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Historique
Le terme « Ashuanipi » a été introduit dans les années 40 par les géologues de la Labrador Mining and Exploration Company qui désignaient sous le terme informel de « Ashuanipi series » les roches anciennes métamorphisées localisées à l’ouest de la Fosse du Labrador, dans le secteur de Schefferville (Frarey et Duffell, 1964). Harrison (1952) a proposé le terme « Ashuanipi Complex » pour désigner ces roches, alors que Frarey (1961) a utilisé le terme « Ashuanipi Group » et Baragar (1967) celui de « Basement Complex ». Par la suite le terme « Complexe d’Ashuanipi » a été abondamment utilisé lors des projets régionaux de cartographie géologique (Fahrig, 1967; Rivers, 1985a et 1985b; Dimroth, 1978; Clark, 1984). Dans leur nouvelle subdivision de la Province du Supérieur, Card et Ciesielski (1986) ont élevé l’Ashuanipi au rang de sous-province en le définissant comme une sous-province gneissique de haut grade métamorphique. Dès lors, le terme « Sous-province d’Ashuanipi » a été accepté au Québec et utilisé par la majorité des auteurs qui y ont réalisé des travaux (Hocq, 1994; Lamothe et al., 1998 et 2000; Chevé et Brouillette, 1995; Gosselin et Simard, 2000; Simard et al., 2008, 2009a et 2009b; Parent, 2011; Guermina et Sawyer, 2003; Morfin et al., 2013 et 2014). Par contre, le terme « Complexe d’Ashuanipi » (Ashuanipi Complex) a été préféré à celui de « Sous-province d’Ashuanipi » au Labrador (James, 1997; van Nostrand et Bradford, 2014) ainsi que dans plusieurs articles scientifiques (Percival, 1987, 1990, 1991a, 1991b, 1993; Percival et Girard, 1988; Percival et al., 1992, 2003; Mortensen et Percival, 1987).
Les premières observations géologiques de la Sous-province d’Ashuanipi ont été réalisées par Low (1896a, 1896b et 1896c) le long de la rivière Caniapiscau. Il a pu identifier le contact entre les gneiss archéens et les roches de la Fosse du Labrador, auxquelles il attribue un âge cambrien (Low, 1896a). Par la suite, deux grandes vagues ont mené à la réalisation de 28 levés géologiques couvrant l’ensemble du territoire de la Sous-province d’Ashuanipi. Les premières campagnes de reconnaissance régionale ont été réalisées par la Commission géologique du Canada durant les années 1950 et 1960. La seconde vague de cartographie a été réalisée en majeure partie par le gouvernement du Québec après 1985, soit au milieu des années 90 avec une cartographie géologique systématique à l’échelle 1/250 000. Ces travaux s’inscrivaient dans le cadre des programmes Moyen Nord et Grand Nord visant à ouvrir de nouveaux territoires à l’exploration minière et à acquérir de nouvelles données géoscientifiques dans les vastes régions méconnues du nord du Québec. Ces programmes de cartographie ont pris fin à l’été 2008.
Les premiers travaux réalisés dans la Sous-province d’Ashuanipi ont permis de définir les grandes divisions lithologiques régionales et de tracer les limites de cette sous-province avec la Fosse du Labrador, à l’est, et la Province de Grenville, au sud-est. Les premières grandes divisions stratigraphiques ont été proposées par Chevé et Brouillette (1995) dans le nord-est de l’Ashuanipi. Ces auteurs ont défini deux grands complexes, le « Complexe de Canyon Eaton » et le « Complexe de Rivière du Sable », deux termes maintenant abandonnés. Les unités de ces deux complexes ont été respectivement réassignées à la Sous-province de La Grande (Simard et al., 2009a) et aux diverses unités de la Sous-province d’Ashuanipi par Simard et al. (2015). Les projets de cartographie géologique au 1/250 000 réalisés par la suite ont mené à la définition de nombreuses unités stratigraphiques dans la Sous-province d’Ashuanipi.
Description
La Sous-province d’Ashuanipi est localisée à l’extrémité orientale de la Province du Supérieur. De forme grossièrement circulaire, elle couvre une superficie de >90 000 km2 et se situe majoritairement sur le territoire québécois et débordant vers l’est, au Labrador. La Sous-province d’Ashuanipi est bordée à l’est par les roches paléoprotérozoïques de la Fosse du Labrador (Sud-est de la Province de Churchill) et au sud-est par la Province de Grenville. À l’intérieur de la Province du Supérieur, la Sous-province d’Ashuanipi est en contact avec les sous-provinces de Minto au nord, de La Grande à l’ouest et au nord-ouest, et d’Opinaca et d’Opatica au sud.
Géologie
La Sous-province d’Ashuanipi est un domaine archéen de haut grade métamorphique constitué d’unités anciennes (<2725 à 2680 Ma) de roche métasédimentaire, de roche volcanique, d’intrusions tonalitiques et granodioritiques et, en moindre proportion, de roches mafiques à ultramafiques. Les unités anciennes sont coupées par des masses volumineuses de diatexite (2680 à 2660 Ma) qui caractérisent la Sous-province d’Ashuanipi. Les diatexites sont le produit de la fusion partielle des unités anciennes, principalement des paragneiss qui constituaient l’assemblage lithologique dominant de cette sous-province avant l’épisode de fusion. Toutes ces unités sont coupées par un cortège d’intrusions plus tardives de granite, de granodiorite et de tonalite (2650 à 2635 Ma) ainsi que par des leucogranites (<2635 Ma), des petites masses de syénite (2625 Ma) et des plutons subcirculaires de granite à fluorine anorogénique (2570 Ma) (Simard et al., 2015).
L’âge de la sédimentation, quoique mal défini, a été évalué à ~2700 Ma d’après l’âge des zircons détritiques les plus jeunes obtenus dans un seul échantillon de paragneiss de la région de Schefferville (Percival et al., 1992). Par contre, Wodicka et al. (2009) ont interprété un âge maximal de 2726 Ma pour la déposition des sédiments du sud de l’Ashuanipi. Dans ce secteur, des roches volcaniques et des intrusions synvolcaniques datées entre ~2709 et 2704 Ma représentent les vestiges d’une activité volcanique bimodale contemporaine à la sédimentation (Parent, 1998). Ces séquences volcaniques renferment plusieurs zones minéralisées de type sulfures volcanogènes. L’âge du volcanisme et du magmatisme associé se compare à certains événements similaires dans la Sous-province d’Opatica et dans la Bande volcanique de la Rivière Eastmain (BVRE) de la Sous-province de La Grande (Simard et al., 2015).
Les roches de la Sous-province d’Ashuanipi ont été affectées par un événement tectonométamorphique granulitique, continu et polyphasé qui a contribué à remodeler la croûte archéenne sur une période de ±70 millions d’années (2700 à 2632 Ma). Cet événement est responsable de la recristallisation et de la fusion partielle des unités anciennes, ce qui a culminé dans la production d’un volume significatif de matériel de fusion à l’origine des grandes unités de diatexite (2680 à 2660 Ma). Les unités granitiques et charnockitiques mises en place subséquemment (2650 à 2625 Ma) correspondraient à des phases fractionnées reliées à ce même événement majeur de fusion régionale (Guernina, 2007). Les paragenèses minérales ou assemblages métamorphiques, soit principalement la présence très répandue de l’orthopyroxène, ainsi que les âges U-Pb indiquent que les conditions du faciès granulitique ont prévalu sur une longue période de temps. Toutefois, certains secteurs dans les parties centrale et nord de l’Ashuanipi présentent des assemblages correspondant au faciès des amphibolites. Des phénomènes thermiques plus tardifs semblent avoir succédé au métamorphisme granulitique régional, comme le suggère la présence de titanite et de monazite datées entre 2620 et 2598 Ma. Finalement, les roches de l’Ashuanipi ont été localement rétrogradées au faciès des schistes verts le long des failles cassantes tardives, et au faciès des amphibolites dans le secteur du Front du Grenville (Simard et al., 2015).
Le grain structural de la partie est de la Province du Supérieur présente deux orientations prédominantes : une orientation E-W reliée aux sous-provinces de La Grande et d’Opinaca, et une orientation NNW-SSE correspondant à la Sous-province de Minto. La Sous-province d’Ashuanipi se situe à la jonction de ces deux tendances structurales majeures. Elle se caractérise par un grain structural dont l’orientation varie considérablement à l’échelle régionale. Le schéma structural de la Sous-province d’Ashuanipi reflète une histoire tectonométamorphique complexe résultant de cinq phases de déformation archéennes : quatre phases ductiles (D1 à D4) et une phase cassante (D5). La complexité de ce schéma structural s’explique en grande partie par la déformation prédominante D2 générée à l’état magmatique et associée étroitement à la mise en place de diatexite (Simard et al., 2015).
Évolution géologique
L’évolution géologique de la Sous-province d’Ashuanipi s’échelonne sur >150 Ma (2725 à 2570 Ma). Son histoire est marquée par plusieurs périodes de croissance crustale, de remodelage, de recyclage et par différentes phases tectonométamorphiques. Les données stratigraphiques, géochronologiques, métamorphiques et structurales permettent de définir quatre grands événements marquants de l’évolution de l’Ashuanipi (Simard et al., 2015).
Le premier événement (2725 à 2680 Ma) comprend la formation d’un ou plusieurs grands bassins sédimentaires où des centres volcaniques isolés se sont développés. Ces roches volcano-sédimentaires ont été coupées par des intrusions tonalitiques et granodioritiques et par de petites intrusions de roches mafiques à ultramafiques.
Toutes ces roches anciennes ont été affectées par un épisode majeur de fusion à un niveau profond de la croûte sous des conditions du faciès granulitique. Ce deuxième événement s’est échelonné sur >70 Ma et a entraîné la fusion partielle d’une bonne partie de la croûte pour former de grandes unités régionales de diatexite (2680 à 2660 Ma). Cette fusion s’est produite dans un environnement tectonique actif favorisant le développement d’une foliation migmatitique soulignant le grain structural régional.
La formation des diatexite a été suivie, au cours du troisième événement, par la mise en place de grandes intrusions régionales de granitoïdes à microstructure porphyroïde et d’intrusions charnockitiques (2650 à 2635 Ma), ainsi que par des intrusions de leucogranites (<2635 Ma) et de petites masses de syénite (<2625 Ma). Toutes ces unités intrusives pourraient correspondre à des produits de fractionnement évolués reliés à la fusion régionale.
Après la stabilisation du craton, un dernier événement magmatique archéen consiste en la mise en place d’un cortège de plutons subcirculaires de granite à fluorine anorogénique (2575 Ma) localisés dans la partie sud-ouest de la Sous-province d’Ashuanipi.
Les parties est et sud-est de la Sous-province d’Ashuanipi ont aussi été affectées par deux événements protérozoïques. Lors de l’Orogenèse du Nouveau-Québec au Paléoprotérozoïque, un système de failles NE-SW s’est développé et a affecté l’est de l’Ashuanipi. Ce système a contrôlé la mise en place des Dykes de diabase de Senneterre (2,2 Ma). La partie sud-est de l’Ashuanipi a été affectée par des failles de chevauchement associées au Front du Grenville correspondant à la limite de l’Orogène grenvillienne au Mésoprotérozoïque (~1,0 Ga).
Références
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