Historique

Le Complexe de Déception (Adec) a été introduit par Vanier et Bilodeau (2024) à la suite d’un levé géologique réalisé en 2023 dans la région de la baie Déception. Son appellation fait référence à la baie du même nom, où l’unité affleure abondamment. Les roches du Complexe de Déception ont notamment été décrites par Taylor (1982) et St-Onge et Lucas (1990), pour ensuite être intégrées aux domaines lithotectoniques de l’Arc de Narsajuaq et de l’Antiforme de Kovik (St-Onge et Lucas, 1995), puis compilées telles quelles dans la synthèse lithostratigraphique (Lamothe, 2007).

Description

Le terme « complexe » est utilisé puisque l’unité regroupe des roches métamorphiques d’origines diverses (plutoniques, sédimentaires et volcaniques) ne pouvant être dissociées d’un point de vue cartographique. Le Complexe de Déception forme ce qui est considéré comme la partie orientale du socle de la région de la baie Déception. L’unité est majoritairement composée de tonalite rubanée ou gneissique à biotite (Adec1), renfermant par endroits un pourcentage notable de rubans granitiques (Adec1a), et en moindre mesure de la tonalite altérée à biotite et muscovite (Adec1b), de la granodiorite rubanée à porphyroïde (Adec2) et du granite hétérogène (Adec3). Ces unités renferment, en proportions variables, des enclaves mafiques, des boudins de métagabbro et de roches ultramafiques (Adec4) et des lambeaux d’amphibolite (Adec5a) ou de roches métasédimentaires (Adec5a et b).

Complexe de Déception 1 (Adec1) : Tonalite à biotite ± hornblende, <20 % de rubans granitiques, rubans intermédiaires à mafiques, boudins décamétriques de métagabbro

L’unité Adec1 forme le cortège lithologique dominant du Complexe de Déception. Elle se compose de tonalite à biotite ± hornblende, foliée à rubanée, renfermant <20 % de rubans de composition granitique, localement granodioritique, concordants à la foliation. La plupart de ces rubans sont diffus et possiblement formés par ségrégation minérale lors du métamorphisme. Les rubans concordants à subconcordants à contacts francs, généralement délimités par un liséré de minéraux ferromagnésiens, sont interprétés comme des injections transposées par la déformation. Les autres rubans observés ont une composition intermédiaire, essentiellement quartzodioritique, voire une composition mafique sur certains affleurements. Plusieurs affleurements renferment des boudins de métagabbro constitués essentiellement de cristaux de granulométrie moyenne à grossière de hornblende granoblastique. La dimension des boudins varie de 5 à 40 m de diamètre et ceux-ci forment des corps isolés dans l’encaissant tonalitique. Aucun alignement de boudins n’a été rapporté.

Le principal faciès de la tonalite arbore une patine altérée de couleur gris clair à gris moyen. L’unité se caractérise à de nombreux endroits par une alternance de rubans de composition intermédiaire à contacts francs de 10 à 20 cm d’épaisseur, de couleur gris clair et gris foncé. La composition et la structure des roches de cette unité sont très variables. Elles sont composées de 20 à 40 % de quartz et de 45 à 70 % de plagioclase de granulométrie fine à moyenne. Le feldspath potassique est généralement peu abondant, voire absent des échantillons provenant de zones peu ou non rubanées de l’unité. Ces roches renferment <10 % de microcline, localement perthitique, des pourcentages très variables de biotite (1 à 10 %), de hornblende (0-7 %), de muscovite (≤3 %) et <2 % d’épidote et de chlorite. En microscopie, les relations minérales observées dans certains échantillons montrent que la muscovite est issue de l’altération du plagioclase, tandis qu’une origine métamorphique est privilégiée pour une autre partie des échantillons. L’épidote constitue également un produit d’altération du plagioclase, et se présente aussi en cristaux idiomorphes isolés ou en couronne autour de cristaux d’allanite. La chlorite peut atteindre jusqu’à 5 % de la roche et se trouve systématiquement associée à la biotite comme produit d’altération de cette dernière. Outre l’allanite, les minéraux accessoires sont la titanite, l’apatite, la monazite, le zircon et les carbonates. Ces minéraux sont communément observés en inclusions dans les cristaux de quartz.

La roche présente un rubanement métamorphique d’aspect diffus caractéristique dans la région de la baie Déception. Ce rubanement est surtout mis en évidence par des bandes de quelques millimètres à quelques centimétriques d’épaisseur, de couleur beige ou rose clair, dont la composition est plus potassique. Le rubanement est en d’autres cas accentué par une texture lépidoblastique des cristaux de biotite, qui sont accompagnés localement de hornblende et d’autre minéraux accessoires. Le rubanement est aussi montré par des variations de la granulométrie au sein de la tonalite, ces rubans étant en général plus grossiers que les faciès non rubanés de l’unité. Les minéraux sont communément granoblastiques et de tailles très variées, à distribution aléatoire et en moindre mesure hétérogranulaires. Les cristaux sont structurés de manière interlobée et le quartz présente des faces à morphologies amiboïdes complexes. Le quartz forme typiquement des microstructures de pincement avec la biotite et des migrations des bordures de grains. Le quartz est présent localement sous forme de myrmékites, ainsi qu’en rubans de cristaux alignés soulignant la foliation.

Complexe de Déception 1a (Adec1a) : Tonalite à biotite ± hornblende, >20 % de rubans granitiques, rubans intermédiaires à mafiques, boudins décamétriques de métagabbro 

La sous-unité Adeca1 est constituée d’une tonalite à biotite ± hornblende similaire à celle de l’unité Adec1 décrite plus haut. Ce faciès a été introduit pour regrouper les tonalites du complexe composées de >20 % de rubans de composition granitique. Les rubans sont de couleur beige ou rosée et typiquement hololeucocrates, puisqu’ils ne renferment que très peu de minéraux ferromagnésiens. La majorité de ces rubans sont d’origines variées, pour la plupart issus d’une ségrégation minérale d’origine métamorphique. Une proportion moindre de rubans sont considérés comme des filons injectés parallèlement à la foliation ou transposés par la déformation. Les fabriques planaires et linéaires liées à des épisodes successifs de déformation ont affecté la morphologie initiale des rubans. Ainsi, nombre d’entre eux sont déformés et exhibent une texture porphyroïde diffuse.

Complexe de Déception 2 (Adec2) : Granodiorite rubanée et porphyroïde à biotite et schlierens de biotite, proportion moindre de diorite quartzifère et de tonalite à rubans diffus de granite

Cette sous-unité est composée de roches rubanées de composition granodioritique. Ces roches sont généralement hétérogènes et de granulométrie variant de fine à grossière. Les minéraux principaux sont en proportions très variables, mais l’ensemble possède une composition plus potassique que l’unité Adec1. La roche est généralement de teinte rose clair à blanche en patine altérée et rose clair en cassure fraiche. Elle contient également des rubans de couleur beige ou rosée de composition granitique qui sont pauvres en minéraux ferromagnésiens. La majorité de ces rubans sont interprétés comme étant issus d’une ségrégation minérale d’origine métamorphique. Une proportion moindre de rubans parallèles à subparallèles à la fabrique planaire sont interprétés comme des injections désormais transposées dans la granodiorite. Les rubans de granite sont magnétiques et bordés d’une fine concentration de cristaux de biotite. Les fabriques planaires et linéaires liées à des épisodes successifs de déformation ont affecté la morphologie initiale des rubans. Ainsi, nombre d’entre eux sont déformés et présentent une texture porphyroïde diffuse. L’unité se caractérise également par la présence assez commune de schlierens de biotite.

La granodiorite se compose de 20 à 40 % de quartz, 15 à 72 % de plagioclase, 10 à 54 % de microcline et de 0 à 15 % d’orthose, selon l’échantillon. Le plagioclase et l’orthose se présentent également sous forme de cristaux ronds plurimillimétriques. Les minéraux secondaires comprennent la biotite (1 à 10 %) et la hornblende (0 à 6 %) finement grenues, la muscovite (0 à 2 %) et jusqu’à 1 % d’épidote. Les plus grandes concentrations de biotite s’expriment sous forme d’amas alignés mettant en évidence la structure lépidoblastique. Les minéraux accessoires incluent l’apatite, la titanite et localement l’allanite, le zircon et la magnétite. L’épidote et l’allanite sont idiomorphes et généralement toutes deux associées à la biotite. La distribution du quartz est hétérogène, en concentration plus grande dans certains rubans préférentiels. Le quartz matriciel, généralement plus grossièrement grenu que les feldspaths, est de forme allongée et localement myrmékitique. En microscopie, les cristaux de quartz et de feldspaths sont à granulométrie variable, interlobés et donnent une texture communément granoblastique à la roche. Le quartz forme des structures de pincement avec la biotite dans plusieurs échantillons. Il montre aussi une migration de bordures de grains, ainsi que des amas de sous-grains en échiquiers. Les échantillons sont pour la plupart peu ou non altérés. La chlorite remplace localement la biotite. La séricite est observée en produit d’altération du plagioclase.

Complexe de Déception 3 (Adec3) : Granite hétérogène à biotite ± hornblende et schlierens de biotite, proportion moindre de granodiorite rubanée et porphyroïde, enclaves mafiques

Cette sous-unité se compose de roches foliées mais peu déformées. Elles sont généralement de composition granitique et se présentent en un grand éventail de faciès. Les principaux faciès sont le granite rose homogène à grain fin et le granite blanc hétérogène à schlierens de biotite. Un faciès moins présent est celui de la granodiorite et du granite à rubans granitiques diffus et à phénocristaux de feldspath potassique. L’unité Adec3 se caractérise par une abondance d’enclaves mafiques, particulièrement dans les faciès peu déformés. La couleur des roches est très variée et dominée par des teintes rose clair, blanches ou beigeâtres.

Le pourcentage de quartz est dans l’ensemble relativement constant, variant de 30 à 35 %. La proportion de feldspath potassique est pour sa part très variable, le plagioclase varie de 10 à 50 % et le microcline de 20 à 47 %. Des feldspaths perthitiques sont observés dans quelques échantillons. Pour les faciès porphyroïdes, les phénocristaux représentent la totalité du pourcentage de feldspath potassique, qui est généralement absent de la matrice. Les phénocristaux sont localement à structure antirapakivi et la plupart d’eux renferment de petites inclusions de quartz. Les minéraux secondaires sont dominés par la biotite, de l’ordre de 4 à 5 % pour la plupart des échantillons, et jusqu’à 10 % pour les faciès à schlierens. La biotite forme généralement des amas de cristaux très fins. La proportion de hornblende varie de 0 à 2 %, la muscovite de 1 à 3 % et l’épidote jusqu’à 1 %. Cette dernière est généralement idiomorphe, tardive et associée à la biotite. Les minéraux accessoires présents sont surtout la titanite et l’apatite, et dans une moindre mesure l’allanite, le zircon, la monazite et le carbonate. La chlorite et la séricite apparaissent comme des produits d’altération de la biotite et du plagioclase, respectivement. Les principaux constituants sont communément granoblastiques, de granulométrie variée et à contacts interlobés. Le quartz possède généralement une morphologie amiboïde. On l’observe typiquement en grandes plages allongées, lesquelles sont formées de sous-grains en échiquier dans certains échantillons, ainsi qu’en migration de bordures de cristaux.

Complexe de Déception 4 (Adec 4): Gabbro amphibolitisé, localement à grenat ou à biotite, proportion mineure de gabbronorite et de roche ultramafique

Les gneiss du Complexe de Déception renferment communément des niveaux de roches intrusives mafiques à ultramafiques, dont l’origine est incertaine. À l’échelle de l’affleurement, ces roches forment des radeaux et des mégaboudins isolés de dimension pluridécamétrique, enveloppés par la gneissosité des roches encaissantes. Certains de ces corps sont suffisamment vastes pour apparaître sur la carte géologique de la région de la baie Déception. Les lithologies cartographiées sont le métagabbro, la hornblendite et la gabbronorite. En cassure fraiche, la couleur de la roche varie de noir verdâtre à gris-noir. En patine d’altération, les teintes principales sont le brun-noir, le noir rouille, le gris très foncé et le beige et noir. Les roches sont généralement massives ou faiblement foliées, de granulométrie très variable, allant de grain fin à grain grossier. Elles sont complètement recristallisées. Comme la plupart de ces roches sont ouralitisées, leur composition est largement dominée par la hornblende, celle-ci étant par endroits oïkocristique et en amas autour du clinopyroxène. D’autres minéraux présents dans plusieurs échantillons sont le plagioclase, localement en phénocristaux bleu violacé, le grenat, la biotite et la magnétite.

Complexe de Déception 5 (Adec5): Amphibolite rubanée et migmatitisée, paragneiss

Le Complexe de Déception 5 est composé de lambeaux d’amphibolite et de paragneiss présents dans les unités Adec1, Adec1a et Adec2.

Complexe de Déception 5a (Adec 5a) : Amphibolite rubanée et migmatitisée, niveaux de paragneiss migmatitisé à grenat ± sillimanite ± kyanite ± cordiérite

Quelques niveaux de roches métavolcaniques mafiques amphibolitisées et de roches métasédimentaires partiellement migmatitisées ont été répertoriés à plusieurs endroits dans le Complexe de Déception. Ces roches forment des corps tabulaires très allongés de ∼30 cm à quelques mètres d’épaisseur et concordants à la gneissosité. L’amphibolite est de couleur noir verdâtre en cassure fraiche et de vertes ou gris très foncé en patine d’altération. Elles sont généralement foliées, de granulométrie fine et rubanées par endroits. Les amphibolites sont composées de hornblende, de plagioclase, de clinopyroxène et localement de grenat, d’orthopyroxène, de biotite et de minéraux opaques. Les roches métasédimentaires comprennent du paragneiss à biotite ± aluminosilicates et du quartzite en moindre proportion. La roche est de couleur gris moyen à gris clair en surface fraiche et brun orangé à beige-brun en patine d’altération. Ces roches métasédimentaires sont composées de quartz, de plagioclase, de grenat et localement de feldspath potassique, de sillimanite, de kyanite et de cordiérite. Les minéraux sont granoblastiques, généralement équigranulaires, à grain fin à moyen, à l’exception des porphyroblastes de grenat pouvant atteindre jusqu’à 2 cm de diamètre. Ces roches contiennent de 0 à 5% de mobilisat déformé et concordant au rubanement, de couleur blanc verdâtre, qui se compose d’un assemblage de quartz et de plagioclase ou qui est de composition granitique. Ces rubans constituent probablement un produit de fusion partielle de ces lambeaux de roches métasédimentaires.

Complexe de Déception 5b (Adec 5b) : Paragneiss à biotite ± grenat ± sillimanite ± kyanite ± cordiérite

Cette sous-unité regroupe les lambeaux cartographiables de roches métasédimentaires répertoriés au sein des unités gneissiques du Complexe de Déception. Ces corps géologiques ont été observés sur plusieurs affleurements, mais ne figurent que très rarement sur les cartes géologiques d’échelle régionale, du fait que la plupart sont de petites dimensions. La lithologie principale de cette unité est constituée d’un paragneiss à biotite et grenat et d’aluminosilicates, dont la sillimanite, la kyanite et la cordiérite, selon le degré de métamorphisme. La description de ces roches correspond à celle des lambeaux de roches métasédimentaires de l’unité Adec5a.

Épaisseur et distribution

Le Complexe de Déception affleure sur une distance de ∼15 km de part et d’autre de la baie Déception. Sa limite occidentale correspond à un contact orienté plus ou moins N-S avec le Complexe de Nanuk (Anuk), localisé dans la partie centrale du territoire cartographié en 2023 (Vanier et Bilodeau, 2024). Son extension vers l’est devra être précisée lors de futurs travaux de terrain. L’unité Adec1 représente le faciès le plus abondant de ce complexe dans la région de la baie Déception. Celle-ci couvre la majeure partie d’un territoire de 30 km sur 30 km autour de la baie du même nom. Les unités Adec1a, Adec1b, Adec2 et Adec3 affleurent dans des secteurs plus spécifiques. L’unité Adec1a forme des bandes d’épaisseur apparente d’échelle kilométrique concentrées surtout dans le secteur NE de la région. La sous-unité de tonalite à muscovite (Adec1b) est localisée exclusivement au nord du contact avec le Domaine Nord. L’unité forme une bande quasi continue le long du contact et affleure jusqu’à des distances variant entre 250 et 4500 m, ce qui représente une épaisseur réelle de 200 à 1200 m. L’unité Adec2 forme une entité principale dans le secteur centre-ouest de la région de la baie Déception, au contact avec le Complexe de Nanuk (Anuk). L’épaisseur de cette sous-unité est inconnue. L’unité Adec3 se subdivise en cinq principales intrusions de forme allongée mesurant au plus 5 km de longueur et 500 m d’épaisseur. Les boudins et lambeaux des sous-unités Adec4 et Adec5 mesurent généralement <50 m d’épaisseur; par conséquent, ils n’apparaissent pas sur la carte géologique à l’échelle régionale. Les plus importants lambeaux de roches des unités Adec4 et Adec5a sont localisés au NE de la baie Déception, et ceux de l’unité Adec5b sont situés au SW de cette baie.

Datation

Aucune.

Relations stratigraphiques

Le Complexe de Déception est interprété comme étant l’unité lithodémique la plus vieille de la région de la baie Déception avec le Complexe de Nanuk (Anuk). Ces deux complexes représentent un ensemble d’unités archéennes servant de socle aux unités protérozoïques de la région. Les relations de recoupement observées sur le terrain indiquent que le Complexe de Déception est coupé par deux unités granitiques, soit les suites d’Arviq (pPavi3) et de Nunatak (pPnat1). Les granites de la sous-unité Adec3 présentent des similitudes compositionnelles, géochimiques et texturales avec ceux de l’unité pPavi3 dans la région de la baie Déception.

Le Complexe de Déception est positionné structuralement sous les roches supracrustales de la Suite métamorphique de Crony (pPcry). Ces dernières représentent donc une couverture volcano-sédimentaire en discordance d’érosion sur le Complexe de Déception. La sous-unité Adec1 du Complexe de Déception renferme un niveau de tonalite riche en mica (Adec1b), positionné structuralement sous les roches supracrustales de la Suite métamorphique de Crony (pPcry). L’abondance atypique de muscovite dans ce faciès laisse supposer que ces roches ont potentiellement subi un épisode d’altération attribué à une météorisation précédant la mise en place des unités supracrustales sus-jacentes.

Paléontologie

Ne s’applique pas.

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

Collaborateurs