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Eskers
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Étymologie

Le terme esker aurait été utilisé initialement par Close (1867) dans sa revue de la géologie glaciaire irlandaise, puis introduit en Amérique du Nord par Upham (1876). Le terme, provenant du mot irlandais eiscir (ou encore du gallois escair) et qui signifie crête, a longtemps été utilisé dans le monde anglo-saxon sans différence avec le terme kame (Levasseur, 1995), lequel revêt une signification différente de nos jours. Les Scandinaves utilisent davantage les termes ås ou ôs et leurs dérivés pluriels osar ou åsar. Les géographes français utilisaient d’ailleurs le terme os jusque dans les années 1950.

 

Description

Le terme esker est généralement évoqué pour décrire une mince crête rectiligne ou sinueuse en relief positif par rapport à la topographie environnante, et qui a été déposée par des processus fluvioglaciaires. Dans un même corridor fluvioglaciaire, les crêtes peuvent être nombreuses et se couper, formant parfois des réseaux d’apparence anastomosée.

 

Les eskers sont continus ou discontinus et mesurent quelques centaines de mètres à plusieurs centaines de kilomètres de longueur, quelques centaines de mètres de largeur et jusqu’à 200 mètres de hauteur (Wilson, 1939; Flint, 1971; Shilts et al., 1987; Warren et Ashley, 1994; Benn et Evans, 2010). La hauteur et la largeur sont normalement proportionnelles à la longueur de la construction (Levasseur, 1995). Les flancs des crêtes sont généralement abrupts, mais peuvent être moins pentus suite à l’action de processus gravitaires, de remaniement ou encore à cause de certains paramètres inhérents à la topographie et du substrat de la glace (Allard, 1974; Shreve, 1985a; 1985b). Dans certains cas, ils peuvent être assez plats, par exemple, lorsqu’ils ont été construits tardivement au cours de la déglaciation.

Les sédiments retrouvés dans un esker peuvent être constitués de silt, de sables, de graviers et de blocs fluvioglaciaires (Sugden et John, 1976; Warren et Ashley, 1994; Brennand, 2000; Benn et Evans, 2010), lesquels sont généralement granoclassés et stratifiés. En général, le matériel est arrondi à subarrondi et témoigne d’un transport important par les eaux de fonte. Les eskers montrent typiquement un granoclassement normal, alors que le cœur est constitué de particules plus grossières (cailloux et blocs) et que la surface est formée de sables et de graviers stratifiés. Des failles normales sont observables dans le sédiment, de même que des structures entrecroisées (Terwindt et Augustinus, 1985), respectivement associées à des processus glaciotectoniques et au caractère épisodique des apports en eau de fonte.

Les eskers peuvent être isolés, mais s’organisent le plus couramment en essaims nourris par un réseau dendritique et complexe de chenaux sous-glaciaires (Flint, 1971). Les eskers sont généralement orientés subparallèlement à la direction de l’écoulement glaciaire (Tanner, 1937; Sugden et John, 1976) et situés dans des régions de bas relief (Flint, 1971; Lundqvist, 1979). L’organisation et la répartition spatiale des eskers traduisent d’une manière générale le schéma de retrait de la marge glaciaire, puisqu’ils sont globalement disposés perpendiculairement à celle-ci.

Là où les vallées sont plus encaissées et la glace est moins épaisse, le patron de drainage marqué par des eskers est organisé en fonction du relief (Mannerfelt, 1945), sauf si la direction d’écoulement glaciaire est fortement perpendiculaire à ces vallées (Flint 1971). Le profil des eskers est généralement faiblement incliné vers l’aval glaciaire, mais il est possible de voir certaines crêtes gravir des reliefs modérés (Flint, 1971; Shreve, 1972).

Des kettles bordent typiquement les cordons d’eskers ou sont présents à l’intérieur des segments les plus larges (Flint, 1971). Les eskers se présentent en association avec plusieurs autres formes fluvioglaciaires, comme des kames, des moraines proglaciaires ou des chenaux proglaciaires ou sous-glaciaires (Sugden et John, 1976). Les moraines frontales sont typiquement plus imposantes à la rencontre de cordons d’eskers.

 

Genèse

Peu d’eskers ont pu être observés au moment de leur formation pour des raisons évidentes d’accès, mais les premières mentions d’observations directes (Lewis, 1949) ont confirmé les théories jusqu’alors préexistantes (Hummel, 1874; De Geer, 1897; Mannerfelt, 1945; Flint, 1947).

Les eskers peuvent se déposer dans un contexte de glace active (Synge, 1950; Barnett et Holdsworth, 1974; Shreve, 1972; 1985; Gorrell et Shaw, 1991) ou de glace en décrépitude et relativement mince (Flint 1930; 1971; Shaw, 1972; Cheel, 1982; Hebrand et Åmark, 1989; Ashley et al., 1991). Sugden et John (1976) suggèrent que tous les eskers sont préservés sous une glace inactive.

Dans l’environnement glaciaire, des systèmes de drainage supraglaciaire, intraglaciaire ou sous-glaciaire peuvent coexister (Röthlisberger, 1972; Sugden et John, 1976; Benn et Evans, 2010). Ces systèmes sont en évolution constante, l’eau pouvant se déplacer spatialement dans le glacier soit par perméabilité primaire (perméabilité de la glace) ou secondaire (système karstique, crevasse, moulin). Par exemple, un chenal supraglaciaire peut transiter vers un tunnel sous-glaciaire en passant par un moulin. L’eau provient de la fusion de la glace des parois de ces tunnels glaciaires. Les chenaux sous-glaciaires qui sont à l’origine des eskers prennent la forme de tunnels se formant à la base d’un glacier où l’eau de fonte est canalisée sous de forte pression, surcreusant la glace surincombante.

Les eskers correspondent au remplissage de ces tunnels par du matériel granulaire qui forment des crêtes sinueuses après le retrait des glaces (figure 1; Benn et Evans, 2010). La pression hydraulique élevée dans les tunnels sous-glaciaires permet à ceux-ci de ne pas se refermer sous la pression cryostatique (figure 2; Röthlisberger, 1972; Shreve, 1972; Sugden et John, 1976). Cette forte pression hydrostatique permet également le transport de grandes quantités de sédiment (Benn et Evans, 2010) qui se déposent dans le tunnel sous-glaciaire lors d’une baisse du débit hydraulique, typiquement à la suite de crues printanières (Flint, 1971). Cette forte pression explique également la construction des segments d’eskers non contrôlés par la topographie (Shreve, 1972; 1985; Sugden et John, 1976; Syverson et al., 1994; Benn et Evans, 2010).

La direction de l’écoulement des eskers est contrôlée par la pression cryostatique et par le potentiel hydraulique. La pression cryostatique est contrôlée par la pente de la surface glaciaire et par la topographie où repose le lit glaciaire (Flint, 1971; Shreve, 1972). Ceci explique que le drainage glaciaire s’effectue favorablement vers les zones de basse pression, comme les contextes de marge glaciaire interlobaire ou de zone de confluence en marge glaciaire (Veillette, 1986; Gustavson et Boothroyd, 1987; Warren et Ashley, 1994; Huddart et al., 1999). La direction des longs trains d’eskers est plus représentative de la direction tardive d’écoulement d’un glacier que celle mesurée à partir de formes glaciaires comme les drumlins (Embleton; 1964; Sugden et John, 1976).

À la marge glaciaire, la pression hydraulique diminue rapidement et les sédiments se déposent en créant des épandages subaériens ou subaquatiques selon le contexte de la marge, c’est-à-dire en contact ou non avec un plan d’eau proglaciaire (Banerjee et McDonald, 1975; Brennand, 2000). Dans le cas des épandages subaquatiques, plusieurs deltas juxtaglaciaires peuvent être répertoriés le long d’un esker, témoignant du retrait successif de la marge glaciaire au contact d’un plan d’eau (figure 3), ce qui produit des eskers d’apparence perlée. Typiquement, la fraction grossière sera déposée dans le tunnel, tandis que la fraction la plus fine sera déposée à l’exutoire de celui-ci, formant ainsi un épandage (Warren et Ashley, 1994). Le retrait subséquent de la marge, et conséquemment l’éloignement de la source granulaire, participera à recouvrir de matériel fin la crête d’esker préalablement déposée.

Utilité

En tant que vecteurs de transport sédimentaire bien définis, les eskers sont couramment utilisés en glacioprospection. Des comptages pétrographiques et l’identification de minéraux indicateurs permettent de tracer les roches sources présentant un potentiel économique pour différents contextes métallogéniques (Lee, 1965; McClenaghan et Kjarsgaard, 2007; Cummings et al., 2010).

De plus, les eskers sont une source de granulat de bonne qualité et peu coûteux, utilisée dans le domaine de la construction (Locat et al., 1990). Les eskers constituent finalement une réserve en eau souterraine de grande qualité pour plusieurs municipalités et entreprises québécoises. En effet, les dépôts à grain fin mis en place sur le flanc des eskers sont peu perméables et donc propices à la formation d’aquifères (Nadeau, 2011).

Répartition spatiale

Les eskers sont des formes ubiquistes dans les régions ayant été englacées (Storrar et al., 2013). Leur présence est en nombre plus important dans les territoires où le socle est rigide, par exemple dans le Bouclier canadien (Shilts et al., 1987; Clark et Walder, 1994), mais on en retrouve aussi sur des substrats d’autres natures (Benn et Evans, 2010). La formation actuelle d’eskers a été observée en Antarctique (Drews et al., 2017) et certaines formes similaires ont même été identifiées sur Mars (Kargel, 1992).

Au Québec, les eskers sont répertoriés dans presque tous les ouvrages régionaux traitant de la géologie du Quaternaire, à l’exception des secteurs non habités et affectés par l’existence d’un lac ou d’une mer postglaciaire. Dans les Basses-Terres de l’Abitibi et de la baie James et dans les Basses-Terres du Saint-Laurent, les eskers observés sont généralement enfouis, partiellement ou en totalité, sous une couche d’argiles ou de sables glaciomarins ou glaciolacustres (Veillette et al., 2007; Nadeau, 2011; Lamarche et Dubé-Loubert, 2017).

Références

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Autres publications

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Collaborateurs

Première publication

Olivier Lamarche, géo., M. Sc. olivier.lamarche@mern.gouv.qc.ca, Hugo Raymond, géo. stag., B. Sc. (rédaction);

Hugo Dubé-Loubert, géo., Ph. D. (lecture critique); François Leclerc, géo., Ph.D. (conformité du gabarit et du contenu); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); Céline Dupuis, géo., Ph.D. (version anglaise); André Tremblay (montage HTML).

 

 

22 janvier 2021