Historique et méthodologie

La Zone de cisaillement de Pepihtnahu a été définie à la suite du levé géologique de la région de Kegaska mené par Lafrance et Daoudene (2023) au courant de l’été 2023.

Le nom de la zone de cisaillement provient de celui d’une petite baie située le long de la côte nord de l’estuaire du Saint-Laurent, dans le coin NE du feuillet 12K03.

 

Limites et morphologie

Unités stratigraphiques concernées

 

La Zone de cisaillement de Pepihtnahu affecte les unités lithodémiques suivantes :

– la Suite intrusive de Kegaska (mPkeg);

– le Complexe de Coude (mPcud);

– l’Intrusion de Grozieux (mPgrz);

– la Suite intrusive de Washicoutai (mPwai);

– l’Intrusion de Rocher Rouge (nPrge);

– l’Intrusion de la Route Blanche (nPrbl).

 

Caractéristiques structurales

Les roches localisées le long de la Zone de cisaillement de Pepihtnahu (ZCpep) montrent des fabriques qui peuvent être associées à au moins une phase de déformation D_n. Selon l’analyse structurale de Lafrance et Daoudene (2023), cette phase correspond régionalement à la phase D₄.

Toutes les données présentent ci-dessous proviennent du levé géologique de Lafrance et Daoudene (2023).

 

❯ Fabriques principales

Bien que les roches exposées le long de la ZCpep soient généralement bien foliées, la déformation est hétérogène. Les fabriques sont en effet variablement développées d’un affleurement à l’autre. Toutefois, l’intensité de la déformation est difficile à évaluer, puisque la plupart des affleurements présentent essentiellement des surfaces planes ou légèrement arrondies, alors que la foliation et la linéation sont couramment à pendage et à plongée faibles ou modérés. De plus, les surfaces affleurantes sont régulièrement recouvertes d’un fin tapis de lichen grisâtre empêchant toute observation détaillée.

La plupart des affleurements montrent une fabrique planaire S_n communément bien développée. Dans les roches de la Suite intrusive de Kegaska ou de l’Intrusion de Grozieux, cette fabrique s’exprime principalement sous la forme d’une foliation tectonométamorphique diffuse, rectiligne et marquée par l’orientation préférentielle des minéraux ou des amas de minéraux ferromagnésiens, ainsi que par l’aplatissement plus ou moins prononcé des grains de quartz et de feldspath. Des corridors d’épaisseur métrique à décimétrique de plus forte intensité de déformation sont localement observés au sein de l’Intrusion de Grozieux. La fabrique S_n s’exprime alors par une gneissosité marquée par l’alternance de rubans d’épaisseur centimétrique, plus ou moins riches en minéraux ferromagnésiens, et par endroits, par un rubanement mylonitique et une forte réduction de la taille des grains.

Au microscope, la fabrique S_n est aussi couramment bien exprimée. Dans les roches de la Suite intrusive de Kegaska et dans celles de l’Intrusion de Grozieux, la foliation S_n est marquée par l’orientation préférentielle très régulière des feuillets automorphes ou subautomorphes de biotite brun verdâtre. Les roches les plus déformées montrent aussi l’aplatissement des grains de quartz. De plus, certaines phases de la Suite intrusive de Washicoutai et certains faciès du Complexe de Coude présentent des cristaux de hornblende xénomorphes, plus ou moins prismatiques, dont la disposition marque la fabrique S_n.

Les pôles de 70 mesures de la fabrique S_n sont projetés dans un stéréogramme. La majorité est bien regroupée dans le quart SW du stéréogramme et le pôle moyen semble représentatif de l’ensemble des mesures. La foliation moyenne (281°/22°) est donc une bonne approximation de l’attitude globale de la ZCpep, même si, en carte, elle montre des changements de direction. La zone de cisaillement est donc faiblement pentée vers le NNE.

La fabrique S_n porte régulièrement une linéation tectonométamorphique L_n très bien développée. Cette linéation est à la fois marquée par l’alignement préférentiel des minéraux ferromagnésiens et par l’étirement des grains de quartz et de feldspath. Dans un stéréogrammme, les 64 mesures de linéation L_n montrent majoritairement des plongements faibles (≤30°) et des orientations E-W ou NW-SE.

 

❯ Autres fabriques

Non observé.

 

❯ Plis

Non observé.

 

❯ Relations de recoupement

Dans le secteur où elle dessine une courbe concave vers le NE, à quelques kilomètres à l’ouest de la rivière Musquaro, la Zone de cisaillement de Pepihtnahu est localement coupée par des failles. Celles-ci présentent une longueur de quelques kilomètres et une largeur de quelques dizaines de mètres au maximum. Ces failles forment une famille NNE-SSW à cinématique apparente dextre ou senestre. Elles sont déduites de l’imagerie satellitaire et n’ont pas été observées sur le terrain.

 

Paramètres géométriques des failles régionales coupant la Zone de cisaillement de Pepihtnahu :

 

❯ Cinématique

Aucun indicateur cinématique fiable n’a été observé en affleurement le long de la Zone de cisaillement de Pepihtnahu (ZCpep). Néanmoins, sur un échantillon orienté, une microstructure C/S est observée. Cet échantillon provient d’une zone métrique d’intense déformation affectant l’Intrusion de Grozieux (affleurement 23-YD-2066). Dans cette partie de la zone de cisaillement, la linéation L_n est subparallèle à la ligne de plus grande pente de la foliation. Ainsi, la structure C/S observée implique un mouvement à la composante principalement verticale et normale. Bien que l’observation d’autres indicateurs soit nécessaire pour valider la cinématique, le mouvement général le long de la ZCpep est considéré comme normal.

 

Style de la déformation

La Zone de cisaillement de Pepihtnahu semble correspondre à une zone de déformation ductile normale à pendage faible vers le nord ou vers l’est.

 

Caractéristiques métamorphiques

La plupart de roches exposées le long de la Zone de cisaillement de Pepihtnahu (ZCpep) sont de type intrusif, intermédiaire ou felsique. Ce contexte rend difficile une évaluation précise des conditions métamorphiques associées à la déformation D_n. Cependant, certains échantillons montrent des microstructures permettant d’évaluer qualitativement les conditions de température.

Les roches des suites intrusives de Kegaska et de Washicoutai ainsi que celles de l’Intrusion de Grozieux montrent généralement une texture hétérogranulaire interlobée, avec des bordures nettement arrondies entre les grains de quartz et de feldspath. Cela suggère une recristallisation dynamique des cristaux de quartz par un mécanisme de migration de leur bordure, processus actif à une température supérieure à ∼500 °C (Passchier et Trouw, 2005). Parallèlement, des grains de quartz qui sont couramment aplatis et amiboïdes présentent localement une extinction en échiquier. Cette microstructure indique un processus de déformation associé à une température de ≥600 °C (Blumenfeld et al., 1986; Gapais et Barbarin, 1986). Les caractéristiques microstructurales de roches quartzo-feldspathiques semblent ainsi indiquer que la foliation S_n s’est développée lors de conditions de températures typiques du faciès supérieur des amphibolites ou des granulites. Cette interprétation est en accord avec les assemblages minéralogiques à quartz-plagioclase-biotite ± hornblende qui caractérisent les faciès métavolcaniques et métasédimentaires du Complexe de Coude. D’autres faciès de ce complexe présentent des nodules en partie constitués de sillimanite fibreuse et dont l’aplatissement souligne la foliation.

Cependant, certains des échantillons parmi les plus déformés montrent des bandes de cisaillement ayant enregistré des températures de déformation plus faibles. Ces bandes montrent une réduction importante de la taille des grains et une recristallisation dynamique du quartz par la rotation des domaines de sous-grains. Bien que ce processus de recristallisation peut impliquer des taux de déformation plus importants, il est aussi prédominant entre 400 et 500 °C (Passchier et Trouw, 2005) et semble indiquer que la ZCpep ait été aussi active lors de conditions métamorphiques rétrogrades.

Localement, certains échantillons montrent des grains de feldspath à texture polygonale, ce qui indique un processus de recristallisation à l’état statique suivant l’épisode de déformation D_n.

 

Altérations

Non observé.

 

Caractéristiques géophysiques

La Zone de cisaillement de Pepitnahu ne semble pas être soulignée par un marqueur particulier sur les cartes aéromagnétiques (voir Intissar et al., 2021).

 

Repères chronologiques

Aucune donnée géochronologique absolue ne permet de préciser l’âge de la déformation associée à la Zone de cisaillement de Pepihtnahu.

 

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

Autres publications

Citation suggérée

Collaborateurs

Première publication

Yannick Daoudene, géo., Ph. D. yannick.daoudene@mrnf.gouv.qc.ca; Isabelle Lafrance, géo., M. Sc. isabelle.lafrance@mrnf.gouv.qc.ca (rédaction) Hanafi Hammouche, géo., M. Sc. (coordination); Marc-Antoine Vanier, ing., M. Sc. (lecture critique); Simon Auclair, géo., M. Sc. (révision linguistique); André Tremblay (montage HTML).