L’échantillon 2014-IL-3108A provient d’une phase relativement homogène d’enderbite grenue et verdâtre qui constitue une portion d’un affleurement plutôt hétérogène. La roche contient également des schlierens de biotite. L’unité échantillonnée pourrait représenter une phase évoluée reliée à la fusion partielle des gneiss tonalitiques à orthopyroxène du Complexe de Sukaliuk, couramment disposés en enclaves dans la roche intrusive. Cette hypothèse est appuyée par le fait que les gneiss du Complexe de Sukaliuk contiennent aussi une phase diffuse plus grossièrement grenue formant des rubans et des amas centimétriques. Cette phase est similaire à l’enderbite de la Suite d’Inuluttalik. Cette unité contient également une phase intrusive de teinte cassonade dont la composition varie de l’enderbite à la charnockite localement.

 

Une sélection des trois types de cristaux a été effectuée pour des datations par la méthode d’ablation laser. Des analyses par dilution isotopique ont également été réalisées à partir de huit fragments de cristaux prismatiques. Les résultats obtenus pour cette méthode présentent des fluctuations importantes. Ainsi, la fourchette des teneurs en uranium varie de faibles (28 ppm U) à très élevées (jusqu’à 1224 ppm U). De même, les rapports Th/U présentent une forte dispersion (0,028 et 0,443). Quant aux âges apparents, ils varient de 1863,3 ±5,2 Ma (un résultat pratiquement concordant) à 2654,5 ±1,4 Ma. Les trois résultats les plus concordants, avec les rapports Th/U parmi les plus faibles, ont été utilisés pour calculer un âge de 1870 ±6 Ma (MSWD = 4,8). Parmi les quarante analyses produites par la méthode d’ablation laser, quinze ont livré des âges ²⁰⁷Pb/²⁰⁶Pb anciens entre 2,00 Ga et 2,79 Ga qui reflètent la présence de zircons d’âge archéen. Les résultats analytiques de 22 prismes ont donné des âges apparents entre 1832 Ma et 1897 Ma avec des précisions de ±17 Ma à ±36 Ma. Ces résultats se situent de part et d’autre de la courbe concordia avec des pourcentages de discordance compris entre 4 % et -4 %, sauf exception. Les données sont distribuées le long d’une droite pour laquelle un calcul de régression linéaire a été effectué en forçant la droite à l’origine. L’intersection supérieure de cette droite correspond à un âge de 1855,8 ±5,4 Ma (MSWD = 0,68, probabilité de coïncidence de 0,90). Cet âge est 7,5 Ma plus jeune que celui déterminé par dilution isotopique, mais peut être considéré comme identique en tenant compte de la marge d’erreur. L’âge représente la meilleure estimation pour l’épisode de fusion partielle associé à la mise en place des enderbites de la Suite d’Inuluttalik.

Les résultats des analyses sont disponibles dans le SIGÉOM et accessibles en cliquant sur ce lien (voir fichiers Excel dans MB201903ADN001.zip).

L’âge de ~1856 Ma est interprété comme celui de la fusion partielle du protolite archéen et de la cristallisation d’une enderbite à grain grossier de la Suite d’Inuluttalik. L’abondance de zircons hérités dont les âges sont compris entre 2,79 Ga et 2,0 Ga reflète l’histoire de cette unité. La Suite d’Inuluttalik se trouve au cœur de l’Orogène des Torngat qui a été maintenu au faciès des granulites durant une période prolongée (Charette, 2016; Godet et al., en préparation). De plus, elle est caractérisée par la présence d’enclaves d’orthogneiss du Complexe de Sukaliuk qui pourraient constituer des radeaux au sein de l’unité de migmatite. L’enderbite datée pourrait ainsi représenter un produit de fusion des roches environnantes ou plus profondes.