L’échantillon provient d’un affleurement de gneiss montrant une alternance centimétrique de rubans de tonalite et de diorite, tous deux à orthopyroxène. Le gneiss est granoblastique et finement grenu. En affleurement, le gneiss renferme aussi des rubans diffus de charnockite ou d’enderbite plus grenue (qui pourrait être reliée à la Suite d’Inuluttalik). Nous avons essayé autant que possible d’exclure ces rubans de l’échantillon, même si leur présence est typique de l’unité. Le Complexe de Sukaliuk se situe à l’est de la Faille de Blumath, qui délimite la zone d’influence de l’Orogène des Torngat, et qui marque le passage du faciès des amphibolites au faciès des granulites.

Dans la partie septentrionale du Complexe de Sukaliuk, un échantillon (2013-MP-0057A) provenant d’une séquence d’orthogneiss à hypersthène de composition tonalitique à dioritique quartzifère contenait plusieurs générations de zircons, dont certains présentaient des âges archéens autour de 2716 Ma et de 2802 Ma, ainsi qu’un âge plus ancien à 3019 Ma (Davis et al., 2018). Deux âges métamorphiques de 1911 Ma et de 1844 Ma ont été également obtenus sur monazite (D1?) et sur zircon (D2?), respectivement (Davis et al., 2018). L’objectif de cette analyse est de dater les âges de cristallisation et de métamorphisme afin de comparer cette unité à celles de gneiss tonalitique à dioritique situées à l’ouest de la Faille de Blumath (Complexe d’Ungava).

Des analyses par dilution isotopique ont été effectuées à partir de deux surcroissances et de quatre fragments de prismes émoussés. Les résultats ont livré des âges ²⁰⁷Pb/²⁰⁶Pb variés : un premier à 2543,9 ±1,7 Ma (discordance de 8 %) et cinq autres distribués entre 2735,0 ±1,7 Ma et 2764,7 ±1,5 Ma (discordance entre 4,4 % et 1,2 %). Les analyses nº 2, 4 et 5 ont été utilisées pour calculer une droite de régression linéaire qui a permis d’établir des intersections inférieure et supérieure à 800 ±100 Ma et 2753,8 ±2,1 Ma (MSWD = 3,0). Une droite « de référence » a été tracée entre l’intersection supérieure de la discordia à 2754 ±2 Ma et le résultat de l’analyse nº 1. L’âge de 1,72 Ga indiqué par l’intersection inférieure de cette droite vient confirmer l’influence d’un évènement métamorphique paléoprotérozoïque. Cinquante analyses ont été réalisées par la méthode d’ablation laser. Seize résultats obtenus à partir de cristaux prismatiques et de surcroissances ont livré des âges apparents qui varient entre 1852 ±26 Ma et 2704 ±22 Ma. L’ensemble de ces résultats permet de calculer les paramètres d’une discordia avec des intersections inférieure et supérieure à 1783 ±25 Ma et 2730 ±25 Ma (MSWD = 3,3). L’âge le plus jeune reflète l’existence d’un évènement thermique tardif d’origine métamorphique ou magmatique. Les résultats provenant de l’analyse de 21 prismes ont donné des âges apparents qui varient entre 2707 ±16 Ma et 2735 ±14 Ma. Une régression linéaire a permis de calculer un âge de 2718,0 ±7,9 Ma (MSWD = 0,39, probabilité de coïncidence de 0,99). Un second âge de 2779 ±13 Ma a été mis en évidence en utilisant les résultats provenant de l’analyse des noyaux incolores. L’âge de ~2754 Ma dérivé des analyses par dilution isotopique est ainsi interprété comme une moyenne des âges archéens. L’âge de 2718,0 ±7,9 Ma représente la meilleure estimation de l’âge du gneiss.

Les résultats d’analyse sont disponibles dans le SIGÉOM et accessibles en cliquant sur ce lien (voir fichiers Excel dans MB201903ADN001.zip).

L’âge de ~2718 Ma est interprété comme celui du protolite et confirme l’âge archéen de l’unité d’orthogneiss tonalitique à hypersthène du Complexe de Sukaliuk (Asuk1; 2897 à 2716 Ma). L’âge paléoprotérozoïque à ~1783 Ma indique des conditions de température élevée à ce moment, ce qui est cohérent avec la phase de refroidissement lente de l’Orogène des Torngat (Godet et al., en préparation).