Moraine de De Geer
 
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Étymologie

Les moraines de De Geer doivent leur appellation (Hoppe, 1959) au baron Gerald Jacob De Geer (1858-1943), géologue pionnier qui a été le premier à observer ces structures sédimentaires en Suède (De Geer, 1889). Les travaux de cet auteur en géomorphologie et géochronologie ont eu un impact majeur dans la création de la discipline moderne de la géologie glaciaire. Il est particulièrement reconnu pour avoir identifié l’importance des varves en tant que variable pour établir la chronologie relative des climats et des changements environnementaux passés.

Description

Les moraines de De Geer se présentent comme des séries de crêtes minces, allongées et parallèles dont le profil peut être symétrique ou asymétrique (Beaudry et Prichonnet, 1991). Les crêtes sont régulièrement espacées : la distance entre deux crêtes varie de 25 à 400 mètres selon la région (Norman, 1938; Shaw, 1944; Elson, 1968; Hardy, 1976; Bouchard, 1980; El Amrani, 2017; Lamarche & Dubé-Loubert. 2017; Lamarche et al., 2018). Il est possible d’observer des moraines de ce genre avec une morphologie arquée vers l’aval glaciaire (Norman, 1938). Hautes de quelques mètres, elles peuvent mesurer plusieurs kilomètres de longueur dans les cas les plus spectaculaires, quoique leur largeur soit limitée à quelques dizaines de mètres. La régularité de ces moraines en fait une morphologie de terrain facilement identifiable qui, vue des airs, prend l’allure d’une planche à laver, ce qui leur a valu leur appellation anglophone de washboard moraines (Mawdsley, 1936).

Le lithofaciès des moraines de De Geer est soit de nature glaciaire (till, diamicton), soit fluvioglaciaire (dépôts sableux stratifiés), ou une combinaison des deux (Virkkala, 1963; Beaudry et Prichonnet, 1991; Benn et Evans, 2010). Leur nature est typiquement liée à celle de leur environnement immédiat. Ces moraines sont généralement observées en association avec des sédiments glaciolacustres ou glaciomarins (sédiments d’eau profonde, littoraux, d’épandage subaquatique). Ces moraines sont généralement recouvertes, en tout ou en partie, de sédiments d’eau profonde. Hardy (1976) note que les moraines de De Geer se développent préférentiellement en s’étirant de part et d’autre de drumlins, de drumlinoïdes ou d’autres formes fuselées.

Genèse

Les moraines de De Geer sont généralement considérées comme des crêtes témoignant d’un retrait saccadé et annuel d’une marge glaciaire stable en contact avec un plan d’eau. La formation de chaque crête correspondrait à une accumulation de sédiment en lien avec une stagnation ou une réavancée mineure pendant l’hiver (Andrews et Smithson, 1966; Barnett et Holdsworth, 1984; Larsen et al., 1991; Blake, 2000; Benn et Evans, 2010). D’autres mécanismes pourraient toutefois être à l’origine de ces structures, comme le comblement de crevasses basales (Hoppe, 1957; Strömberg, 1965; Mickelson et Berkson, 1974; Ziliacus, 1989; Beaudry et Prichonnet, 1991; 1995), le vêlage d’icebergs (Holdsworth, 1973; Bennett et Glasser, 2009) ou l’association à des zones de forte sismicité (Lundqvist, 2000).

Le caractère annuel des structures a été remis en cause et défendu maintes fois dans la littérature. Depuis les débuts, De Geer (1889) crut que l’origine de ces moraines était annuelle. Cette interprétation fut mise en doute dans la deuxième moitié du 20e siècle en invoquant des modes de formations alternatifs tels qu’illustrés ci-dessus. Lindén et Möller (2005) estiment que bien que le mode de formation soit effectivement associé à des périodes de stagnation dans le retrait d’une marge glaciaire, il n’est pas nécessaire que celles-ci soient annuelles. La plupart des publications appuient le concept de cycles annuels pour la formation des moraines de De Geer (De Geer, 1940; Ignatius, 1958; Prichonnet et al., 1984; Boulton, 1986; Larsen et al., 1991; Bouvier et al., 2015). Pour que ces moraines soient préservées, les oscillations de température associées aux cycles annuels doivent produire des périodes de stagnation hivernales suivies de périodes de retrait estivales bien marquées, sans quoi la moraine formée l’hiver précédent pourrait être effacée. La résultante géomorphologique ne représente donc pas hors de tout doute des entités formées annuellement, bien que localement, il soit possible que des séries de crêtes puissent servir à mesurer des taux de retrait.

Répartition spatiale

Au Québec, les moraines de De Geer se sont développées dans les différents bassins glaciolacustres et glaciomarins. Les exemples les plus marquants sont situés dans la région de la rivière La Grande (Eade et al., 1960; Vincent, 1985a; 1985b; 1985c) et entre Kuujjuarapik et Puvirnituq (Allard et Seguin, 1985; Lajeunesse, 2008), bien qu’il soit possible d’en observer dans le reste du bassin du lac Ojibway (Mawdsley, 1936; Norman, 1938, Wilson, 1941; Shaw, 1944, Ignatius, 1956; Hardy, 1976; Prichonnet et al., 1984; Beaudry et Prichonnet, 1991; El Amrani, 2017) et de la mer de Tyrrell (à l’est des baies James et d’Hudson). Ces moraines ont d’ailleurs représenté un outil de premier ordre pour identifier l’extension maximale d’étendues d’eau glaciolacustres ou glaciomarines (Norman, 1939; Shaw, 1944; Bouchard, 1980).

Des moraines de ce type ont été observées dans tous les pays nordiques ayant subi des glaciations pendant le Quaternaire (Finlande, Suède, Norvège, États-Unis, Écosse et Canada).

Synonymes

Washboard moraines ou moraine en planche à laver, moraines annuelles, moraines sous-marines, DeGeer moraines, push-moraines, moraines mineures ou minor moraines, cross-valley moraines, transverse eskers, till ridges.

Références

Publications accessibles dans SIGÉOM Examine

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Autres publications

 

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Collaborateurs

Première publication

Olivier Lamarche, géo., M. Sc. olivier.lamarche@mern.gouv.qc.ca (rédaction);

Hugo Dubé-Loubert, géo., Ph. D. (lecture critique); François Leclerc, géo., Ph. D. (conformité du gabarit et du contenu); Johanne Jobidon (vectorisation des figures); Céline Dupuis, géo., Ph.D. (version anglaise); André Tremblay (montage HTML).

 
21 janvier 2021