Géologie des dépôts de surface de la région du lac des Montagnes, Eeyou Istchee Baie-James, Québec, Canada

Projet visant les feuillets 32N01, 32N08, 32O04, 32O05, 32O11, 32O12, 32O13, 32O14
Marc-Antoine Lévesque, Olivier Lamarche
BQ 2022-01
Publié le  
À la UNE

L’Essentiel

La région d’Eeyou Istchee Baie-James a été grandement affectée par les glaciations du Quaternaire qui y ont laissé une épaisse couverture de sédiments meubles. L’utilisation des outils de prospection glaciosédimentaire peut donc contribuer à établir un portrait plus complet du potentiel minéral de cette région, où celui pour le lithium est déjà établi. Une nouvelle carte des formations de surface à l’échelle 1/50 000 ainsi qu’un échantillonnage de sédiments d’origine glaciaire (till) et fluvioglaciaire (esker) a été effectué à l’été 2021 dans une région à proximité de Nemiscau, de part et d’autre de la rivière Rupert. Les sédiments de surface de la région sont principalement constitués de sédiments glaciaires (till), lesquels ont été recouverts, érodés ou remaniés par la mise en place de sédiments fluvioglaciaires qui forment de longs corridors orientés NE-SW de composition principalement sablo-graveleuse. Le terrain est traversé dans un axe NW-SE par la Moraine de Sakami, un complexe morainique majeur représentant une période de stagnation du glacier vers 8,2 ka. Plusieurs moraines de De Geer sont observables dans les zones où la marge a retraité en contact avec un plan d’eau (p. ex. lac Ojibway, mer de Tyrrell). Ces plans d’eau ont remanié ou masqué les sédiments sous-jacents, alors que par endroits, des sédiments littoraux ont été mis en place.

Cadre physiographique

 

Le terrain étudié est accessible par la route du Nord. L’équipe a logé au campement de la Nemiscau, propriété de la Compagnie de construction Cree (CCC), à proximité du poste Nemiscau d’Hydro-Québec.

La zone d’étude est située dans la région physiographique du Bouclier canadien, dans la sous-région de James et dans la division physiographique des basses-terres d’Eastmain (Sanford et Grant, 1977; Bostock, 2014). De façon générale, le relief est plutôt plat, voire légèrement vallonné, et s’incline de manière générale selon une pente douce vers la baie James. L’élévation du terrain varie généralement entre 260 et 340 m et la moyenne avoisine les 300 m. Des collines aplanies par le passage des glaciers surplombent le territoire. Celles-ci sont grossièrement orientées selon un modelé glaciaire vers le sud-ouest (voir section sur l’histoire glaciaire) témoignant du passage de l’Inlandsis laurentidien. Les plus hauts sommets sont atteints de part et d’autre de la rivière Rupert dans l’est du terrain (Reliefs de l’est; feuillets SNRC 32O06, 32O11). Le point le plus élevé de la région est le sommet du mont Kamuhyewanuch et atteint une élévation de 493 mètres. Le point le plus élevé à l’ouest de la Moraine de Sakami atteint 470 mètres mais n’est pas nommé. Les points d’élévations les plus bas sont atteints dans la portion ouest de la vallée de la rivière Rupert.

L’hydrographie de la région est caractérisée par la présence de multiples lacs et rivières. La rivière Rupert traverse la région d’est en ouest (feuillets 32N08, 32O05, 32O06, 32O11, 32O12) et est l’exutoire naturel du secteur sud. La rivière Nemiscau est parallèle à celle-ci et draine la portion nord de la région étudiée, avant de rejoindre la Rupert un peu plus à l’ouest hors des limites du terrain. Les rivières Nemiscau et Lemare suivent une orientation grossièrement sud-ouest, influencée par la morphologie de la couverture sédimentaire et sont deux affluents de la rivière Rupert. Dans la portion est de la région, l’endiguement pour la mise en place du bief Rupert a ennoyé une partie du territoire. Ce bief dévie une partie des flots des rivières Rupert et Nemiscau vers le réservoir Eastmain 1.

 

 

Méthode de travail

La région a été cartographiée en utilisant la méthode établie pour les levés du Quaternaire effectués dans les milieux isolés avec accès routiers. Les travaux de cartographie et d’échantillonnage ont été réalisés par une équipe de deux géologues et de deux étudiants entre le 27 mai et le 12 août 2021. À la suite de ces travaux, les dépôts de surface ont été cartographiés à l’aide de photographies aériennes noir et blanc à l’échelle 1/40 000, et l’étude de la dynamique glaciaire a été complétée. L’analyse des échantillons a été effectuée en laboratoire par un contractant en suivant la méthodologie pour l’analyse de sédiments de surface. Les résultats bruts seront publiés en 2022 et l’analyse de ces résultats sera réalisée à l’automne 2022.

 

Données et analyses

Élément Nombre
Site d’observation du Quaternaire 408
Site de marque d’érosion glaciaire 114
Marque d’érosion glaciaire 226
Échantillon de till (10 kg et 1 kg) 259
Échantillon d’esker (15 kg) 40
Analyse granulométrique 259
Analyse géochimique de la matrice fine des tills 259 et 8 duplicatas
Analyse des minéraux indicateurs 299
Analyse géochronologique
Zone favorable

 

 

Travaux antérieurs

Le tableau ci-dessous présente une liste des travaux concernant la géologie du Quaternaire dans le secteur à l’étude depuis 1976. Il inclut aussi certaines références citées dans le rapport. Une liste plus exhaustive comprenant les travaux traitant de la géologie du roc peut être trouvée dans la base de données documentaire de Sigéom EXAMINE.

Travaux antérieurs dans la région d’étude

Auteur(s) Type de travaux Contribution

Gleeson, 1976

SDBJ, 1976

Levé géochimique de sédiments de fond de lac Levé géochimique de sédiments de fond de lac dans la région de la Baie-James

Dubé, 1978

Bandyayera et Daoudene, 2018

Bandyayera et Caron-Côté, 2019

Pedreira-Perez et al., 2020

Cartographie régionale du socle rocheux Cartographie régionale et descriptions stratigraphiques, structurales et géochimiques des formations géologiques

Hardy, 1982

Études thématiques sur la Moraine de Sakami Étude sur les causes et les implications paléoclimatiques et glaciodynamiques de la stagnation ayant mené à la formation de la Moraine de Sakami
Flon, 1983 Compilation géotechnique Étude des dépôts des régions minières du Nord-Ouest québécois, principalement des dépôts granulaires, des dépôts d’argiles lacustres, du rôle de l’eau, du comportement des argiles varvées; analyse de l’impact de ces variables sur l’exploitation minière

Veillette et Pomares, 1991

Paradis et Boisvert, 1995

Veillette, 1995
Veillette et al., 1999

Étude thématique des écoulements glaciaires

Modèles d’écoulement glaciaire à grande échelle pour la dernière glaciation à partir de marques d’érosion glaciaire observées lors de levés, de marques d’érosion compilées et du transport glaciaire de blocs erratiques distinctifs

de Corta, 2008 Étude thématique Comptes pétrographiques et granulométrie des sédiments de la Moraine de Sakami, de Radisson à Chibougamau

Caron et Charbonneau, 2006a

Caron et Charbonneau, 2006b

Charbonneau, 2007a

Charbonneau, 2007b

Travaux d’exploration Campagnes d’échantillonnage du till pour le compte de grains d’or et/ou la géochimie de la fraction lourde, à l’échelle de propriétés d’exploration

Lamarche et Dubé-Loubert, 2017

Lamarche et al., 2018

Hébert et Lamarche, 2020

Levés du Quaternaire

Cartographie des dépôts de surface réalisée par photo-interprétation et validation sur le terrain; dynamique glaciaire et échantillonnage du till et des eskers; géochimie de la fraction fine du till; comptes de minéraux lourds.

Ces projets sont similaires au présent projet mais dans des terrains adjacents.

Zones morphosédimentaires

Ce bulletin présente la cartographie à une échelle 1/50 000 des formations de surface de la région d’étude. Ces dépôts ainsi que les morphologies de surface observées sur le territoire ont été essentiellement mis en place lors de la dernière glaciation. L’épaisseur moyenne de la couverture de sédiments sur le terrain estimée à partir des données de forage est de ~3,7 m. La région est caractérisée par une couverture de till importante ainsi que par de nombreux corridors fluvioglaciaires (eskers et épandages proglaciaires) suivant un axe NE-SW. La légende utilisée pour la cartographie est disponible en ligne.

Substrat rocheux

La région d’étude se trouve dans le sud-est de la Province du Supérieur et comprend les sous-provinces de La Grande (partie septentrionale) et d’Opatica (partie australe), qui sont coupées dans un axe NE-SW par la Sous-province de Nemiscau. La version la plus à jour de la cartographie du substrat rocheux menée par le Ministère est présentée dans les Bulletins géologiQUEs des régions du lac des Montagnes (Bandyayera et Caron-Côté, 2019) et du lac Champion (Bandyayera et Daoudene, 2018). Le roc affleure très peu (0,3 %) dans la région, principalement sur les sommets locaux ou dans certains corridors de drainage, où le sédiment a été lessivé.

Sédiments glaciaires

Les sédiments glaciaires (till) recouvrent la majorité du territoire (65 %). Leur épaisseur varie spatialement en fonction du relief du roc sous-jacent. L’épaisseur moyenne du till, déduite à partir des forages, est de 3,2 m, avec un maximum de presque 20 m. Le till s’amincit (Tm; <1 m) vers les sommets topographiques. La matrice du till est typiquement silto-sableuse et de couleur gris-brun. Le till en couverture continue (Tc; 41 %), généralement sans morphologie dominante associée, est le plus abondant des types de dépôts de surface cartographiés dans la région. Il présente localement des morphologies telles que des traînées morainiques fuselées dans le sens de l’écoulement glaciaire. Finalement, en bordure des couloirs fluvioglaciaires, il est typiquement délavé par l’eau de fonte (Td; 13 %).

Des champs de bloc ponctuels représentent probablement des reliques de la décrépitude de la marge dans les derniers moments de la déglaciation. Une mince couche de till d’ablation, non cartographiée, a probablement drapé le territoire à certains endroits au cours de la déglaciation, laissant un till sableux et lâche avec des blocs en surface. Ce phénomène est particulièrement observable dans la partie NE du terrain d’étude (feuillet 32O14), où la surface est jonchée de nombreux blocs.

Certaines morphologies associées aux processus glaciaires ont été cartographiées à l’aide de catégories spécifiques : till fuselé (Ts), côtelé (To), bosselé (Tb) ainsi que celui mentionné ci-haut, délavé (Td).

Till fuselé

L’unité de till fuselé (2,4 % du territoire) fait référence aux secteurs montrant une forte densité de formes fuselées, lesquelles sont généralement très allongées et bien définies. Le faciès de fond est typique de cette unité. On observe un faciès d’ablation en surface, marqué par la présence de blocs délestés. L’orientation moyenne des différentes morphologies associées à ce type de till (drumlinoïdes, drumlins, traînées morainiques derrière abri et drumlins rocheux) est de 223°.

 

Traînées morainiques fuselées ou drumlinoïdes

Les traînées morainiques fuselées (TMD; 2729 entités cartographiées; longueur moyenne de 600 m) sont présentes de façon assez uniforme sur le territoire, mais sont légèrement plus abondantes dans les secteurs au relief plus prononcé, c’est-à-dire à l’est-nord-est de la rivière Rupert. Les traînées morainiques fuselées sont rares sous la limite d’extension marine maximale de la mer de Tyrrell ainsi qu’aux abords de la rivière Rupert. Ces formes sont produites par l’écoulement glaciaire pendant ou après la mise en place du till. Un nombre de 136 traînées morainiques derrière abri (crag & tail; TMF; 1200 m de longueur) ont également été tracées. Le sens d’écoulement moyen indiqué par les formes est de 230°.

 

Till côtelé

 Dix zones de till côtelé et 96 moraines de Rogen ont été répertoriées sur le territoire. Ces champs se trouvent généralement en alternance spatiale avec des zones de till fuselé. Ils sont présents principalement dans les secteurs les plus au nord du terrain d’étude (feuillets 32O13 et 32O14). Les champs de till côtelé sont de dimensions similaires, contenant entre 4 à 10 crêtes, dont les longueurs varient de 150 m à 1 km.

 

Till délavé

 Le till délavé représente 13,4 % du territoire et fait référence aux secteurs où le sédiment a été délavé par l’eau de fonte. Il est généralement observé aux abords des couloirs fluvioglaciaires et des dépressions topographiques. La surface est généralement caractérisée par la présence de chenaux de toutes sortes. Typiquement, la texture en photo-interprétation est plus granuleuse (moins lisse qu’un till de fond) et indique un ruissellement plus ou moins superficiel selon les secteurs. Les particules fines sont délavées en surface, laissant un diamicton sableux et lâche. Les terrains scarifiés par des chenaux juxtaglaciaires ou proglaciaires sont également inclus dans cette unité.

 

 

Sédiments fluvioglaciaires

Le terrain d’étude est aussi recouvert partiellement par des sédiments fluvioglaciaires déposés par l’eau de fonte du glacier. Ces dépôts sont particulièrement concentrés dans des couloirs dont l’axe d’orientation est NE-SW. Ils comprennent principalement des sédiments juxtaglaciaires et proglaciaires. Ces derniers sont majoritairement des sédiments d’épandages subaériens; cependant, lorsque déposés sous la limite marine, ils montrent un faciès subaquatique.

Sédiments juxtaglaciaires

Les sédiments juxtaglaciaires (Gx) sont des sédiments qui ont été mis en place au contact de la marge glaciaire et qui s’observent dans des corridors fluvioglaciaires alimentés par des tunnels sous-glaciaires. Ils sont composés de sable, de gravier et de cailloux ainsi que de blocs arrondis à subanguleux imbriqués par endroits, présentant typiquement des stratifications horizontales et obliques. Ils forment des eskers, des kames ou des deltas juxtaglaciaires. Les zones couvertes par des sédiments juxtaglaciaires montrent une surface généralement bosselée et ondulante et forment des crêtes sinueuses (eskers) ainsi que de petits monticules (kames). Sept de ces corridors traversent le terrain d’étude suivant un axe quasi parallèle à l’écoulement glaciaire, soit grossièrement NE-SW. L’espacement latéral moyen entre ces couloirs oscille entre 5 et 10 km. Ils dessinent un patron de drainage dans lequel les couloirs se rapprochent progressivement et se combinent vers l’aval glaciaire.

Complexes d’eskers

BQ 2022-01 – Lac des MontagnesLes eskers sont les principaux éléments morphologiques des corridors fluvioglaciaires mentionnés ci-haut. Ceux-ci prennent la forme de cordons sinueux dont certains mesurent jusqu’à 60 km de longueur, 20 m de hauteur et 50 m de largeur. De façon générale, une seule crête domine un corridor fluvioglaciaire, alors que dans certains couloirs, on peut en observer plusieurs qui se croisent et s’alimentent. Les cordons d’eskers sont normalement bordés par des kettles et plus rarement par des kames.

Les eskers sont observables presque exclusivement au NE de la Moraine de Sakami. Les quelques segments d’esker visibles au SW sont fortement remaniés et partiellement recouverts de sédiments glaciolacustres ou glaciomarins. Plus loin à l’ouest, les eskers ne sont plus visibles (Lamarche et Dubé-Loubert, 2017; Lamarche et al., 2018).

Il est typique d’observer des eskers formant des épandages proglaciaires, notamment dans les secteurs où la marge a été stagnante. Ce phénomène est observable au contact des eskers et de la Moraine de Sakami, et ponctuellement aux limites d’extension de la mer de Tyrrell. Ces épandages se mettent en place en continu au fur et à mesure du recul de la marge glaciaire et constituent généralement une « zone tampon » cartographique autour des eskers.

Crêtes morainiques mineures

Un total de 516 crêtes morainiques mineures ont été cartographiées sur le terrain d’étude. En imagerie aérienne, elles s’observent sous forme de petites crêtes topographiques. Elles sont composées de matériel glaciaire et/ou fluvioglaciaire mis en place au contact de la marge. Ces formes sont présentes presque partout sur le territoire cartographié, mais sont pratiquement invisibles au SW de la Moraine de Sakami, car le couvert sédimentaire associé au lac Ojibway masque les morphologies antérieures. La direction moyenne de ces formes varie de 145° à 325°.

Crêtes morainiques majeures

Au total, 51 segments de crêtes morainiques majeures ont été identifiés sur le terrain d’étude. Elles sont de composition similaire aux crêtes morainiques mineures et ont sensiblement la même forme que ces dernières, mais sont notablement plus imposantes (>2 m de haut et minimalement d’échelle hectométrique en longueur). De plus, la corrélation entre les différents segments s’effectue plus aisément. Dans le processus de cartographie, la différenciation entre les crêtes mineures et majeures est déterminée arbitrairement, mais la continuité latérale des formes est le critère majeur, bien avant la taille absolue de la morphologie. Tous les segments identifiés dans le présent projet sont associés à la Moraine de Sakami ou à des segments périphériques à celle-ci.

Moraine frontale de Sakami

La Moraine de Sakami a été tracée de manière quasi continue pour sa section incluse dans la zone d’étude. De Nemiscau à la rivière Rupert, la moraine prend la forme d’une simple crête bien définie et presque ininterrompue, mesurant quelques mètres de hauteur et quelques dizaines de mètres de largeur. Son parcours général s’inscrit dans un grand arc de cercle de la baie d’Hudson aux environs de Chibougamau. De manière plus détaillée, le parcours est ondulant, décrivant de petits lobes glaciaires entre chaque corridor fluvioglaciaire. Les segments morainiques les plus imposants se trouvent tout juste au nord de la rivière Rupert et forment un important complexe fluvioglaciaire. Entre la rivière Rupert et les segments retrouvés à l’extrémité SE du secteur cartographié, le tracé de la moraine est beaucoup plus incertain. De multiples segments morainiques semblent décrire une succession de lobes pouvant correspondre soit à un recul saccadé de la marge, soit à une zone marquée par une crue glaciaire, contemporaine à la mise en place des segments adjacents, qui eux sont parfaitement définis. 

Aux endroits où la Moraine de Sakami rencontre des corridors fluvioglaciaires, on observe typiquement des sédiments d’épandage (subaquatiques ou subaériens), ou des constructions deltaïques, dépendamment avec quel plan d’eau la marge était en contact à ce moment.

 

Sédiments d’épandage

   Les sédiments d’épandage correspondent à 7 % de la zone cartographiée. On en distingue deux catégories selon leur mode de mise en place subaérien ou subaquatique. Dans tous les cas, ces sédiments sont issus de l’accumulation de particules (gravier, sable, sable fin) associées aux eskers.

Les sédiments d’épandage subaquatique (glaciolacustres) sur le territoire se trouvent au sud-ouest de la Moraine de Sakami et correspondent aux sédiments mis en place par l’eau de fonte acheminée par les eskers débouchant dans le lac Ojibway, et dont la colonne d’eau mesurait >100 m (différence entre la limite glaciolacustre observée et l’élévation du territoire; cf. Veillette, 1994). Ceci forme des monticules ou des nappes de sédiments à pente douce dont la granulométrie moyenne diminue typiquement vers l’aval glaciaire.

L’épandage subaérien est plus typique des hauts plateaux, où la marge recède en contexte continental. Ces sédiments correspondent à des plaines chenalisées qui comblent les bas-reliefs du territoire. L’environnement de dépôt correspond à des rivières anastomosées saturées en particules sédimentaires.

Des épandages subaquatiques s’apparentant à des deltas glaciomarins juxtaglaciaires se sont développés aux abords de la Moraine de Sakami. Ces constructions forment des monticules sablo-graveleux dont la limite amont est typiquement abrupte et correspond à la position de la marge glaciaire. À la différence des deltas à proprement parler, ces constructions ne marquent pas nécessairement l’élévation de la paléosurface du plan d’eau étant donné que leur mode de mise en place est sous-marin. Dans un contexte où la tranche d’eau est faible, il est possible qu’ils constituent des deltas juxtaglaciaires marquant l’élévation d’un plan d’eau, exhibant alors une surface plane se terminant de manière abrupte autant en aval qu’en amont. On observe en ces endroits des constructions s’apparentant à des deltas, mais dont la source en sédiments est un esker. Lors de la mise en place, la construction sédimentaire s’appuie sur la marge glaciaire. Il est donc commun d’observer des failles normales dans ce type de sédiments (voir Sédiments deltaïques).

 

Sédiments glaciolacustres

Le lac Ojibway a laissé peu d’évidences à même le territoire étudié. Les sédiments d’eau profonde typiquement observés dans le nord de l’Abitibi et vers la baie James sont absents de la zone. Des moraines de De Geer, des épandages subaquatiques et des limites de délavage sont les vestiges de l’existence de ce lac dans le secteur à l’étude.

Limite glaciolacustre

La limite lacustre a été observée à un seul endroit (coordonnées UTM : zone18U, 449412 m E, 5693027 m N) dans le secteur étudié, sur le seul relief dans l’aire d’ennoiement du lac Ojibway qui atteint l’élévation nécessaire. La limite de délavage est située à 456 m d’élévation selon le modèle numérique d’élévation du Canada (MNEHR; extraction avec l’outil Extraction de valeurs multiples vers des points d’ArcGIS).
 

 

Moraines de De Geer

 Un total de 1944 segments de moraines de De Geer ont été cartographiées sur le territoire. Ces moraines se trouvent entièrement dans l’aire d’ennoiement du lac Ojibway, dans la partie SW du territoire. Ces moraines semblent se former sur le pourtour des bas-reliefs. Les plateaux sont normalement dépourvus de ces moraines, de même que le fond des vallées, occupées par les sédiments fluvioglaciaires, alluviaux et organiques. Les moraines de De Geer sont orientées parallèles à la marge glaciaire dans un axe NW-SE (126° à 306°). Les segments visibles mesurent typiquement entre 100 et 250 m de longueur et sont espacés l’un de l’autre de 75 à 120 m. Puisqu’un facteur de saisonnalité est intrinsèquement lié à la mise en place de ces moraines et que chaque hiver est différent, certaines moraines de De Geer semblent effacées ou moins développées que leurs voisines. À ce titre, aucune série de moraines de De Geer cartographiée sur le territoire ne nous semblait satisfaisante pour évaluer un taux de retrait annuel de la marge glaciaire. Des séries d’une dizaine de moraines ont bel et bien été identifiées, mais dans chaque cas, certaines s’avéraient peu développées ou mal préservées, ajoutant une incertitude à la méthode.

Deltas glaciolacustres

 La recherche de deltas juxtaglaciaires d’origine glaciomarine dans le secteur de la rivière Rupert a mené à l’identification de plateaux sédimentaires dont l’élévation est supérieure aux autres constructions sédimentaires, témoignant du niveau maximal glaciomarin.

Deux constructions sédimentaires interprétées comme des deltas (morphologie adossée à la Moraine de Sakami, surface plane et rupture de pente abrupte à l’aval) ont été identifiées à des élévations se situant entre 290 et 300 m. Ces constructions seraient donc d’au moins 20 m plus hautes que la limite marine maximale théorique, qui semble atteindre ~270 m dans ce secteur. Leur considération en tant que deltas glaciomarins dans les modèles de paléosurface engendre des incongruités et s’avère inconciliable avec les autres observations de terrain, et ce, pour tout le pourtour du bassin (même en tenant compte du taux de gauchissement régional).

Puisque ceux-ci se sont développés tout juste en aval de la Moraine de Sakami, et compte tenu de leur élévation, il est possible qu’ils se soient formés dans un niveau tardif du lac Ojibway. Bien que cette hypothèse ne soit appuyée que par notre interprétation de la morphologie des dépôts, elle semble cohérente avec l’idée suggérant une vidange associée à plus d’un évènement de drainage, plutôt qu’à un seul et unique épisode (Ellison et al., 2006; Hillaire-Marcel et al., 2008; Roy et al., 2011). Il pourrait également s’agir de sédiments d’épandage subaquatique, mais les caractéristiques morphologiques de ces constructions sont presque sans équivoque et représentent les deltas les mieux définis sur le territoire.

Le fait qu’on trouve ces deltas aux abords de la rivière Rupert est possiblement attribuable au fait que la dépression naturelle de la vallée favorisait l’accumulation sédimentaire en raison de l’espace d’accommodation plus importante. Des vérifications s’imposent dans les autres grandes vallées au nord (Eastmain et La Grande) pour vérifier si de telles constructions y sont également observables.

Une autre occurrence d’un tel delta a été observée, mais de taille plus modeste, tout juste au nord du lac des Montagnes. L’élévation de ce delta n’a pas été mesurée in situ (estimée entre 290 et 295 m avec le MNEHR).

Sédiments glaciomarins

Deltas et deltas juxtaglaciaires

Les deltas maximaux de la mer de Tyrrell ont été recherchés le long de la Moraine de Sakami à toutes les intersections avec d’importances sources fluvioglaciaires. La recherche s’est étendue à l’extérieur de la zone étudiée, jusque dans les feuillets à l’ouest de la zone d’étude (feuillets 32N09 et 32N16).

Comme indiqué dans le tableau ci-dessous, certains de ces dépôts sont des deltas, alors que d’autres sont des deltas juxtaglaciaires. Lorsque les eskers débouchent directement dans la mer, les deltas se confondent facilement avec les épandages subaquatiques qui les ont précédées (mises en place dans le lac Ojibway) et avec les épandages subaériens qui leur succèdent si le contexte topographique s’y prête. Le site 2 est un bon exemple de ce type de contexte, observé à quelques endroits.

Site Estant Nordant Élévation (m) Genèse Image 1 Image 2
1 412545 5754064 280 Delta juxtaglaciaire avec rupture de pente abrupte à l’aval (et à l’amont). La limite marine est sur le pourtour de la vallée locale, donc la colonne d’eau est relativement faible. Nous jugeons que cette construction marque le niveau marin maximal.
2 421447 5740263 273-280 Surface légèrement inclinée. Plusieurs mesures en différents sites. La limite entre l’épandage subaquatique et le delta glaciomarin n’est pas très claire.
3 422698 5737427 277 Delta adossé à la Sakami. Surface très plane et rupture de pente abrupte à l’aval.
4 428422 5728036 268 Delta dont la source est un esker se déposant en contexte subaérien. L’eau de fonte ruisselle ensuite jusqu’à la mer.
5 430669

5724727

266-271 Le delta a été aménagé en site d’enfouissement. Un des derniers replats non aménagés est situé à 266 m, ce qui constitue une limite inférieure pour le niveau marin maximal en cet endroit.
6 432707 5719464

Non mesuré;

MNEHR = 269 à 280 m

Delta non visité, mais celui-ci présente une forme triangulaire caractéristique et un contexte de mise en place très clair.

Sédiments littoraux

  L’action des vagues au pourtour du bassin de la mer de Tyrrell a remanié les sédiments préexistants, laissant sur place un till remanié dont la matrice est lessivée de ses particules fines, ou en certains endroits, de grandes plaines littorales sur les accumulations sableuses. Des crêtes de plage sont observables par endroits sur ces pénéplaines.
 

 

Limite marine, paléosurface et gauchissement isostatique

Des morphologies associées à la Moraine de Sakami ont été revisitées dans le territoire du RP 2018‑05 (Lamarche et al., 2018). Ces sites correspondent soit à des épandages subaquatiques déposés en eau peu profonde (géofiche 21ML164*) ou à des deltas marins interprétés comme maximaux du fait de leur proximité avec la Moraine de Sakami. Quatre sites interprétés comme maximaux ont pu être mesurés au DGPS (entre 268 et 280 m). Des sites présentés par Craig (1968) et Hardy (1976) ont également été ajoutés à ces nouveaux points afin d’estimer une paléosurface. Le gauchissement isostatique calculé à l’aide de l’outil Tendance (ArcGIS) est de 45 cm/km montant vers le NE (32°), pratiquement la même valeur utilisée par Lamarche et al. (2018; 43 cm/km).

La limite marine a été tracée sur le territoire d’étude sur la base des évidences de terrain. Les plaines littorales, les deltas et les limites de délavage ou remaniement ont été utilisés pour fixer celle-ci. La région de Nemaska correspond à un secteur particulier au Nouveau-Québec car c’est l’endroit où se croisent la limite d’invasion marine de Tyrrell et la position de la Moraine de Sakami. Au nord de Nemaska, la marge glaciaire associée à la position de la Moraine de Sakami était en contact avec la mer. Plus au sud, la mer était contrainte par la topographie régionale. Un secteur de transition existe entre ces deux cas de figure, et les cartes du RP 2018‑05 (Lamarche et al., 2018) et celles du présent rapport couvrent presque entièrement ce secteur.

La paléosurface décrite ci-haut a permis de conscrire avec une bonne précision les secteurs ennoyés par la mer de Tyrrell, surtout pour le feuillet 32O, où les évidences de terrain concordaient avec le modèle. Le plan défini ne permettait pas d’estimer avec exactitude les zones ennoyées dans le feuillet 32N. Les données cartographiques de terrain ont conséquemment primé pour le traçage de la limite marine dans ce secteur.

Sédiments postglaciaires

Sédiments alluviaux et lacustres

 Depuis l’Holocène et le retrait de l’Inlandsis laurentidien, les sédiments en place ont été remaniés et transportés par les processus fluviatiles, éoliens et gravitaires. Des alluvions (At; 0,7 %) et des alluvions actuels (Ap; 0,9 %, incluant les rivières actuelles) se déposent dans les principales vallées du secteur, notamment dans les secteurs des rivières Rupert, Lemare et Nemiscau, où des chenaux se sont développés et ont méandré pour former des plaines alluviales. Des chenaux fluviatiles abandonnés et des barres alluviales témoignent de la migration des chenaux dans la plaine alluviale.

 

Des sédiments lacustres (L; 14 %, incluant les lacs actuels) récents ont été déposés dans les bassins lacustres actuels. Des deltas et des plages associés à ces lacs sont aussi observables. Certains secteurs anciennement libres d’eau et récemment endigués ont été soumis à des processus lacustres de déposition/érosion très récents. Ces secteurs ont pu être été cartographiés car l’imagerie aérienne utilisée pour la cartographie prédate l’ennoiement du secteur.

Sédiments éoliens

 Des sédiments éoliens (Ed; <0,1 %) reconnaissables en photo-interprétation par leur morphologie et leur teinte pâle, ont été observés dans deux zones ponctuelles à proximité de la rivière Rupert (voir figure). La présence de ces sédiments résulte du remaniement éolien de dépôts littoraux, alluviaux et d’épandages subaquatiques dépourvus de végétation, qui ont récemment été exondés par la mer de Tyrrell en récession et/ou par le relèvement isostatique.
 

 

Stratigraphie

Aucune coupe stratigraphique montrant des évènements antérieurs à la dernière glaciation n’a été observée sur le terrain d’étude.

Histoire glaciaire

L’histoire de la dernière glaciation est reflétée à travers les sédiments meubles déposés au cours du dernier épisode glaciaire, mais également par les marques d’érosion glaciaire laissées sur le territoire étudié.

Dynamique glaciaire

Marques d’érosion glaciaire

La recherche d’anomalies minérales par prospection glaciosédimentaire implique une bonne connaissance de l’histoire glaciaire de la région. Un recensement systématique des marques d’érosion glaciaire a donc été effectué au cours du levé. Les travaux antérieurs menés dans la région cartographiée montrent une orientation du mouvement dominant vers 220° à 230° (Paradis et Boisvert, 1995). Un mouvement ancien vers l’ouest-nord-ouest, dont les marques d’érosion glaciaire sont orientées vers 290° à 310°, est connu et documenté dans le secteur (Veillette et Pomares, 1991; Paradis et Boisvert, 1995; Veillette,1995; Veillette et al., 1999).

Mouvement principal observé

    Au total, 226 marques d’érosion glaciaire ont été mesurées dans le secteur. Celles-ci sont principalement des microformes (stries, cannelures, broutures concaves et convexes) ainsi que des mésoformes, principalement des roches moutonnées. Une très forte proportion de la géologie régionale est composée de différents granitoïdes (granite, granodiorite, tonalite) ainsi que des gneiss et des roches métasédimentaires. Ces roches à grain grossier enregistrent mal les marques d’érosion glaciaire car elles sont facilement altérées chimiquement. Les stries qu’on y trouve sont normalement centimétriques et confinées sur de minces veinules dont le poli a été préservé. Quelques affleurements granitiques montrent tout de même un poli glaciaire de qualité, comme c’est le cas avec les roches volcaniques à grain fin. Les principaux sites où ces marques ont été observées sont : au sommet des collines, sous les lignes électriques, aux abords de la route du Nord et aux abords des différentes rivières, notamment la rivière Rupert. Typiquement, une polarité est attribuée selon la présence de formes témoignant d’un sens d’écoulement (p. ex. roches moutonnées, traînées morainiques fuselées, broutures).

Le mouvement dominant est le plus récent (mouvement 4) dans la région et est orienté vers le SW (224°). Cette orientation est une moyenne des stries observées associées à ce mouvement. Celles-ci varient entre 214° et 235°. Ce mouvement ne varie pas spatialement dans la zone étudiée et est cohérent avec les travaux antérieurs effectués dans la région (Veillette et Pomares, 1991; Paradis et Boisvert, 1995; Veillette,1995; Veillette et al., 1999). Les formes macroscopiques, notamment les drumlinoïdes et les crag & tails (227°; n = 2729) concordent également avec les marques microscopiques associées au mouvement dominant. Ce mouvement correspondrait à la phase de déglaciation de l’Inlandsis laurentidien (Paradis et Boisvert, 1995).

Chronologie de l’écoulement glaciaire

Le mouvement (mouvement 1) le plus ancien recensé sur la zone d’étude est grossièrement orienté vers le NW (310°; n = 17) et montre un éventail de stries, cannelures et broutures s’orientant entre 270° et 320°. Les marques d’érosion glaciaire associées à ce mouvement sur notre terrain sont majoritairement observées sur des faces protégées, couramment biseautées et sur la face aval d’affleurements striés ou profilés vers le SW. Les vestiges d’un tel mouvement appuient l’idée suggérant la croissance et l’expansion de l’Inlandsis laurentidien au Wisconsinien précoce selon une ligne de partage orientée NE-SW, laquelle est située entre l’Abitibi et le réservoir Caniapiscau (Bouchard et Martineau, 1985; Veillette et Pomares, 1991; Paradis et Boisvert, 1995; Veillette et al., 1999). Les stries orientées vers le NW seraient donc relativement synchrones à un l’écoulement SE reconnu dans les secteurs de Chapais (Paradis et Boisvert, 1995) et de Chibougamau (Bouchard et Martineau, 1985). Par la suite, l’écoulement glaciaire aurait progressivement subi une rotation antihoraire en lien avec la migration du centre de dispersion et, éventuellement, mené à l’écoulement prédominant final dont l’orientation est vers le SW (Veillette et al., 1999). Cette rotation antihoraire expliquerait le large éventail de stries observées sur le terrain, dont les orientations varient du NW au SW.

Le mouvement WSW (242°; n = 30; mouvement 2) est rarement observé en recoupement (2 sites) avec d’autres mouvements, mais partout où il a été observé, ses stries sont coupées par des stries plus récentes du mouvement (4) vers 224°, ce qui est conséquent avec le concept d’une rotation antihoraire de la direction de l’écoulement glaciaire.

Un mouvement vers le SSW (205°, n = 30; mouvement 3) a été recensé sur le territoire sur 23 sites, dont sept montraient des relations de recoupement avec le mouvement 4 (dominant). Dans la majorité de ces cas, le mouvement 4 coupe le mouvement 3. Cet écoulement glaciaire, orienté à ~20° vers le sud par rapport au mouvement régional, a également été observé dans les secteurs adjacents (Lamarche et Dubé-Loubert, 2017; Lamarche et al., 2018; Hébert et Lamarche, 2020), où son origine a été interprétée différemment d’une publication à l’autre en fonction des données récoltées sur le terrain. Initialement considéré comme un mouvement occasionné par un appel de glace vers le courant de glace de la baie James (Veillette, 1997), la relative rareté des stries orientées vers le SSW ainsi que la majorité des recoupements semblent indiquer que ce mouvement précède le mouvement régional. Il n’y a pas de relation spatiale entre l’emplacement des recoupements et la séquence d’écoulement, ce qui porte à croire que le mouvement 3 a occupé tout le territoire. Ce mouvement pourrait ainsi être associé au maximum glaciaire.

 

Orientation des formes fuselées

Voir section Till fuselé.

Déglaciation de la région

Lac Ojibway

Le lac Ojibway (Coleman, 1909; Vincent et Hardy, 1977; 1979) a ennoyé tout le territoire situé au SW de la Moraine de Sakami. La limite supérieure du lac atteint approximativement 450 à 460 m de manière relativement stable dans le secteur entre Matagami et Nemaska (Veillette, 1994). Ceci est une pure coïncidence causée par un taux de relèvement en synchronisme avec le recul de la marge. Les différentes limites lacustres observées, notamment dans les régions des rivières Broadback et Rupert (Veillette, 1994; Hébert et Lamarche, 2020), sont toutes aux alentours de 455 m, mais appartiennent couramment à des phases différentes du lac. Outre les plages, les plages de blocs et les limites de délavage, le lac Ojibway a permis la mise en place d’une grande quantité de moraines de De Geer sur un imposant territoire, de Chibougamau à Radisson.

Des études antérieures (Hillaire-Marcel et al., 1981; Hardy, 1982) ont identifié avec justesse la position de la Moraine de Sakami en tant que marqueur chronologique du drainage du lac Ojibway vers 8,2 ka (Barber et al., 1999; Ullman et al., 2016) et, du même coup, de l’invasion marine de Tyrrell.

Le drainage s’est probablement effectué en plusieurs étapes, comme indiqué par les enregistrements sédimentaires (Roy et al., 2011; Godbout et al., 2019). Bien que des travaux récents visent à identifier les bas niveaux du lac en Abitibi (Roy et al., 2015; Godbout et al., 2020), l’espace d’accommodation dans le secteur de Nemiscau est beaucoup plus grand, de l’ordre de 170 m entre les niveaux maximaux lacustres et marins. D’un point de vue purement géométrique, de très bas niveaux du lac Ojibway pourraient donc y être observés, lesquels seraient entièrement contraints par le relief abitibien au sud et la glace au nord. De nature éphémère, ces bas niveaux lacustres auraient laissé des évidences fragmentaires seulement aux endroits où l’accumulation sédimentaire était la plus rapide, comme aux abords de la rivière Rupert, où l’on retrouve des deltas interprétés avec réserve comme glaciolacustres.

Moraine de Sakami

La Moraine de Sakami constitue un important complexe morainique dans les basses-terres de la baie James, formant un arc de cercle étonnamment régulier et quasi continu qui indique une marge glaciaire relativement stable orientée NNW-SSE. Cet arc de cercle, long de plusieurs centaines de kilomètres, représente également la limite orientale de la plaine argileuse associée au lac Ojibway au-delà de laquelle on ne trouve plus de sédiments glaciolaciustres (Hillaire-Marcel et al., 1981; Hardy, 1982). De multiples constructions sédimentaires apparentées à des deltas, à des épandages subaquatiques ou à des crêtes morainiques, marquent cette position dans la zone d’étude.

Mer de Tyrrell

La mer de Tyrrell (Lee, 1960) a envahi les basses-terres de la baie James après la rupture du barrage de glace qui retenait le lac Ojibway. Cette mer était confinée au sud par le relief environnant les baies James et d’Hudson. Au Québec, la mer était en contact avec la marge en recul, pour tout le territoire au nord de Nemiscau et dans la vallée de la rivière Rupert. Le till est remanié sur le pourtour du bassin de Tyrrell et des plages se sont développées sur les reliefs sableux. Des deltas témoignent du niveau maximal (t0) marin atteignant ~280 m dans la région. Pendant l’exondation, des plages ont continué à se former en succession avec les précédentes ou formant des séries de plages soulevées. Des deltas régressifs et la chenalisation menant à ceux-ci ont remanié certains deltas, créant par endroits de grandes plaines chenalisées s’apparentant à des épandages subaériens.

Guide d’exploration

À venir.

Collaborateurs

 
Auteurs Marc-Antoine Lévesque, géo. stag., M. Sc., marc-antoine.levesque@mern.gouv.qc.ca
Olivier Lamarche, géo., Ph. D., olivier.lamarche@mern.gouv.qc.ca
Géochimie Olivier Lamarche, géo., Ph. D.
Logistique Marie Dussault, coordonnatrice
Géomatique Julie Sauvageau et Dominique Plante
Conformité du gabarit et du contenu François Leclerc, géo., Ph. D.
Accompagnement/mentorat
et lecture critique

Hugo Dubé-Loubert, géo., Ph. D.

Organisme

Direction de l’acquisition des connaissances géoscientifiques, Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, Gouvernement du Québec

Remerciements :

Ce Bulletin Quaternaire est le résultat de la collaboration des nombreuses personnes ayant contribué aux différentes étapes de la réalisation du projet. Nous souhaiterions remercier le stagiaire en géologie Alexandre Mendizabal ainsi que les assistantes Rose Beauchemin et Tania Chatila-Amos qui ont participé à la campagne de terrain 2021.

Références

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Autres publications

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22 novembre 2022