
Historique
Les premières subdivisions du Bouclier canadien, de nature essentiellement géographique, apparaissent sur les cartes de Wilson (1939). Par la suite, un découpage basé sur des critères d’ordre plus géologique mettant notamment en évidence les relations structurales entre les différentes provinces est réalisé par Gill (1949). Celui-ci propose le terme « Province du Supérieur » à la place de « Province du Saint-Laurent » employé par Wilson. À la même époque, Wilson (1949) divise le bouclier à partir des caractéristiques lithologiques et géochronologiques des unités et non plus que sur des bases structurales. Cet auteur suggère que la formation du Bouclier canadien résulte de l’accrétion successive de ceintures orogéniques autour d’un noyau central constitué par la Province du Supérieur. Plus tard, Stockwell (1964, 1982) réalise que les provinces correspondent étroitement aux divisions orogéniques. À l’aide de datations isotopiques (principalement K-Ar), il identifie les différents orogènes et utilise ces données pour établir les limites des provinces et des sous-provinces. Ces travaux sont poursuivis par Douglas (1973) et Goodwin (1978) qui précisent ces subdivisions à partir de critères lithologiques.
Les subdivisions actuelles de la Province du Supérieur sont issues des travaux de Card et Ciesielski (1986), Card (1990) et Card et Poulsen (1998) qui tiennent compte des caractéristiques lithologiques, structurales, métamorphiques, géochronologiques et géophysiques des différents terrains. On y reconnaît divers sous-provinces, terranes, domaines, complexes et ceintures de roches vertes.
Description
La Province du Supérieur constitue le coeur du Bouclier canadien et du continent nord-américain. Représentant le plus vaste craton archéen terrestre, elle couvre un territoire d’environ 1 400 000 km2 dont plus de 740 000 km2 se trouvent au Québec (Hocq, 1994). Ses limites nord, ouest et sud-est (orogènes transhudsonien et grenvillien) sont principalement de caractère tectonique, tandis qu’au sud (Orogène pénokéen) et au nord-est (Orogène du Nouveau-Québec), la Province du Supérieur est recouverte en discordance ou chevauchée par des séquences supracrustales du Paléoprotérozoïque (Card et Poulsen, 1998).
Géologie
La Province du Supérieur est subdivisée en 19 sous-provinces, dont huit sont reconnues au Québec. On reconnaît quatre types de sous-provinces : métasédimentaire, métamorphique, volcano-plutonique et plutonique.
Au Québec, la Province du Supérieur peut être divisée en deux grands secteurs. Le secteur méridional est caractérisé par une alternance de sous-provinces linéaires de composition métasédimentaire (Pontiac, Nemiscau et Opinaca), volcano-plutonique (Abitibi, Opatica et La Grande) et métamorphique (Ashuanipi) caractérisées par un grain structural régional orienté E-W. Le secteur nord, presque essentiellement plutonique, correspond à la Sous-province de Minto et comprend différents domaines géologiques orientés généralement NNW-SSE. Ces domaines comportent d’importantes unités de roches charnockitiques et montrent un relief magnétique prononcé (Simard et al., 2008). Les données recueillies dans la partie nord-est de la Province du Supérieur ont permis de mettre en évidence deux grands terranes qui témoignent de l’évolution de la croûte archéenne. Le Terrane de la baie d’Hudson, au sud et à l’ouest, montre des évidences d’une croûte éoarchéenne (>3600 Ma) et comprend certaines des roches les plus anciennes de la Terre. L’histoire du Terrane de la rivière Arnaud, au nord, a débuté après 2900 Ma, au Mésoarchéen (Simard et al., 2008). L’origine du changement d’orientation du grain structural régional entre les secteurs méridional et septentrional demeure incertaine. Percival et al., (2006) proposent que ce changement reflète une inflexion oroclinale produite par une tectonique transrotationnelle, un changement de régime tectonique du nord au sud ou un « effet de coin » autour d’un protocraton durant le magmatisme et la déformation au Néoarchéen.
La Province du Supérieur est constituée en grande partie de roches néoarchéennes (2,8 à 2,5 Ga). Des études isotopiques ont permis de retracer des événements magmatiques anciens et d’identifier d’importants domaines mésoarchéens et paléoarchéens (3,6 à 2,8 Ga; Tomlinson et al., 2004; Boily et al., 2006a et 2006b; Percival et al., 2012). Des séquences supracrustales se sont déposées en discordance sur les roches archéennes et des fractures ont mené à la mise en place de plusieurs essaims de dykes mafiques néoarchéens à paléoprotérozoïques (Buchan et Ernst, 2004; Simard et al., 2008).
Évolution géologique
La compréhension de l’évolution géologique de la Province du Supérieur a grandement évolué au cours des dernières années grâce notamment aux travaux de cartographie géologique, à la géochronologie de haute précision et aux résultats des levés de sismique réflexion du programme LITHOPROBE. Récemment, Percival et al., (2012) ont publié une synthèse de l’évolution géologique et tectonique de la Province du Supérieur dans laquelle ils présentent les limites des différents terranes qui la composent. La Province du Supérieur serait le résultat d’événements collisionnels et accrétionnaires survenus entre 2720 et 2680 Ma faisant intervenir certains terranes protocontinentaux montrant des traces d’une évolution plus ancienne que 2,8 Ga, et d’un processus de cratonisation entre 2680 et 2600 Ma.