal of Petrology; volume 42, pages 2033-2048. https://doi.org/10.1093/petrology/42.11.2033

MCDONOUGH, W.F., SUN, S.S. 1995. The composition of the earth. Chemical Geology; volume 120, pages 223-253. https://doi.org/10.1016/0009-2541(94)00140-4

PALME, H., O’NEILL, H.S.C 2004. Cosmochemical estimates of mantle composition. In Treatise on Geochemistry. (Holland, H.D. and Turrekian, K.K. editors), Elsevier, Amsterdam, The Netherlands; volume 2, pages 1-38. https://doi.org/10.1016/B978-0-08-095975-7.00201-1

PEARCE, J.A., HARRIS, N.W., TINDLE, A.G. 1984. Trace element discrimination diagrams for the tectonic interpretation of granitic rocks. Journal of Petrology; 25, pages 956-983. https://doi.org/10.1093/petrology/25.4.956

Citation suggérée

Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). Complexe de Misasque. Lexique stratigraphique du Québec. https://gq.mines.gouv.qc.ca/lexique-stratigraphique/province-du-superieur/pluton-de-misasque [cité le jour mois année].

Collaborateurs

Première publication

Anne-Marie Beauchamp, ing., M. Sc. anne-marie.beauchamp@mern.gouv.qc.ca (rédaction)

Mehdi A. Guemache, géo., Ph. D. (coordination); Mélina Langevin, géo. stag., B. Sc. (lecture critique); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); Céline Dupuis, géo., Ph. D. (version anglaise); Ricardo Escobar Moran et Marie-Ève Lagacée (montage HTML). 

Révision(s)

Anne-Marie Beauchamp, ing., M. Sc. anne-marie.beauchamp@mern.gouv.qc.ca (rédaction)

Mehdi A. Guemache, géo., Ph. D. (coordination); Patrice Roy, géo., M. Sc. (lecture critique); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); Céline Dupuis, géo., Ph. D. (version anglaise); André Tremblay (montage HTML).

 
26 février 2018