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Roche moutonnée

Roche moutonnée

 
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Étymologie

Le terme roche moutonnée a été introduit par le géologue français Horace-Bénédict de Saussure (1740 à 1799). Son origine provient de la ressemblance de la forme avec un style de perruque portée par les aristocrates français du 18e siècle dont les cheveux avaient des allures de vague. Pour maintenir en place la perruque, la graisse de mouton était utilisée expliquant ainsi le terme moutonné (Benn et Evans, 2010). En Suède, les roches moutonnées de très grande dimension sont nommées flyggbergs, certaines faisant jusqu’à 3 km de longueur et 350 m de largeur (Rudberg, 1954; 1973; Iverson et al., 1995; Benn et Evans, 2010).

Description

Les roches moutonnées sont des affleurements rocheux asymétriques caractérisés par un flanc amont à pente douce dont la surface est polie (stoss), et un flanc aval présentant une surface d’arrachement à pente abrupte (lee). Généralement, leurs dimensions sont de quelques mètres de longueur et de largeur. Dans certains cas, elles peuvent mesurer plusieurs kilomètres de longueur et des dizaines de mètres de largeur (Glasser, 2002; Benn et Evans, 2010).

La surface amont des roches moutonnées est généralement parsemée de stries et de cannelures, reflétant la pression exercée sur la surface rocheuse par le glacier (Seppälä et Rastas, 1980; Glasser et Warren, 1990). La géométrie de la roche permet de déterminer une direction générale de l’écoulement du glacier, de l’amont (pente douce) vers l’aval (pente abrupte).

Genèse

Les roches moutonnées sont des produits de l’érosion glaciaire expliqués par la présence d’un obstacle engendrant une contrainte à l’écoulement glaciaire (irrégularité de la topographie du socle). Les deux grands processus d’érosion à l’origine des roches moutonnées sont l’abrasion sur la surface en amont et le délogement de fragments rocheux en aval. Le processus de délogement de fragments rocheux (plucking) est responsable de l’érosion d’un plus grand volume de roche que le processus d’abrasion (Jahns, 1943; Boulton et Jones, 1979; Cohen et al., 2006). Il est dépendant de l’orientation des systèmes de joints et de fractures, intrinsèque à la structure du socle rocheux (Glasser et Warren, 1990; Sugden et al., 1992).

Suite à la rencontre du glacier avec un obstacle rocheux, une succession de processus engendrent la formation des roches moutonnées :

  1. Augmentation de la pression cryoclastique au point de rencontre avec l’obstacle. Les particules migrent vers la semelle glaciaire et accentuent l’abrasion (Boulton et al., 1974; Glasser et Warren, 1981), causant la formation de stries et de cannelures. L’augmentation de la pression cryostatique a pour conséquence de baisser la température de fusion de la glace favorisant une fonte partielle à sa base;
  2. S’écoulant naturellement vers les zones de basse pression, l’eau contourne l’obstacle vers l’aval;
  3. Une zone de basse pression est présente (cavité) à l’aval de l’obstacle, occasionnant une augmentation de la température de fusion, ce qui fait que l’eau regèle dans les fractures de la roche. La basse pression permet également la formation de nouvelles fractures (Carol, 1947; Iverson, 1991; Hallet, 1996). L’eau s’étant infiltrée dans les fissures, celle-ci cause un détachement de fragments rocheux, créant ainsi une face d’arrachage.

La formation de cavités joue un rôle primordial dans la formation des roches moutonnées. Les cavités et, par extension, les roches moutonnées se développent préférentiellement dans les régions de glacier mince en régime tempéré, en position marginale et où l’eau de fonte est abondante (Sugden et al., 1992; Roberts et Long, 2005; Benn et Evans, 2010). La présence de stries suggère une dynamique glaciaire à base chaude et un mode d’écoulement par déformation basale.

Des auteurs avancent que les roches moutonnées seraient d’origine préglaciaire (Lindström, 1988; Patterson et Boerboom, 1999) et que les processus fluvioglaciaires de Carol (1947) présentés ci-dessus n’ont fait qu’accentuer des formes préexistantes. Bien que ces modèles soient cohérents, l’ubiquité des roches moutonnées doit être expliquée par un processus simple et pouvant se manifester partout. Selon Boulton (1982), la seule différence de pression amont/aval serait suffisante pour occasionner la formation de fractures sur des reliefs rocheux en situation sous-glaciaire.

Répartition spatiale

Les roches moutonnées sont des formes omniprésentes qui, au Québec, sont répertoriées dans presque tous les ouvrages régionaux traitant de la géologie du Quaternaire. Les roches moutonnées sont généralement concentrées dans les zones de roche compétente comme les granitoïdes (Glasser, 2002).

Références

Autres publications

BENN, D.I. ,EVANS, D.J.A., 2010. Glaciers and glaciations, second edition. Routledge, Taylor & Francis Group, London and New York, 802 pages. doi.org/10.4324/9780203785010

BOULTON, G.S., DENT, D.L., MORRIS, E.M., 1974. Subglacial Shearing and Crushing, and the Role of Water Pressures in Tills from South-East Iceland. Geografiska Annaler. Series A, Physical Geography; volume 56, pages 135-145. doi.org/10.1080/04353676.1974.11879895

BOULTON, G.S., JONES, A.S., 1979. Stability of temperate ice caps and ice sheets resting on beds of deformable sediment. Journal of Glaciology; volume 24, pages 29-43. doi.org/10.3189/S0022143000014623

BOULTON, G.S., 1982. Processes and Patterns of Glacial Erosion. In Coates, D.R. (Éd.), Glacial Geomorphology. Fifth Annual Geomorphology Symposia Series, Binghamton, New York, Springer, pages 41-87. Source

CAROL, H., 1947. The formation of roches moutonnées. Journal of Glaciology; volume 1, pages 57-59. doi.org/10.3189/S0022143000007589

COHEN, D., HOOYER, T.S.S., IVERSON, N.R., THOMASON, J.F.F., JACKSON, M., 2006. Role of transient water pressure in quarrying: A subglacial experiment using acoustic emissions. Journal of Geophysical Research: Earth Surface; volume 111, pages 1-13. doi.org/10.1029/2005JF000439

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HALLET, B., 1996. Glacial quarrying: a simple theoretical model. Annals of Glaciology; volume 22, pages 1-8. doi.org/10.3189/1996AoG22-1-1-8

IVERSON, N.R., 1991. Potential effects of subglacial water-pressure fluctuations on quarrying. Journal of Glaciology; volume 37, pages 27-36. doi.org/10.3189/S0022143000042763

IVERSON, N.R., HANSON, B., HOOKE, R.L.B., JANSSON, P., 1995. Flow mechanism of glaciers on soft beds. Science; volume 267, pages 80-81. doi.org/10.1126/science.267.5194.80

JAHNS, R.H., 1943. Sheet structure in granites: Its origin and use as a measure of glacial erosion in New England. The Journal of Geology; volume 51, pages 71-98. doi.org/10.1086/625130

LINDSTRÖM, E., 1988. Are roches moutonnées mainly preglacial forms? Geografiska Annaler. Series A, Physical Geography; volume 70, pages 323-331. doi.org/10.1080/04353676.1988.11880263

PATTERSON, C.J., BOERBOOM, T.J., 1999. The significance of pre-existing, deeply weathered crystalline rock in interpreting the effects of glaciation in the Minnesota River valley, U.S.A. Annals of Glaciology; volume 28, pages 53-58. doi.org/10.3189/172756499781821995

ROBERTS, D.H., LONG, A.J., 2005. Streamlined bedrock terrain and fast ice flow, Jakobshavns Isbrae, West Greenland: implications for ice stream and ice sheet dynamics. Boreas; volume 34, pages 25–-2. doi.org/10.1111/j.1502-3885.2005.tb01002.x

RUDBERG, S., 1954. Västerbottens berggrundsmorfologi. Ett försök till rekonstruktion av preglaciala crosionsgenerationer i Sverige. Geographica; volume 25, 457 pages.

RUDBERG, S., 1973. Glacial erosion forms of medium size – A discussion based on four swedish case studies. Zeitschrift für Geomorphologie; volume 17, pages 33-48. schweizerbart.de/publications/detail/isbn/9783443210175/Z_Geomorph_S_Bd_17

SEPPÄLÄ, M., RASTAS, J., 1980. Vegetation map of northernmost Finland with special reference to subarctic forest limits and natural hazards. Fennia; volume 158, pages 41-61. fennia.journal.fi/article/view/9174

SUGDEN, D.E., GLASSER, N.F., CLAPPERTON, C.M.M., 1992. Evolution of large roches moutonnees. Geografiska Annaler. Series A, Physical Geography; volume 74, pages 253-64. doi.org/10.1080/04353676.1992.11880368

Collaborateurs

Première publication

Olivier Lamarche, géo., M.Sc.olivier.lamarche@mern.gouv.qc.ca (rédaction); Hugo Raymond, géo.stag., B.Sc. (rédaction)

Hugo Dubé-Loubert, géo., Ph.D. (lecture critique); François Leclerc, géo., Ph.D. (Conformité du gabarit et du contenu); Simon Auclair, géo., M.Sc. (révision linguistique); Céline Dupuis, géo., Ph.D. (version anglaise); André Tremblay (montage HTML).

 
1 février 2021